Le cas Empty7 est un cas à part dans le rap francophone. Une forte personnalité qui pousse tous les curseurs à l’extrême, où l’émotion est omniprésente tout comme le don de soi. Ressentir l’œuvre du rappeur passionné par le néoclassique, c’est accepter de donner aussi une petite partie de soi-même, un échange de bons procédés. Cagoulé depuis le début de sa carrière de rappeur en 2019, il cache son visage mais pas sa vie qu’il raconte avec profondeur et brutalité à travers plusieurs projets. En mars 2020, il dévoile son premier album Vision. Dernièrement, c’est avec deux EP qu’il a su nous toucher, BLV NUIT en avril 2023 et Nessun dorma au mois de juillet, ouvrant ainsi la porte vers de nouvelles ambitions.
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Vincerò ! Vincerò !
De l’italien “Nessun dorma” au français “que personne ne dorme” ou “personne ne dort”, le titre de ce nouvel EP emprunté à l’un des airs les plus connus de l’opéra italien reflète parfaitement la mentalité d’Empty7 : “Cet air est trop beau et veut dire plein de choses. Que ce soit le public qui ne dorme pas, mon entourage ou moi car je bosse tout le temps, c’est une mouvance en fait.” On retrouve cette fondamentale pour le Suisse à l’intérieur de l’EP comme dans “Pas de chance”, morceau en collaboration avec Winnterzuko :
“Tu crois qu’moi j’pars en vacances
On la crée si y a pas de chance”
Les deux artistes se connaissent bien et Empty considère Winnter comme l’une de ses plus belles rencontres musicales. “C’est drôle, on est tous les deux masqués, on pourrait être plus fermés mais au contraire on a eu des vraies conversations en plus d’avoir une histoire et un discours similaires”. Parmi les thèmes qui les rapprochent, la figure maternelle, centrale chez Empty7 qui considère que “si elle ne valide plus ce que je fais, c’est que je fais fausse route. Tout ce que j’entreprends, c’est aussi pour elle, qu’elle puisse arrêter son travail et être heureuse“.
Avant même de prononcer ses premiers mots, le rappeur est attiré par le piano, “un langage à part entière qui permet de laisser les mots de côté”. Au final, il fera 14 ans de cours de classique avant d’être rattrapé par son autre passion, le rap. Lui qui galère à déléguer en partie par souci de liberté créative a, pour la première fois dans un projet, composé l’entièreté des productions de Nessun dorma. “Y a pas meilleur DA que toi-même dans ce genre d’occasions. Je me suis senti plus en paix et plus efficace avec ce projet”, raconte l’artiste suisse. Pour la suite, il n’exclut de nouvelles coprods ou collaborations mais on risque fort de le retrouver à plusieurs reprises, seul, maître de son art.
La “score” pour étancher la feuille
Son dernier EP est aussi le plus court de sa discographie. Composé de quatre morceaux, la forme de Nessun Dorma n’est en aucun cas le fruit du hasard : “Je considère que 3, 4, 5 titres, c’est la meilleure manière d’amener un genre à toi de manière plus délicate”. Le genre d’Empty, il l’appelle la “Score”, une musique hybride qui allie le rap aux ambiances planantes qu’on retrouve dans les musiques de film. Les compositeurs Ludwig Göransson, Nick Glennie-Smith l’ont influencé, mais c’est surtout Hans Zimmer qu’il considère comme sa plus grande source d’inspiration :
“Hans Zimmer, c’est vraiment quelqu’un qui a changé ma vie sur plein d’aspects.”
Lorsque le rappeur originaire d’un quartier de la ville de Genève débute le rap, ce n’est pas sur ses propres instrumentales : “Je sentais toujours l’ombre de mon art au-dessus de moi.” Le déclic intervient en 2020 au moment du morceau “Anesthésié” : “Je pense que c’est à partir de là que j’ai compris que mon univers musical était aussi composé de musique classique ou en tout cas de néoclassique. En fait, c’était obligatoire que le piano et l’orchestre arrivent un jour“. Quand on regarde bien, cette ambiance cinématographique qui passionne Empty se retrouve également dans ses visuels.
“Quand je sors un texte, je le ressens vraiment comme un vomi, la catharsis. J’envoie tout sur le papier mais j’essaye de le faire de la bonne manière, avec les bons mots.” Empty7 va puiser loin, là où les rayons de soleil ne sont que des mirages oubliés, où sa tristesse sombre est l’arme fatale de ses démons. À travers des textes introspectifs, crus et délivrés presque de manière décomplexée, Empty7 s’empare du sujet de la santé mentale, de plus en plus abordé dans le rap francophone : “Ça ne veut pas dire que certaines problématiques sont plus légitimes que d’autres, mais en parler, c’est très important. Ça te permet d’exorciser et d’aider d’autres personnes ensuite.”
Chant de bataille
Lui qui, à une époque, se voyait bien docteur en sociologie pour “pouvoir aussi apporter une aide aux gens qui n’ont pas forcément les moyens de le faire” travaille actuellement au sein de milieux créatifs, mettant toutes ses forces dans la musique : “Je fais en sorte de faire rentrer de l’argent pour le réinvestir directement dans ça. Je peux manger un repas par jour s’il faut que j’économise pour un truc. Tous les jours, je sacrifie une part de moi-même pour atteindre les objectifs que je me suis fixés.” Ce sont des objectifs clairs pour celui qui voit sa paix future dans le fait vivre de son art.
Dans ta liste de choses à cocher, on retrouve quoi par exemple ?
“Remplir une philharmonie ! Je me vois avec des tambours, des violons, des violoncelles, etc. Je veux que ça arrive. Et le hip-hop symphonique de Mouv’, ça serait un objectif. Ça rend trop bien et les artistes se prennent vraiment au jeu et se rendent compte que c’est stylé avec des vrais instruments. “
C’est dans la tranquillité de l’anonymat, si cher aux yeux d’Empty7, que le rappeur progresse pas à pas aux côtés de ses deux managers vers les fruits de son obstination. Pianotant entre Genève et Paris, jouant du rap sous toutes ses formes et naviguant entre la dévotion et la solitude, Empty7 ne s’en cache pas, il garde, tapi dans un coin de sa cagoule sombre et mystérieuse, une petite envie d’utopie.