En matière de culture, et de musique en particulier, la forme est presque aussi importante que le fond. Chaque mois, dans notre rubrique “Écouter avec les yeux”, on vous présente une sélection d’albums aux artworks décalés que l’on dévore d’abord du regard.
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Pour ce nouveau numéro :
- on parle actu avec la très minimaliste cover de XEU, deuxième album du rappeur français Vald
- on voit plus loin avec l’illustration de Matahari, premier album de L’Impératrice à paraître en mars
- on remonte le temps avec la controversée pochette de Contra, deuxième album de Vampire Weekend
C’est d’actu : Vald — XEU (Capitol Music France)
L’album : En termes de punchlines comme d’esthétique globale de son projet, Vald n’a pas pour habitude de faire dans le banal. Pour son deuxième opus, XEU, sorti le 2 février, Valentin Le Du, de son vrai nom, démontre qu’il n’a rien perdu de sa superbe. Mais outre le fond, c’est aussi la forme de son nouveau bébé qui n’est pas passée inaperçue…
La pochette : Interrogé par Noisey Vice, le rappeur d’Aulnay-sous-Bois, comme certains aiment le surnommer, a expliqué pourquoi il avait opté pour une pochette d’album monochrome, entièrement blanche et vierge, uniquement estampillée de la mention “explicit content” :
“La lumière blanche, c’est celle qui contient toutes les autres. Ça représente aussi le vide, Dieu, tout ce qu’on veut. Et ça laisse aussi la place à tout le monde pour faire sa propre cover. S’ils veulent prendre des notes vite fait alors qu’ils sont au téléphone, les gens seront aussi bien heureux de trouver ma pochette”, a-t-il ironisé.
Déjà disque de platine pour Agartha, Vald espère faire mieux avec ce deuxième album, enregistré à Los Angeles. Et il semble bien parti pour. En dix jours à peine, lors de la première semaine d’exploitation, le rappeur de 25 ans a déjà écoulé plus de 42 000 exemplaires de son deuxième disque, streaming inclus, et 16 de ses 17 morceaux figurent dans le top 20 des plateformes musicales. Preuve que les pochettes les plus minimalistes peuvent aussi être les plus efficaces.
À venir : L’Impératrice – Matahari (Microqlima)
L’album : “Amante rebelle d’une musique sans âge”, telle qu’elle se décrit dans sa bio Bandcamp, L’Impératrice n’est plus un mystère. Depuis 2012, le groupe parisien s’impose comme le fer de lance d’une synthpop post-années 2000, chantée en français, menée depuis quelque temps par La Femme et qui compte aujourd’hui parmi ses rangs Paradis, Pépite ou Isaac Delusion.
Avec Matahari, leur premier album (il était temps !), Flore et les garçons distillent une pop plus lumineuse que ne le laisse présager la pochette, rythmée par des “Agitations tropicales”, des balades vaporeuses et des bombes disco – notamment le titre “Matahari” qui donne son nom au disque – et dont les cuivres ont été réalisés par le Brésilien Eumir Deodato – qui n’est autre que le producteur de Kool & The Gang.
La pochette : Signée Mat Maitland, un directeur artistique basé à Londres, la pochette bleutée de Matahari rend bien évidemment hommage à la célèbre espionne, mais pas seulement :
“C’est l’ombre de L’Impératrice sous le masque de Mata Hari. Le visuel cultive le mystère sans rien dévoiler, il est fidèle au côté nocturne des morceaux de l’album et évoque l’élégance qu’on aime retranscrire dans notre musique. J’aime toutes les références discrètes qui se cachent derrière : Grace Jones, le Concierto de Jim Hall ou l’album Hats de The Blue Nile”, explique Charles, le leader du groupe.
Incitée à travailler avec ce grand artiste, qui a déjà collaboré avec Kenzo et Issey Miyake, ou, en musique, Goldfrapp, Beck et Michael Jackson – pour son album posthume Xscape –, la bande de L’Impératrice a choisi l’une de ses illustrations, un collage de six éléments différents, qui correspondait à l’ambiance de leur disque. Pour cette pochette, Mat Maitland nous explique s’être grandement inspiré de l’esthétique glamour de la mode de la fin des années 1970 :
“Je me suis en partie inspiré du côté noir des films Body Double de Brian de Palma et Chinatown de Roman Polanski. Le personnage de la pochette ne se dévoile jamais vraiment, et il est là pour faire travailler l’imaginaire de celui qui la regarde.”
Le directeur artistique britannique conclut : “Pour moi, une pochette doit ressembler à comment elle sonne, tout en possédant un élément qui reste en mémoire.” Pari réussi pour Matahari.
L’album de L’Impératrice, Matahari, sera dans les bacs le 2 mars 2018.
Mat Maitland sur Internet : matmaitland.com
Sur Instagram : @matmaitland
Flashback : Vampire Weekend – Contra (XL Recordings/Beggars France)
L’album : janvier 2010, Ezra Koenig et sa bande publient Contra, qui leur permet de faire pour la première fois leur entrée dans le Billboard 200 (le classement américain des 200 meilleures ventes d’albums, toutes catégories confondues), mais aussi de se produire à Coachella. Ce deuxième album, paru deux ans après leur premier, confirme le succès du groupe américain à l’échelle internationale. Avec ce disque, qui puise son inspiration dans des registres aussi variés que le ska, la calypso, la synthpop ou l’afro-pop, Vampire Weekend séduit autant la critique que le public, Pitchfork allant jusqu’à leur attribuer l’excellente note de 8,6 sur 10, les comparant même à Grizzly Bear ou à “une version plus digeste de Dirty Projectors”.
La pochette : Les pochettes d’albums les plus emblématiques sont aussi parfois les plus controversées, et celle de Contra en est le parfait exemple. Elle représente un portrait d’Ann Kirsten Kennis, mannequin qui n’avait visiblement pas donné son accord pour cette pochette. Ce Polaroid, qui date de 1983, aurait été acheté pour la somme de 5 000 dollars au photographe Todd Brody, sans consultation préalable de la jeune femme. Celle-ci n’a donc pas hésité à poursuivre Vampire Weekend en justice en 2010, réclamant 2 millions de dollars. La revanche du groupe new-yorkais, qui n’a jamais voulu commenter l’affaire ? Sortir un troisième album, Modern Vampires of the City, avec une pochette beaucoup plus sobre cette fois, représentant une vue aérienne de New York en noir et blanc.