C’est certainement la grosse nouvelle pop culture de la semaine : le second épisode de la trilogie Renaissance de Beyoncé vient d’être annoncé pour le 29 mars prochain et il sera country ! Après les détours électroniques de l’acte 1 paru à l’été 2022 et récompensé du Grammy Award du Meilleur album de musique électronique l’année d’après, Queen B crée la surprise et mise sur un disque entièrement country, dévoilant dans la foulée les deux premiers singles.
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Si l’annonce a cassé Internet, la réception commerciale des morceaux est également importante, “Texas Hold ‘Em” et “16 Carriages” se hissant à la tête des classements country des applications de streaming, une première pour une femme noire. Pour beaucoup, c’est un record rempli de symbolique.
Certains fans suspectent le troisième acte du projet Renaissance d’être rock’n’roll, confirmant l’idée selon laquelle Beyoncé s’est en réalité lancée dans un projet de revendication des genres musicaux aujourd’hui marqués par la ségrégation, souvent au bénéfice des artistes blanc·he·s qui se les sont réappropriés : respectivement l’électronique, la country et le rock’n’roll.
Dans le Sud des États-Unis plus qu’ailleurs, le racisme dans les genres musicaux persiste et le fait de voir des artistes noir·e·s (la plus souvent cantonné·e·s aux genres hip-hop, R&B) s’aventurer en terres country a de quoi faire grincer les dents de nombreux puristes. C’est notamment ce qu’exprime la récente news selon laquelle l’artiste T-Pain ne signait plus les morceaux country qu’il a pourtant écrits, de peur d’être victime de racisme de la part des fanbases impliquées.
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“L’acte 3 sera Rock and Roll. Elle revendique toute la musique qui a été créée par des artistes noirs. Elle rappelle à tout le monde qu’on était les premiers à le faire.”
En 2016 déjà, Beyoncé elle-même était confrontée à cette problématique après avoir interprété son morceau “Daddy Lessons” (qui prouve qu’elle maniait déjà les codes country avant aujourd’hui) avec les Dixie Chicks aux CMA Awards, grande messe de la country. La prestation a suscité l’indignation des aficionados conservateur·rice·s de country, menant à des commentaires racistes sur les réseaux sociaux, et la suppression de la performance sur site web et les réseaux de la CMA.
Si pour beaucoup de détracteur·rice·s, l’annonce d’un album country par Beyoncé est donc une insulte au genre musical aujourd’hui dominé par des icônes blanc·he·s, les deux morceaux déjà dévoilés rappellent juste une chose que trop de conservateur·rice·s états-unien·ne·s ont du mal à digérer : le genre country est noir.
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Une minute d’histoire : l’héritage noir de la country
En réalité, la country est, comme la majorité des genres musicaux, une black music. Ce genre musical s’est réellement institutionnalisé aux alentours de 1920. Évidemment, les sonorités propres à la musique country datent d’avant le XXe siècle, et notamment le banjo, qui reste aujourd’hui l’un des instruments les plus évocateurs du registre. C’est à partir de lui que l’on retrace le plus facilement l’héritage noir de la country : l’instrument à gratte étant celui importé d’Afrique par les esclaves noir·e·s de l’époque et catégorisé comme exclusivement noir jusqu’aux années 1840, année d’apparition des premiers ministrels.
Ces shows à connotation raciste, joués exclusivement par des Blancs, se moquaient ouvertement des esclaves noir·e·s à travers des spectacles musicaux incluant blackface et parodies des fields songs chantés par les Noir·e·s durant plus de 400 ans et intégrant le plus souvent le banjo. Les ministrels sont notamment associés à la hillbilly music, à l’origine de la… country. Eh oui. En conviant la joueuse de banjo et de violoncelle Rhiannon Giddens au morceau “Texas Hold’ Em”, Beyoncé confirme donc sa volonté de réinstituer les racines noires du registre et en profite même pour mettre les femmes en avant. Yee-haw, queen.