Certaines chansons restent en nous toute une vie. De la même manière, certaines pochettes d’albums nous marquent, nous inspirent ou nous questionnent. Notre rubrique Écouter avec les yeux rend hommage aux plus réussies d’entre elles, à travers trois pochettes : une d’actu, une à venir, et une flashback.
À voir aussi sur Konbini
C’est d’actu : Isaac Delusion – Rust & Gold (Microqlima)
L’album : En cinq années à peine, Isaac Delusion, groupe d’électro-pop parisien, est parvenu à s’imposer comme l’un des talents à part d’une scène riche et notamment dominée par Paradis. Alors que l’une de ses productions (“How Much You Want Her”) vante les mérites d’une voiture dans la dernière pub Citroën, le quatuor ne se contente pas de si peu et dévoile un disque qui confirme encore plus son prodige.
Avec un son brut et sophistiqué à la fois, Isaac Delusion nous emmène dans un monde entre rêve et réalité, où la voix androgyne de Loïc Fleury, le chanteur, monte dans les aigus comme une licorne grimperait sur une colline.
Contrairement au premier, ce deuxième opus est moins vaporeux, moins mélancolique, moins rêveur, mais tout aussi réussi. Les rythmiques entêtantes de “Black Widow” – qui rappellent Jungle, sans jamais les imiter –, ou les sonorités langoureuses de “The Sinner” sont là pour nous rappeler que dans l’univers de l’électro-pop à la française, Isaac Delusion est roi.
La pochette : “De rouille et d’or”, c’est ainsi que l’on pourrait traduire le nom du deuxième album d’Isaac Delusion. Ce sont aussi ces deux teintes métalliques que nous évoque la pochette du disque, conçue par John Karborn. Comme l’explique le groupe, le plasticien britannique a une vision de l’art qui collait exactement à ses attentes :
“Nous avons fait appel au travail de John Karborn pour son côté à la fois brut et sophistiqué, la façon qu’il a de traiter la matière et la lumière tout en gardant un aspect handmade. Ce qui correspondait bien à la direction de notre travail sur ce second album.”
Pour illustrer Rust & Gold, Isaac Delusion a choisi un petit tableau d’art abstrait réalisé en versant de la peinture sur des panneaux de verre sur lesquels se trouvaient d’autres objets plus rugueux. Après avoir été séchés, les panneaux ont ensuite été délavés. Cependant, John Karborn lui-même nous explique que son procédé ne fonctionne pas à tous les coups :
“Honnêtement, j’ai répété la technique à plusieurs reprises. Parfois ça marche, d’autres non. Parfois c’est incroyable, et dans le cas de la pochette d’Isaac Delusion, le résultat est étourdissant !”
Même son de cloche du côté du groupe, qui a immédiatement flashé sur cette peinture :
“Ça a été un coup de cœur instantané, car elle collait parfaitement, par ses couleurs et la matière, avec l’univers sonore de l’album. Elle évoque quelque chose de chaud et rugueux, de physique, où la texture joue un rôle important.
L’or apporte une certaine élégance, mais il y a aussi quelque chose d’instable et de décadent. Ce qui crée un contraste intéressant. On peut aussi le concevoir comme un hublot donnant sur quelque chose de lointain…”
Le voyage peut commencer !
Sur Internet : John Karborn
Sur Instagram : @isaacdelusion
À venir : Mando Diao — Good Times (BMG)
L’album : Formé en 1995, Mando Diao est un groupe de rock suédois encore peu connu chez nous, mais qui rencontre beaucoup de succès dans son pays d’origine, ainsi qu’au Japon. Pourtant, ces cinq membres peuvent être fiers d’avoir été programmés à Coachella en 2007 ou d’avoir participé à un concert MTV Unplugged aux côté de Lana Del Rey en 2010, à Berlin.
Le 12 mai, le groupe sortira Good Times, son huitième album (déjà !), savant mélange pop-rock entre ballades au piano (“Break Us”), fausses comptines folk à la guitare (“Hit Me with a Bottle”) et hymnes joyeux à la Two Door Cinema Club (“Money”).
La pochette : Imaginez un monde fabuleux, où des prairies bordent un lac peuplé de flamants roses, où le prince charmant prend la forme d’un centaure, où l’Homme, qui vit nu, fusionne avec la nature et les animaux, et où les éléphants se baignent près des lapins sous un merveilleux arc-en-ciel. Cet endroit fantastique existe dans l’imagination de Marc Strömberg et d’Anders Engberg, les deux graphistes qui ont créé la pochette du nouvel album de Mando Diao.
Influencés par les peintres impressionnistes et les concepteurs d’animation des films de Disney des années 1960, le duo a réalisé cet artwork sur Photoshop, pour représenter une certaine vision du Paradis : “Comme l’album s’intitule Good Times, on a essayé de condenser la meilleure atmosphère et toutes les bonnes ondes possibles pour que la pochette colle au titre”, expliquent-ils.
Forcément, en voyant un tel monde prendre forme sous nos yeux, on meurt d’envie de leur demander ce qui se passerait si la pochette venait à s’animer :
“Les mecs du groupe continueraient probablement à explorer ce paradis et à se promener avec tous les animaux qui s’y trouvent. Peut-être qu’ils grimperaient aussi au-dessus de la cascade pour plonger dans la piscine qui s’y cache.
Mais tout pourrait aussi mal se passer. Les hyènes pourraient très bien devenir dingues, les éléphants faire des ravages. Peut-être ce monde est moins paradisiaque qu’il n’y paraît…”
On ne le répètera jamais assez : tout ce qui brille n’est pas d’or. D’ailleurs, le verso de l’album révèle une autre facette, comme nous l’a expliqué Mando Diao :
“Au recto, c’est notre rêve à nous, notre paradis, et tout le monde y est le bienvenu. Mais l’artwork du dos du CD est aussi très important. Il a été peint par Karl Drehsen. C’est l’autre angle de cette vision utopique, vue de l’autre côté. Ce que l’on voit est-il vrai ? Est-ce aussi beau qu’il y paraît ?”
Sur Internet : marcua.com/Anders Engberg
Sur Instagram : @mandodiaomusic
Flashback : Arcade Fire – The Suburbs (Merge Records)
L’album : Août 2010. Après deux ans de trop longue absence, les Canadiens d’Arcade Fire sortent enfin leur troisième album, The Suburbs, qui a directement caracolé en tête des ventes dans de nombreux pays. À travers ses 16 morceaux, le disque se veut un instantané du quotidien des banlieues résidentielles américaines (d’où son titre) et de celles de Houston en particulier, où Win et William Butler, deux des membres du groupe à géométrie variable, ont passé leur adolescence.
Encensé par la critique, ce bijou a été qualifié de “beigne émotionnelle” par Rolling Stone et “d’embrasement intense” par Spin. Nettement plus lumineux que les précédents albums d’Arcade Fire, The Suburbs, qui s’écoute dans sa globalité, nous embarque à folle allure, comme si l’on se retrouvait embarqués dans un cabriolet lancé à cent à l’heure sur les routes. Ready to Start ?
La pochette : Si The Suburbs est devenu un album culte, sa pochette est elle aussi restée dans toutes les mémoires. Déclinée en huit versions différentes, elle a été conçue par la graphiste montréalaise Caroline Robert.
En amont, le directeur artistique Vincent Morisset et le photographe Gabriel Jones se sont rendus dans les banlieues de Houston, au Texas, que fréquentaient Win et William Buttler. À partir de leurs clichés, ils ont établi une mise en scène dans un garage de Montréal, où ils ont projeté les photos des banlieues sur un écran placé devant la voiture, comme dans un vieux film américain ou un drive-in. Après avoir immortalisé cette mise en scène, Caroline Robert a expérimenté plusieurs techniques (impression laser, xérographie et surimposition de couleur) pour altérer le rendu.
Au final, l’artiste retient une chose de sa collaboration avec Arcade Fire : leur grande implication et leur regard dans toutes les phases de la préparation de l’album, de sa pochette aux paroles en passant par chacune de ses notes :
“Tout a commencé au moment où le groupe voulait nous faire écouter de nouvelles chansons. En parallèle, ils me montraient beaucoup d’images, de photos, de livres qui les inspiraient en écrivant la musique. Ils ont toujours une vision, un point de départ pour l’univers visuel du disque.
Pour The Suburbs, Win avait déjà cette idée de pochettes multiples : il voulait même que toutes les pochettes soient uniques au départ ! Et il voyait aussi quelque chose de photographique ou même cinématographique impliquant une voiture. Après, j’ai essayé de déconstruire ces idées pour leur donner une direction qui allait réussir à toucher les gens.”
Entre Caroline Robert et Arcade Fire, l’alchimie a tellement bien fonctionné que le groupe a de nouveau fait appel à la talentueuse artiste pour la pochette de Reflektor, son dernier disque. On ne change pas une équipe qui gagne !
Sur internet : Caroline Robert
Sur Instagram : @arcadefire
À lire dans notre rubrique “Écouter avec les yeux” :
-> Écouter avec les yeux vol.1 : 3 albums aux artworks décalés à dévorer du regard
-> Écouter avec les yeux vol. 2 : Lomboy, Kid Francescoli et Metromony
-> Écouter avec les yeux vol. 3 : trois albums aux artworks tropicaux