Et si l’ancêtre des playlists Spotify, c’était ces compilations italiennes illégales des années 1980 ?

Et si l’ancêtre des playlists Spotify, c’était ces compilations italiennes illégales des années 1980 ?

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© Groenlandia/Rai 1

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Par Flavio Sillitti

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La folle (et vraie) histoire des trois Napolitains qui ont régné sur l’industrie musicale internationale avec des mixtapes passées sous le manteau. Beaux gosses.

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Il fut un temps où, loin des trends TikTok et autres statistiques digitales incompréhensibles, l’industrie musicale carburait à l’influence de vrai·e·s mélomanes. Pour le meilleur et pour le pire. C’est ainsi que, dans l’Italie des années 1980, la fratrie Frattasio construisait un empire de pouvoir, d’influence et d’argent en vendant leurs mixtapes illégales dans tout le pays, et partout ailleurs.

Un business inattendu, qui a commencé dans l’arrière-boutique d’un disquaire qu’Enrico Frattasio nettoyait pour gagner sa vie. En reproduisant et commercialisant ces mixtapes de musiques de tout genre (ça allait d’un rap napolitain à des chants grégoriens), ce trafic baptisé Mixed By Erry a su s’imposer dans tout le pays — allant même jusqu’à faire affaire à Hong Kong.

Comme l’indique à The Guardian l’ethnomusicologue Simona Frasca, autrice d’un bouquin sur la fratrie Frattasio, les mixtapes de Mixed By Erry étaient de loin les meilleures de l’époque, car les trois musicos connaissaient leur terrain. La marque de fabrique du trio était d’intégrer à la fin de chaque mixtape des titres inconnus ou pas encore sortis, qui pouvaient plaire à l’auditeur·rice sur base de ce qui venait de précéder. En d’autres mots : l’ancêtre des playlists recommandées.

Le label Mixed By Erry est progressivement devenu un gage de qualité et, à son âge d’or, l’entreprise produisait 60 000 compilations par jour, soit 27 % de l’ensemble du marché musical de l’époque, comme le rapporte NSS Magazine. Un business qui aura permis à un bon nombre de mélomanes de se procurer des morceaux impayables en format CD légal, et à beaucoup d’artistes de trouver leur public. C’est notamment le cas de Marco Messina, membre du groupe 99 Posse, qui explique à The Guardian devoir une grande partie de son succès au fameux label pirate :

“Si j’y pense d’un point de vue monétaire, c’est de l’argent qu’ils ont gagné grâce à moi et que je n’ai pas gagné. Mais d’un point de vue plus global, ils ont diffusé ma musique, ce qui lui a permis d’être mieux popularisée”, confie Messina.

Avec l’arrivée des lois contre le piratage dans les années 1990, les Frattasio ont rapidement été accusés de faire de l’argent sur le dos des artistes, s’attirant des ennuis avec les autorités. Une histoire qui nous rappellerait presque Spotify et son 0,0051 euro de compensation par stream. Oups. La folle histoire des Frattasio fait aujourd’hui l’objet d’un long-métrage italien réalisé par Sydney Sibilia, coproduit par Netflix et la chaîne de télévision nationale Rai 1.

Une comédie italienne que beaucoup qualifient de “rafraîchissante”, signée du studio italien Groenlandia — qui a notamment produit le film France avec Léa Seydoux en 2021. Si le film est sorti début février en Italie, aucune date de sortie n’est prévue en France pour le moment. Mais bon, on n’est jamais loin d’un petit visionnage pirate, juste histoire de rester dans le thème.