“Les comédies sont faites pour être vues avec un public”
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Je me suis dit qu’il y aurait assez de gens qui pourraient s’identifier à cette situation et être attirés par cette histoire très loufoque – évidemment, personne ne peut revenir d’entre les morts, même pas des ex-petites amies.
Vous n’aviez pas beaucoup de budget pour ce film. Comment est-ce que vous avez surmonté les contraintes financières ?
Quand j’ai eu l’occasion de faire le film, au début on m’a dit que personne ne voudrait faire de films avec des zombies. Et puis World War Z est sorti et a engrangé beaucoup d’argent, ce à quoi personne ne s’attendait parce qu’il y a eu beaucoup de “bad buzz” autour du film. Et tout d’un coup, tout le monde a dit : “Ah, les zombies, ça rapporte !”
On a trouvé des financements. On nous a dit : “On vous donne une certaine somme d’argent mais il faut que le film soit terminé à cette date précise.” Donc on a fait vite et on a tourné à Los Angeles. Ce qui est plutôt inhabituel parce que plus personne ne tourne là-bas maintenant.
On a tourné dans un rayon de sept blocs donc on n’avait pas besoin d’avoir beaucoup de camions. On devait utiliser le temps que l’on avait de la meilleure manière possible. Et c’était compliqué parce que l’actrice principale devait être en “décomposition”. On ne tournait pas en séquences donc on devait se demander “à quel point est-ce qu’elle est décomposé aujourd’hui ?”. Il fallait mettre le maquillage, l’enlever, etc.
Burying the ex bénéfie d’une sortie limitée et sera disponible en VOD. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je savais que le film n’allait pas être un gros blockbuster mais on l’a montré à quelques personnes et ils l’ont trouvé drôle et “mignon”. Mais comme cela arrive souvent pour les films à petit budget, il ne bénéficie pas d’une sortie nationale. Il ne sort que dans 10 cinémas et sera donc disponible en VOD.
C’est dommage parce que c’est une comédie et les comédies sont faites pour être vues avec un public. Quelque chose de très drôle au cinéma peut l’être beaucoup moins si vous regardez le film sur votre écran d’ordinateur. Surtout si vous le regardez tout seul.
Donc j’ai été déçu mais je me dis aussi que les réactions des gens l’année de la sortie d’un film n’ont rien à voir avec la manière dont sera perçu le film dans le futur. J’en sais quelque chose puisque certains de mes films n’ont pas été bien reçus à l’époque où ils sont sortis et maintenant les gens pensent qu’ils sont super.
Les zombies sont très populaires en ce moment, surtout à la télévision. Comment expliquez-vous ce regain de succès pour ces créatures ?
Les zombies ont eu droit à une renaissance. Le premier film de zombies a été fait dans les années 30 [Les Morts-Vivants de Victor Halperin sorti en 1932, ndlr]. C’était sur les vrais “zombies” caribéens qui étaient ramenés d’entre les morts pour travailler dans les plantations de cannes à sucre, qui étaient exploités et devenaient des sortes de robots. Ensuite, il y a eu de nombreux films sur les zombies jusqu’à la fin des années 60 et George Romero a fait La Nuit des morts-vivants. Les Italiens ont commencé à faire plein d’imitations du film. C’était toujours mal considéré mais ça commençait à devenir populaire.
Et à l’époque où il y a eu The Walking Dead et World War Z, les gens se sont dit que les zombies étaient là pour rester. Ils sont devenus des sortes d’icônes culturelles sur lesquelles les producteurs, les réalisateurs et les scénaristes peuvent projeter des questionnements métaphoriques. Les zombies ça questionne la vie et la mort. Quand vous revenez d’entre les morts, ça implique des problématiques psychologiques et politiques. La Nuit des morts-vivants est sur la guerre du Vietnam. Ce qui est bien avec le genre horrifique c’est qu’on peut faire des choses subversives. Une partie de l’audience comprendra le sens et l’autre pas forcément.
Vous avez dit que filmer Burying the ex était comme faire un film de Roger Corman. Pourquoi ?
Parce que c’était la même façon de faire, se dépêcher et filmer. Ce qui était super parce que c’était une sorte de retour à mes débuts. J’ai appris énormément sur la façon de faire des films en travaillant avec Roger Corman, comme tous ceux qui ont travaillé avec lui.
Est-ce que votre façon de travailler a changé entre le début de votre carrière et maintenant ?
Pas vraiment. La seule chose qui est importante quand tu fais un film c’est ce qu’il y a entre “Action !” et “Coupez !”. Pour un blockbuster, il peut y avoir des heures et des heures entre ces deux choses. Pour un film à petit budget, ce qu’il y a entre les deux peut durer 15 ou 20 minutes. Il faut travailler très vite et intuitivement. Mais on utilise les mêmes compétences que l’on fasse un gros film ou un petit.
Est-ce que maintenant c’est plus facile pour vous de faire des films personnels ?
Ce n’est jamais facile de faire des films personnels. J’ai eu de la chance parce que quand je faisais des gros films, je travaillais avec Steven Spielberg et il faisait l’intermédiaire entre moi et les studios. Les studios disaient souvent “on n’aime pas ça”, “pourquoi il fait ça ?” et Spielberg était plutôt du côté du réalisateur. Quand il t’embauchait, il te faisait confiance.
“Quand j’ai commencé à travailler pour les studios sans Spielberg, j’ai découvert que je devais me battre”
Quand on présentait un film en projection, on le montrait fini avec la musique, les effets sonores… Quand le public voyait le film, il voyait la meilleure version. S’il fallait faire des changements, on les faisait mais c’était un environnement très encourageant. Quand j’ai commencé à travailler pour les studios sans Spielberg, j’ai découvert que je devais me battre. Parfois, la situation peut s’envenimer quand on n’est pas sur la même longueur d’ondes avec les personnes qui t’embauchent. Ils peuvent changer d’avis pendant que tu fais ton film et vouloir quelque chose de différent. Je n’ai pas fait de films avec des studios depuis 2003 et ça ne me manque pas.
Quand vous étiez jeune, vous vouliez être dessinateur humoristique. Pourquoi avoir choisi le cinéma à la place ?
J’avais mes personnages, mon histoire, puis je suis allé dans une école d’art et on m’a dit : “Le cartoon, ce n’est pas un art”. On m’a proposé d’aller en cours de cinéma. À cette époque, le début des années 60, il n’y en avait vraiment pas beaucoup. On était 30 étudiants et il n’y avait que deux caméras. Les films ressemblent un peu aux comics dans le sens où on fait des storyboards. Donc je me suis vite senti à l’aise dans l’idée de faire des films. Même si je n’ai jamais pensé à ce moment-là à en faire mon métier.
Mais j’ai fini par devenir critique de cinéma puis je suis allé en Californie pour travailler avec Roger Corman, faire des trailers – ce qui m’a permis d’apprendre le montage. Le montage m’a amené à avoir la chance de réaliser un film et je me suis dit pourquoi pas en faire mon métier. Si ça ne marchait pas, je pouvais toujours être monteur. Mais les monteurs sont très solitaires et je me suis rendu compte que j’aimais être entouré. J’aimais le fait qu’il y ait plusieurs personnes sur le plateau de tournage avec différentes idées.
Pourquoi avoir choisi le genre horrifique ?
Je regardais ce genre de films quand j’étais petit. Et ils étaient commerciaux donc quand on a des petits budgets c’est plus facile de faire financer des films si ce sont des films d’horreur. La fanbase de ces films est très loyale.
Quand j’ai fait mon premier film d’horreur pour Roger Corman, Piranha, je pouvais faire le film que je voulais. Je pouvais évoquer la guerre du Vietnam si je voulais, ça lui était égal. J’ai compris que c’était un bon genre pour exprimer des choses.
Est-ce que vous regardez les films d’horreur actuels ?
Oui. Je regarde beaucoup de vieux films d’horreur mais j’en regarde aussi des nouveaux. Il y en a beaucoup qui sont indépendants donc c’est une bonne chose de venir dans des festivals pour les découvrir parce qu’ils risquent de ne pas sortir en salles. Peut-être que certains premiers films de certains réalisateurs ne sortiront pas mais peut-être que leur deuxième film, oui. Tout dépend de qui les voit. C’est pour ça que les festivals existent, c’est pour pouvoir être découverts.
Aujourd’hui, tous les films d’horreur semblent avoir le même sujet : fantômes, possessions, activités paranormales… Quel est votre avis sur le genre horrifique de nos jours ?
C’est difficile aujourd’hui parce qu’il y a eu tellement de films d’horreur, de parodies, que c’est compliqué de faire quelque chose de nouveau. Le public ne veut pas quelque chose de différent, il aime le genre horrifique parce qu’il sait qu’il va voir certaines choses. Si on ne leur donne que ça, ils ont l’impression d’être “trahis”, mais si vous leur donnez quelque chose de totalement différent, ils n’aiment pas ça non plus. Si vous faites un film comme La Cabane dans les bois, où vous essayez de leur donner ce qu’ils croient mais en ajoutant un aspect différent, une intrigue originale, ça c’est intelligent. Et c’est difficile à faire.
Des gens comme Guillermo Del Toro sont capables de détourner des clichés et d’en faire quelque chose de spécial. Mais quand des producteurs disent “il me faut un nouveau film de serial killer”, c’est un énorme défi de faire un film de serial killer qui ne ressemble pas aux centaines déjà faits.
Vous avez travaillé souvent pour la télévision. Qu’est-ce que vous binge watchez comme série télé ?
J’aime beaucoup Hannibal. Je regardais Game of Thrones, Salem – pour laquelle j’ai fait un épisode. Dexter, qui était très bien. J’ai rattrapé Battlestar Galactica des années après que la série ait commencé. Et quand je m’y suis mis j’ai regardé les 178 épisodes en quelques mois seulement. House of Cards aussi est très bien. Il y a beaucoup de bonnes séries.
J’aime beaucoup l’idée que maintenant on puisse télécharger d’un coup toute la saison. Si j’avais regardé tous les épisodes de Game of Thrones d’un coup, je ne serais pas aussi perdu aujourd’hui. Si je regarde la série avec un ami et qu’il pointe du doigt l’écran et qu’il me demande “qui est ce personnage, pour qui il travaille ?”, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre. Si je l’avais regardée sans les interruptions entre toutes les saisons, ce serait plus facile pour moi de suivre.
Vous avez utilisé la 3D une fois pour votre film The Hole sorti en 2009. Est-ce que c’est une technique que vous utiliseriez à nouveau ?
La raison pour laquelle j’ai fait The Hole c’est que je tournais en 3D. J’ai aimé le challenge que cela représentait. La 3D est très intéressante mais maintenant la plupart des films qui sont en 3D sont tournés normalement et ils sont convertis grâce aux ordinateurs. Ça ne m’intéresse pas. Je ne veux pas tourner un film et laisser quelqu’un dans un laboratoire décider quoi faire.
Quand vous avez tourné Gremlins, vous avez utilisé des marionnettes. Est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui, c’est encore possible de faire un film avec de vrais objets que les acteurs peuvent toucher et pas seulement rempli d’effets spéciaux ?
Je préfère ça, c’est forcément mieux pour les acteurs. Il y avait un chien sur le plateau de Gremlins qui croyait que la marionnette de Gizmo était réelle. Il était fasciné. On a eu de super réactions parce qu’il croyait qu’il était avec une créature vivante. On aurait jamais eu ça si on avait utilisé des effets spéciaux parce qu’il n’y aurait rien eu de vraiment présent.
Ça rend les choses plus faciles pour les acteurs et pour tout le monde mais c’est aussi compliqué. Pour Gremlins, on avait des marionnettistes et on devait les cacher derrière des chaises, les murs, sous le plancher… Cela dictait comment la scène allait être filmée.
“Regarder des robots géants se battre pendant une heure et demie, ce n’est pas intéressant”
Aujourd’hui, on n’a plus à faire ça. On peut mettre les marionnettes n’importe où et les marionnettistes à côté et faire une autre prise sans eux. Je pense que c’est super qu’il y ait toutes ces nouvelles techniques mais je pense que la vieille méthode avait aussi ses bons côtés. Pour L’Aventure Intérieure, tout a été fait “à la main”. Quand je regarde ce film aujourd’hui, qui a gagné un Oscar [pour les effets visuels, ndlr], je ne vois pas comment ça aurait pu être mieux si ça avait été fait avec de la CGI.
Est-ce que vous ne pensez pas que la CGI est utilisée abusivement ?
Non, je pense pas. Il y a plein de choses qui sont faites grâce à la CGI dont on ne se rend pas compte. Je me rappelle du film de Clint Eastwood, L’Échange. Tout l’environnement est faux mais ça reste impressionnant. Et ça n’aurait jamais pu être fait pour de vrai parce qu’aucun endroit ne ressemble à ce qu’on voit dans le film.
Le problème c’est quand la CGI n’est plus là juste pour porter l’histoire et les personnages. Regarder des robots géants se battre pendant une heure et demie avec quelques plans de coupe sur Shia LaBeouf, ce n’est pas intéressant. Et pour moi ce n’est pas une bonne manière de faire un film.
J’aimerais vous parler de Wes Craven qui nous a malheureusement quittés il y a peu de temps. Est-ce que vous avez eu l’occasion de travailler avec lui ?
Je n’ai jamais travaillé avec lui mais je le connaissais. Avec les autres réalisateurs qui font le même genre de films, on se réunissait à chaque fois que l’un d’entre nous venait en ville. On appelait ça “Le dîner des maîtres de l’horreur”. Wes faisait partie de notre groupe mais il n’était pas tout le temps là. Il n’a pas commencé par les films d’horreur, il travaillait dans l’industrie du porno sur la côte Ouest. C’était la meilleure manière de commencer parce qu’il y avait beaucoup de productions. Et il a utilisé les techniques qu’il connaissait pour faire La dernière maison sur la gauche, qui a été tourné un peu comme un film porno sans le porno.
“Je pense que vous verrez quelque chose avec le mot Gremlins écrit dessus mais je n’ai aucune idée de ce que ce sera”
Mon film préféré de Wes c’est Scream 3 parce que ça raconte la manière de faire des films d’horreur. C’est un film très “conscient” et c’est ce qui me plaît.
Pour vous, qu’est-ce qu’il a apporté au genre horrifique ?
Il a créé Freddy Krueger qui est le dernier personnage de film d’horreur du moule Dracula-Frankenstein-Loup-Garou. Et Robert Englund, même s’il n’est jamais devenu aussi connu que ses aînés, est la dernière star vivante de film d’horreur, la dernière personnification du croque-mitaine. Je pense que cette série de films de cauchemars est la meilleure chose que Wes ait faite.
On parle d’un reboot de Gremlins depuis de nombreuses années, ce qui est une très mauvaise idée. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je pense que tant que vous avez fait un film qui a bien marché, c’est inévitable qu’il aura droit à un remake. Ils font des remakes de films qui n’en ont pas besoin. Qui avait besoin d’un nouveau Robocop ? D’un nouveau Spider-Man seulement quelques années après la première trilogie ? C’est une façon fainéante de faire des films.
Je pense qu’à un moment donné vous verrez quelque chose avec le mot Gremlins écrit dessus mais je n’ai aucune idée de ce que ce sera. Ça a trop de valeur pour qu’ils ne fassent rien. Mais s’ils font un remake, quand les gens entendront Gremlins ils penseront sûrement à l’original et pas au remake. Comme pour Total Recall, les gens ne pensent pas au remake mais au film avec Schwarzenegger.
Mais qui sait ? Parmi les meilleurs films qui ont été faits, certains sont des remakes comme Le Magicien d’Oz ou Une étoile est née. Il n’y a rien de mal à vouloir faire des remakes ou des reboots. C’est juste qu’il faut le faire d’une manière intelligente, avoir une raison pour faire une nouvelle version d’un film.
Est-ce qu’il y a encore des gens avec des idées originales à Hollywood ?
Les gens ont des idées originales mais ils ne peuvent pas les vendre. C’est plus facile de regarder dans le catalogue d’un grand studio et dire “ah ça a bien marché, refaisons-le”. Ils ne prennent pas en compte le fait que les années qu’il y a entre le moment où le film a bien marché et le moment où ils veulent en faire un remake, ne veulent rien dire.
C’est triste, mais aujourd’hui, les jeunes ne regardent pas tous des films sortis avant 1990. Il y a quelques exceptions avec des films dont tout le monde parle comme Gremlins ou Retour vers le futur… S’ils font un remake de Starfighter, personne ne saura qu’il y a eu un Starfighter avant parce que ce n’est pas un film qui a atteint une grande popularité.
Quel est votre meilleur souvenir de tournage ?
Mon meilleur souvenir c’est quand je travaillais pour les frères Warner. Je faisais ma partie du film La Quatrième Dimension, qui était ma première expérience avec un studio. C’était un plateau de tournage assez fou avec des angles bizarres. Les frères Warner étaient là et observaient le plateau d’en haut. Et je me suis dit : “Je suis là avec les frères Warner dans un grand studio”. Et là il y a quelqu’un qui me dit : “Hé, tu vois le coin là-bas ? Errol Flynn a pissé dans ce coin !” (rires).
Et votre pire souvenir ?
Sur le tournage de Gremlins 2, Dick Miller n’arrêtait pas de tomber dans un trou qu’il y avait dans le sol. Ce n’était pas très cool. Sinon, pour The Howling, quand le maquilleur s’occupait de Robert Picardo pour le transformer en loup-garou. Il a commencé à travailler le matin, on a attendu. Au déjeuner, ce n’était toujours pas fini. À 17 heures non plus. On a dû renvoyer tout le monde à la maison parce qu’on débordait sur le temps de tournage. On a rien tourné ce jour-là. Robert a dû dormir maquillé en loup-garou pour qu’on puisse tourner la scène le lendemain. (rires)
Est-ce que vous vous souciez encore des critiques que vos films reçoivent ?
Quand je relis les critiques de certains de mes films à l’époque où elles sont sorties, elles sont affreuses. Et quand je lis les nouvelles critiques, elles sont positives. J’ai vu les critiques terribles que Burying the ex a reçues mais je me dis que dans vingt ans, elles seront bonnes. (rires)
Pour finir, le film dont vous êtes le plus fier ?
Je suis fier d’être resté dans l’industrie du cinéma aussi longtemps. C’était un accomplissement de faire Gremlins. Mais je dirais que La Seconde Guerre de Sécession est celui dont je suis le plus fier.