Décédée à l’âge de 43 ans, Émilie Dequenne a marqué le monde du cinéma dès son premier film, Rosetta des frères Dardenne, avant de séduire le public avec des rôles généreux à son image, et habités.
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Rosetta (1999)
À seulement 17 ans et pour son premier rôle au cinéma, Émilie Dequenne incarne, dans ce film de Luc et Jean-Pierre Dardenne, une jeune fille qui survit et se bat dans un monde de laissés-pour-compte d’une ville industrielle de la vallée de la Moselle. Rosetta, fille d’une mère alcoolique, vit dans un camping boueux et se bat avec la violence et l’énergie du désespoir, pour avoir un boulot, une “vie normale”, “pour exister comme un être humain, pas comme un animal”. Cadrée serré par la caméra qui ne la lâche jamais, dans un style de quasi-documentaire, Émilie Dequenne incarne avec sincérité cette folle rage de vivre et de sortir de la misère. Le film, Palme d’or, lui vaudra le prix d’interprétation féminin à Cannes.
La fille du RER (2009)
Tignasse rousse et air paumé, Émilie Dequenne est Jeanne dans ce film d’André Téchiné, inspiré d’un fait divers, celui d’une fausse agression antisémite. En juillet 2004, une jeune femme de 23 ans fait croire qu’elle a été agressée dans une rame du RER D sous les yeux indifférents des voyageurs. Elle affirme que ses agresseurs lui ont tracé des croix gammées au feutre sur le ventre. L’affaire suscite une vague d’indignation dans le pays et jusqu’à l’Élysée. Ce rôle aux côtés de Catherine Deneuve signait à l’époque le grand retour d’Émilie Dequenne qui avait multiplié les seconds rôles après Rosetta et Une femme de ménage (2002) de Claude Berri, avec Jean-Pierre Bacri.
À perdre la raison (2012)
Ses larmes sur “Femmes je vous aime” de Julien Clerc ont marqué tous ceux qui ont vu ce film de Joachim Lafosse sur une famille dysfonctionnelle qui bascule dans le drame. Une histoire inspirée d’un fait divers en Belgique, celui d’une mère ayant tué ses cinq enfants. Aux côtés de Tahar Rahim, Émilie Dequenne est Murielle, une jeune femme qui tombe éperdument amoureuse de Mounir, très proche de son père adoptif joué par Niels Arestrup (décédé en décembre). Au sein de ce trio étouffant, elle ne trouve pas sa place, enchaîne les grossesses et finit par commettre l’irréparable. Sa prestation lui vaudra un nouveau prix à Cannes, celui du prix d’interprétation féminine dans la section Un certain regard.
Chez nous (2017)
Devant la caméra de son compatriote Lucas Belvaux, Émilie Dequenne a incarné des personnages populaires forts comme Jennifer, la coiffeuse de Pas son genre (2014) qui tombe amoureuse d’un prof de philo parisien et Pauline, une infirmière à domicile du Nord séduite par un parti d’extrême droite fictif, dans Chez nous (2017). Un film qui avait alors hérissé le Front national (aujourd’hui RN) en pleine campagne présidentielle. “Pauline est quelqu’un auquel on peut très facilement s’identifier. On l’a décrite comme étant proche des gens, mais elle est les gens”, avait commenté Émilie Dequenne à un site belge. Elle se disait interpellée par l’envie de “changer les choses” de son personnage.
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait (2020)
Dans ce film sur des chassés-croisés amoureux, Émilie Dequenne se fond dans l’univers ouaté d’Emmanuel Mouret pour donner corps à Louise, une femme de la bourgeoisie parisienne toute en émotions rentrées, qui découvre la liaison de son mari (Vincent Macaigne) avec Daphné (Camélia Jordana). Pour cacher son désarroi, son personnage invente un stratagème : elle fait passer une de ses connaissances pour son amant qu’elle convie ensuite à un déjeuner avec son ancien mari et sa nouvelle compagne pour mettre en scène son bonheur factice et dissimuler sa peine. “Je ne voulais pas être jalouse”, dit-elle quand elle est contrainte de révéler ce subterfuge à son ancien mari. L’interprétation tout en nuances de cette femme digne et blessée, chignon ajusté et voix corsetée, lui a valu le César de la meilleure actrice dans un second rôle.