À 26 ans, la peintre ghanéenne Awanle Ayiboro Hawa Ali a fait du mariage forcé des enfants son “combat”. “Vers l’âge de 13 ans, ma mère a voulu me donner à un homme qui aurait pu être mon père, j’ai refusé. À cette époque, j’étais toujours chez mes parents et je leur obéissais. On m’a dit qu’il faudrait que j’aille chez cet homme, que je lui fasse la cuisine, que je nettoie sa maison mais, moi, je ne voulais pas de cette vie-là, je voulais devenir journaliste”, raconte à l’AFP celle qui expose à Paris, à la galerie Mathilde Le Coz.
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“J’ai dû me battre et réussir à impliquer des membres de ma famille, mon oncle et ma tante. Lorsque je suis devenue adulte et artiste, j’ai décidé d’en faire mon sujet car j’ai réalisé que moins on en parle, plus c’est comme une pandémie qui s’étend”, ajoute-t-elle. “C’est un problème mondial qui touche aussi le Mali, le Nigeria ou le Zimbabwe”, souligne l’artiste, qui se voit “autant comme une créative que comme une porte-parole”.
Ses petites filles peintes en camaïeu de bleus racontent son histoire et celle de nombreuses femmes mariées de force alors qu’elles étaient enfants. En partageant leurs histoires, Awanle Ayiboro Hawa Ali entend leur redonner cette “enfance volée”, un travail “influencé par [sa] propre histoire” et “dédié à toutes les femmes qui vivent dans des sociétés conservatrices”, dit-elle. Amina en uniforme, Amina en train de jouer, Zeinab à 11 ans, des fillettes en robes à volants et au regard sombre, accompagnées de mères parfois, reflètent de manière très expressive leur passé réinventé sur fond de lutte féministe et de défense des droits des enfants.
“Goro”
L’un des tableaux représente Aïsha avec sa sœur, à laquelle un homme, qui souhaite la prendre pour femme, a offert un bonbon rouge, le “goro”, symbole de l’échange de sa liberté négocié avec sa famille. En haut et à droite du tableau, deux mots, en partie coupés : “Watch Children” (“surveillez les enfants”).
“Avec cette exposition baptisée ‘Playground’, j’ai décidé de faire le portrait de femmes qui sont dans la vingtaine mais que j’ai peintes en tant qu’enfants car, un jour, elles l’ont été et leur innocence, leur naïveté, leurs rêves leur ont été enlevés”, explique la jeune femme.
Elle entend poursuivre son travail de sensibilisation pour “faire une différence” et “montrer le chemin” vers l’émancipation, consciente toutefois de la complexité des enjeux. “C’est un sujet gouverné par des questions religieuses mais c’est aussi une question de pauvreté car certaines familles échangent leurs enfants contre de l’argent. C’est aussi un moyen de contrôler la sexualité des femmes, surtout dans les milieux pauvres et reculés”, analyse-t-elle. “Aujourd’hui, j’ai 26 ans, je ne suis pas prête à m’installer, je ne veux pas qu’on me mette la pression, je pense que le mariage devrait être un choix car c’est le voyage d’une vie et je veux être heureuse”, ajoute l’artiste.
Aînée de quatre enfants de parents originaires du nord du Ghana et musulmans, Awanle Ayiboro Hawa Ali, née en 1997, a grandi à Accra et quitté le domicile familial après le lycée pour travailler en tant que réceptionniste dans un hôtel. C’est à cette époque qu’elle a appris le dessin et la peinture “en regardant des tutos sur YouTube”. Elle se consacre uniquement à son art depuis quatre ans. Elle a participé à plusieurs expositions collectives au Ghana, aux États-Unis, à Londres et à Dubaï.