Véritable continuité aux sons qu’un album contient, une pochette se doit d’attirer le regard, de surprendre, de questionner, voire d’émerveiller. Notre rubrique Écouter avec les yeux analyse les plus réussies d’entre elles.
Pour célébrer l’arrivée de l’été, on vous présente une sélection d’albums que l’on dévore d’abord du regard :
À voir aussi sur Konbini
- La sculpture de Sarah Sitkin pour Sevdaliza
- L’illustration de Goddog pour Supergombo
- Le photomontage d’Emmanuel Cossu pour Sébastien Tellier
C’est d’actu : Sevdaliza – Ison (Twisted Elegance)
L’album : Son univers et sa musique rappellent ceux de la prometteuse FKA Twigs. Sevdaliza n’est pas pour autant dépourvue de maestria. Cette jeune Hollandaise d’origine iranienne a sorti au mois d’avril Ison, un album au charme particulier, qui revisite le R’n’B à la sauce futuriste en lui donnant un côté plus intimiste. Surnommée “la sirène iranienne” par Modzik, Sevda Alizadeh, de son vrai nom, ne laisse pas la critique indifférente – Pitchfork la considère ainsi “explosive et grandiose”. Éclectique et pourtant cohérent, son disque pioche dans tous les styles possibles, de la soul au trip hop en passant par l’électro, magnifiant chacun d’entre eux.
Avec sa voix grave et pourtant suave, Sevdaliza nous fait vivre une expérience à part, à faire pâlir SBTRKT de jalousie tant elle frôle le génie. Et cette expérience commence dès que l’on a son disque entre les mains…
La pochette : La forme est aussi importante que le fond, on ne le répétera jamais assez. Cet album expérimental et prodigieusement produit bénéficie aussi d’une pochette à couper le souffle. La sculptrice Sarah Sitkin a conçu à la main un moule du visage de la chanteuse, ce qui lui a permis de le transformer et de le multiplier à sa guise.
Interrogée par Creators, l’artiste a expliqué sa démarche :
“L’idée est basée sur le fait que Sevdaliza est à la fois sa propre mère et celle de ses vies antérieures. Elle porte sa vulnérabilité stoïquement. Ses traits sont déformés, certains ont été omis, d’autres ont été soulignés. Une nouvelle forme est répétée par ses 16 enfants (le nombre des chansons de l’album) qui l’entourent.”
Ici, Sevdaliza ressemble à une femme hybride, qui semble avoir perdu toute forme humaine. En résulte un artwork déroutant et charnel, où la sueur perle sur un corps qui paraît dénué de vie.
Sur Internet : Sarah Sitkin
Sur Instagram : @sevdaliza
À venir : Supergombo – Explorations (Inouïe Distribution)
“Ils recherchaient quelque chose de graphique qui pouvait être en adéquation avec leur style. L’illustration réalisée met en scène un profil d’explorateur au cœur d’un environnement sauvage et poétique.”
Le résultat est Kobaya, une œuvre peinte à la main qui a ensuite été vectorisée. Qualifiée de “tribale” par son auteur, elle évoque, d’après les membres du groupe, “le voyage, la nature, avec des styles graphiques inspirés de l’Afrique et de l’Amérique du Sud”. Et de poursuivre :
“La lune et le fond noir placent la scène au milieu de la nuit – une nuit colorée où plane quelque chose de mystérieux et de magique… Le visage avec les traces de peinture renvoie à des thèmes mystiques.”
Pour eux, une pochette est réussie “si l’on pense à elle en écoutant la musique et vice-versa”. Objectif atteint !
Sur Internet : Supergombo
Sur Instagram : @goddog
L’album : Retour en arrière. Nous sommes en février 2008 et Sébastien Tellier dévoile son troisième album, Sexuality, le premier qu’il n’a pas entièrement produit. Épaulé par Guy-Manuel de Homem-Christo des Daft Punk, le gourou de la musique électronique livre l’un des albums les plus lubriques de son époque. Entre slows estivaux (“Roche“, qui ouvre le bal), murmures orgasmiques (ceux d’Amandine, l’épouse de Sébastien, sur le titre “Pomme”) et hymne à la passion (“L’Amour et la Violence”, qui clôt superbement l’album), cet opus pourrait s’apparenter à un langoureux coït sur la plage.
La pochette : De sa forme jusque dans son fond, Sexuality transpire la moiteur, la langueur, l’érotisme. La pochette du disque se devait, elle aussi, de rappeler cet esprit. Pour ce faire, Record Makers, jeune label à l’époque, a fait appel à Emmanuel Cossu, un éminent graphiste et vidéaste qui a depuis – avec son duo Fleur & Manu – mis son talent au service d’A$AP Rocky (pour le clip de “Everyday”), Drake, Phoenix ou Étienne de Crécy, pour n’en citer que quelques-uns. Il explique sa démarche :
“L’idée, c’était de garder l’élégance de l’univers de Tellier, tout en ayant cette touche poétique, érotique et surréaliste qui le caractérise selon moi. La pochette a été faite en une heure, un truc comme ça. Sébastien m’a donné une photo de lui sur un âne extrait d’un shooting photo réalisé avec Xavier Veilhan sur un bateau ultramoderne. J’avais en tête cette scène du clip de ‘Electroma’ des Daft Punk, quand le désert devient une femme géante et une illustration de Moebius. Le résultat est un mix de tout cela…”
Continuité de cette collaboration, le clip de “Roche”, également conçu par Fleur & Manu, se veut être la suite logique de la pochette de ce disque, qui est aussi l’un des plus beaux hommages au corps féminin qui soit.
Sur Internet : Fleur & Manu
Sur Instagram : @emmanuelcossu
À lire dans notre rubrique “Écouter avec les yeux” :
-> Écouter avec les yeux vol.1 : 3 albums aux artworks décalés à dévorer du regard
-> Écouter avec les yeux vol. 2 : Lomboy, Kid Francescoli et Metromony
-> Écouter avec les yeux vol. 3 : trois albums aux artworks tropicaux
-> Écouter avec les yeux vol. 4 : Arcade Fire, Isaac Delusion et Mando Diao