Les Bridgerton et les Lupin n’ont pas sauvé la mise à Netflix, qui a vu la croissance de sa base d’abonnés payants ralentir au premier trimestre 2021, un signe que la période propice de la pandémie s’achève peut-être pour certaines plateformes numériques.
Netflix a fini le premier trimestre 2021 avec près de 208 millions d’abonnés payants dans le monde (+14 %), soit 2 millions de moins que ce que le géant du streaming vidéo avait promis aux investisseurs. La sanction a été immédiate : son titre perdait plus de 10 % lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse.
“Nous pensons que la croissance de notre base d’abonnés payants a ralenti à cause de la percée de 2020 liée au Covid-19 et aussi à cause d’une offre de contenus plus réduite au premier semestre de cette année, en raison des délais de production dus à la pandémie”, a expliqué le groupe californien dans un communiqué. “Nous avons fini 2020 avec plus d’abonnés et de revenus que nous n’en aurions eus” sans la crise sanitaire, a-t-il rappelé.
En début d’année, la croissance affichait un bon rythme, notamment grâce au succès des adaptations modernes de fiction comme La Chronique des Bridgerton ou encore la série française Lupin. En janvier, Netflix avait annoncé que l’intrigue sentimentale britannique La Chronique des Bridgerton avait été vue par 82 millions de foyers en quatre semaines, un record.
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Une saturation du marché américain
Mais l’élan s’est ensuite essoufflé, et la plateforme ne table que sur 1 million d’abonnés supplémentaires pour le trimestre en cours, contre 10 millions l’année dernière à la même période. “C’est une source d’inquiétude parce que Disney+, Hulu, HBO Max et d’autres sont en train de les rattraper en termes d’abonnés américains”, commente Eric Haggstrom, analyste du cabinet eMarketer.
“Cela signifie que Netflix est sans doute proche de la saturation aux États-Unis, son plus gros marché.” Ce rafraîchissement “montre que le monde est en train revenir un peu à la normale, aux dépens de Netflix”, a tweeté Gene Munster du fonds d’investissement Loup Ventures. Sur le long terme, il envisage une croissance “quasi plate” pour le pionnier du secteur.
Disney+, qui a pris du service en novembre 2019, est parvenu à près de 95 millions d’abonnés en février. La plateforme a largement bénéficié des mesures de confinement, de l’immense catalogue du groupe californien et de prix peu élevés par rapport aux concurrents.
“Nous avons eu dix années de croissance sans encombre, c’est juste un peu bancal en ce moment”, a déclaré Reed Hastings, le fondateur et patron de Netflix, lors d’une conférence aux analystes. “Nous nous sommes demandé si ce n’était pas à cause de la compétition, […] mais nous avons examiné de près les données dans les régions où il y a de nouveaux concurrents et cela ne fait pas de différence pour nous en termes de croissance relative”, a-t-il assuré.
17 milliards en 2021
Il a aussi répété que les principaux rivaux de la plateforme selon lui restent la télévision dite “linéaire”, traditionnelle, suivie par YouTube. “Ça se résume au Covid, a ajouté Spencer Neumann, le directeur financier du groupe. C’est difficile de prévoir les résultats en ce moment.”
Netflix espère néanmoins un rebond à partir de l’été, notamment grâce au retour de séries très populaires comme Sex Education ou La Casa de papel au deuxième semestre, et aussi grâce à la reprise des tournages, à la faveur des campagnes de vaccination contre le Covid-19. “Nous produisons de nouveau en toute sécurité dans la plupart des marchés majeurs, sauf au Brésil et en Inde”, détaille l’entreprise.
Et de préciser :
“Bien que le déploiement des vaccins soit très inégal à travers le monde, nous reprenons et produisons en toute sécurité sur tous les grands marchés, à l’exception du Brésil et de l’Inde. En supposant que cela continue, nous dépenserons plus de 17 milliards de dollars en cash pour des contenus cette année et nous continuerons de proposer une gamme incroyable de titres à nos membres avec plus d’originaux cette année que l’année dernière.”
La plateforme a les moyens : son chiffre d’affaires a bondi de 24 % à plus de 7 milliards de dollars au premier trimestre et son bénéfice net, 1,7 milliard, est largement supérieur aux attentes et plus du double d’il y a un an.
Il faut noter qu’en 2019, Netflix avait dépensé 13,9 milliards de dollars dans la production et l’acquisition de contenus. Un chiffre qui était tombé à 12 milliards en 2020, dû à la crise sanitaire et le report de tournages, mais une évolution impressionnante au regard des dépenses de 2015 qui s’établissaient à 5 milliards. Pour comparaison, Disney est le seul concurrent qui dépense quasiment autant : en 2019, ses dépenses étaient évaluées à plus de 19 milliards de dollars.
Mais malgré cette hausse du budget, “la part de marché de Netflix en termes de revenus liés aux abonnements du streaming diminue”, a noté eMarketer dans un communiqué. “Ils avaient 49,4 % du total américain en 2018, contre 30,8 % attendus d’ici la fin de l’année.”
Des contenus en pagaille
En début d’année, Netflix a ainsi lancé une nouvelle bataille, à travers une vidéo promo qui annonçait la sortie de… 71 films inédits en 2021, soit plus d’un film par semaine, proposés presque simultanément dans les 190 territoires où le service est présent.
Pour remporter cette impitoyable bataille du streaming, Netflix va miser sur de nombreuses stars : Leonardo DiCaprio, Timothée Chalamet, Ryan Reynolds, Gal Gadot, The Rock, Meryl Streep, Halle Berry, Jennifer Lawrence, Kid Cudi, Lakeith Stanfield, Idris Elba, Zazie Beetz, Regina King, Chris Hemsworth, Noah Centineo ou encore Joey King et le réalisateur Adam McKay. Des films de super-héros aux films d’époque en passant par les traditionnelles rom-coms, les films de zombies et les westerns : il y en aura pour tous les goûts.
À cette avalanche de nouveaux projets viennent s’ajouter de nouvelles acquisitions rachetées aux studios privés de salles de cinéma ou de juteux contrats scellés avec des acteurs populaires, comme Kevin Hart, qui va produire quatre nouveaux films pour le compte de la plateforme.
Konbini avec AFP