Cinquante ans après la sortie du film Emmanuelle, resté près de 10 ans à l’affiche et toujours ancré dans l’imaginaire collectif comme l’un des personnages les plus sulfureux du cinéma, Audrey Diwan revisite le roman d’Emmanuelle Arsan dans une nouvelle adaptation très libre qui explore par un nouveau prisme le plaisir féminin. Si vous voulez poursuivre vos séances de minuit, on vous a sélectionné cinq excellents films à haut potentiel érotique, chacun à sa façon.
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L’inconnu du lac, d’Alain Guiraudie
La totalité du thriller gay d’Alain Guiraudie se concentre aux abords de ce fameux lac, celui du titre, personnage principal du film autour duquel s’articule un fascinant ballet très codifié d’hommes nus qui s’observent, se frôlent, se draguent et concluent dans les fourrés. Chaque nouvelle journée d’été au bord de ce lac se suit et se ressemble tandis qu’un nouveau chapitre de l’histoire s’écrit.
Malgré cette simplicité de surface, ce huis clos d’extérieur est un condensé d’érotisme et de suspense dès lors que Franck, habitué des lieux, s’éprendra de Michel qu’il aura pourtant vu noyer son amant dans le lac tard le soir, se croyant à l’abri des regards.
Franck naviguera entre son idylle naissante avec cet apollon moustachu et son affection platonique pour Henri, un hétérosexuel à la recherche de tranquillité qui vient passer ses journées seul et habillé sur cette plage naturiste.
Sa passion avec Michel offre de belles scènes d’amour, d’autant plus érotiques qu’elles sont dangereuses, filmées sans aucun détour tandis que son amitié avec Henri fait office de respiration par la douceur de leurs conversations faussement innocentes et véritablement bouleversantes, qui interrogent également sur l’instantanéité des relations amoureuses quelles qu’elles soient.
Simple comme Sylvain, de Monia Chokri
Le synopsis du film pourrait presque être celui d’une comédie romantique de Noël estampillée Netflix. Sophia, professeure de philosophie à Montréal, se rend dans le chalet de campagne qu’elle vient d’acheter avec Xavier, avec qui elle vit en couple depuis dix ans et avec qui elle partage une véritable complicité intellectuelle à défaut de sexuelle. À son arrivée, elle va rencontrer Sylvain, le charpentier en charge des travaux, et le coup de foudre charnel sera immédiat mais très rapidement soumis à des problématiques de lutte des classes, nourries par un certain mépris de classe intériorisé de la part de Sophia.
Simple comme Sylvain est une comédie mélancolique qui réussit à être à la fois philosophique, sexy et sexuelle, à la fois sensuelle et émouvante par ses personnages et énergique et drôle par ses dialogues. Il est rare – et donc réjouissant – de voir le désir féminin et tout le lot de tromperies, de tourments et de questionnements qu’il peut charrier raconté par le prisme de la comédie, davantage réservée aux tribulations amoureuses et sexuelles masculines.
Les scènes de sexe sont l’une des réussites majeures du film. La puissance du désir entre Sophia et Sylvain est évidente mais la caméra de Monia Chokri préserve toujours son actrice, dont jamais on ne voit le corps. L’érotisation passe par le regard qu’elle porte sur lui et la seule paire de fesses qu’on voit dans le film est celle de Sylvain.
Call Me by Your Name, de Luca Guadagnino
“And I’ll call you by mine.” Dès son titre, le film de Luca Guadagnino était extrêmement suggestif. C’est justement la force de ce long-métrage où tout se joue dans l’évocation. C’est un film très sexuel où l’on ne voit presque rien, à l’exception d’un jeu érotique avec une pêche ou d’un caleçon reniflé.
Tout le film est articulé autour de la tension sexuelle entre Elio et Oliver qui ne scelleront leur idylle que tardivement et se tortureront autant qu’ils nous torturent. Ajoutez-y la chaleur de l’Italie pittoresque et incroyablement photogénique des années 1980 et vous obtenez un cocktail débordant de sensualité.
Mais que n’a-t-on déjà pas dit au sujet de Call Me by Your Name ? Certainement pas que Timothée Chalamet est un grand acteur, le seul à être parvenu à nous faire vivre une seconde fois nos émois adolescents avec une telle intensité. La puissance de ce grand film et la justesse du jeune Timothée nous ont permis de nous sentir au plus près du personnage d’Elio alors que tout semble nous séparer.
Mademoiselle, de Park Chan-Wook
Dans la Corée des années 1930 sous l’occupation japonaise, Sokee, une jeune femme d’origine modeste se fait embaucher au service de Hideko, une riche Japonaise, cloîtrée dans une immense demeure. De mèche avec un faux comte qui se fait passer pour un professeur de dessin, les deux magouilleurs ont pour but de faire interner Hideko, à la santé mentale fragile, pour s’accaparer son héritage. Une tension sexuelle imprévue va s’installer entre la maîtresse et sa servante et les ambitions de chacun vont être mises à mal.
Le thriller est décidément un terreau fertile et propice aux sous-textes érotiques surtout quand il prend la forme d’un triangle amoureux et pervers, tout en jeu d’ombres derrière des paravents et des secrets murmurés. Dans ce film envoûtant et esthétiquement sublime, chaque objet a une charge potentiellement sexuelle, qu’elle soit frontale ou suggérée : les sucettes et boules de geisha bien sûr, mais aussi un dé à coudre ou la désormais célèbre pêche.
Le film de Park Chan-Wook a également un côté sadien et fétichiste assumé, incarné par l’oncle lubrique et tyrannique de Hideko, qui lui a infligé des séances de lecture pornographiques face à une assemblée d’hommes émoustillés qui règnent en maîtres dans la demeure et contre lesquels les deux héroïnes vont allier leurs forces.
Kaboom, de Gregg Araki
Présentée dans la section Un Certain Regard à Cannes en 2010, la comédie adolescente psychédélique de Gregg Araki avait remporté la première Queer Palm du Festival, volant la vedette aux Amours Imaginaires de Xavier Dolan.
Les bases scénaristiques de Kaboom sont celle du classique campus movie, de ses personnages archétypes et de ses histoires de coucheries : Smith, un étudiant en cinéma à la libido débordante, jongle entre Stella, sa meilleure amie lesbienne et London, son plan cul tout en fantasmant sur Thor (ça ne s’invente pas), son coloc blond, surfeur, simplet et hétéro qui pratique l’autofellation.
Comme dans de nombreux campus movies (et comme dans Smiley Face du même Araki trois ans plus tôt), l’ingestion de space cake va venir chambouler leur petite organisation et persuadera Smith d’avoir assisté au meurtre de la fille qui hante ses rêves, le mettant sur la trace d’un complot d’envergure. Les aventures de ce trio bisexuel deviendront ensuite une sorte de théâtre hallucinatoire où leurs délires oniriques viendront s’entremêler à leurs expérimentations sexuelles, à la façon d’un rêve érotique un peu chelou, tendance science-fiction. Sa mise en scène très pop et sa pléiade de punchlines font de Kaboom une ode à la jouissance et à l’adolescence sous forme de trip sous acide.