Depuis l’année dernière, l’université de Genève organise les conférences “The Historians” pour décrypter les séries. La RTS propose une série de vidéos basée sur ces conférences.
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Qui aurait cru qu’un jour, les universités organiseraient des conférences sur les séries ? Pas nos parents. À l’instar d’Harvard et de l’université de Berkeley proposant chacune des cours basés sur Game of Thrones, l’université de Genève (Unige), en partenariat avec Le Temps, organise depuis l’année dernière des cycles de conférences autour de ce “phénomène social et culturel inédit”.
Il faut dire que les séries, tout comme la littérature, n’hésitent pas à piocher leurs intrigues dans l’Histoire – et beaucoup récoltent un succès énorme. Des historiens prestigieux sont donc invités à proposer d’expertes relectures de séries telles que Game of Thrones, The Walking Dead ou encore Rome. Intitulées “The Historians”, ces conférences en sont déjà à leur saison 2.
En se fondant sur ces séminaires, la boîte de production La Souris Verte et la RTS ont créé The Historians, une série de vidéos faisant intervenir les experts et historiens invités par l’Unige. Dans celles-ci, ils se penchent sur quatre séries emblématiques ayant pour point d’ancrage une période historique spécifique : Kaamelott, Masters of Sex, The Knick et The Tudors.
“Alexandre Astier suit la même ligne que les auteurs médiévaux”
Dans cinq vidéos d’environ trois minutes chacune, l’historienne Sarah Olivier se penche sur Kaamelott. Des analyses passionnantes qui élèvent la série humoristique au rang de référence historique. “La légende arthurienne prend corps dans la littérature à la fin du XIIe siècle. La matière de Kaamelott est littéraire, et s’inscrit dans un temps historique”, explique l’experte, affirmant qu’“Alexandre Astier propose une nouvelle version de la légende arthurienne”. Elle argumente : “C’est une version qui, à l’image de celle des auteurs médiévaux, s’inscrit dans une époque qui est celle de l’écriture [maintenant, ndlr], mais parle d’un passé devenu mythique. En ce sens, Astier suit la même ligne que les auteurs médiévaux et c’est pour ça que Kaamelott est intéressante.”
Pas sûr que les spectateurs aient déjà vu Kaamelott sous cet angle, et c’est justement là où se situe la pertinence de The Historians. La série, élément constitutif de notre société contemporaine occidentale, deviendra témoignage historique plus tard. Alors, si de surcroît elle traite d’un sujet lui-même historique… Il y a quelques mois, Alexandre Astier confirmait qu’une trilogie Kaamelott allait bientôt sortir sur grand écran. Voilà de quoi alimenter les recherches des historiens.
Entre réalité et fiction
Quant à Masters of Sex, ce sont les professeurs en études de genre Delphine Gardey et Sébastien Chauvin qui la dissèquent. La série, basée sur des personnages et des faits réels, et fondée sur le roman éponyme de Thomas Maier, raconte la vie et le travail de deux sexologues des années 1960. Le docteur Masters engage une jeune secrétaire, Virginia Johnson, pour mener une étude scientifique sur la sexualité humaine. Elle devient par la suite sa collaboratrice dans cette recherche. Ce qu’ils ont découvert a bouleversé notre appréhension et notre compréhension du sexe.
Dans The Historians, Delphine Gardey insiste sur la relation proche et à la fois distante qu’ont entretenue les scénaristes de Masters of Sex avec la réalité. Elle déclare qu’“il y a des choses vraies, véritables”, mais que “des libertés sont prises aussi”. “On peut prendre l’exemple du ‘Motor-powered Plexiglas phallus’, qui est attesté. Il a été inventé par William Masters pour pouvoir enregistrer les transformations de la cavité utérine pendant l’orgasme. Mais cet objet n’est ici pas vraisemblable, il ressemble à un sabre laser.”
Le parti pris féministe est aussi intéressant du point de vue historique. Contrairement à la majorité des publications scientifiques de l’époque, celles du tandem sont signées de leurs deux noms. La série retranscrit cela, tout en développant en profondeur le personnage de Virginia Johnson. “Les scénaristes femmes ont privilégié son point de vue à elle, qui est intéressant parce qu’elle est entrée dans le programme de William Masters, l’a transformé, y a contribué de manière déterminante, et s’en est en partie détachée.”
En somme, la RTS et l’université de Genève nous proposent une relecture passionnante de quatre séries qui, au premier abord, peuvent n’être vues que comme des divertissements. Pour connaître l’Histoire, regarder certaines séries peut s’avérer très instructif. Pour info, la prochaine conférence de “The Historians”, le 27 novembre, tournera autour de la série Penny Dreadful.