Après avoir réalisé des sketchs du Palmashow et les deux films centrés sur le duo, Jonathan Barré prend son envol, et réalise son premier long — évidemment que les deux trublions, Grégoire Ludig et David Marsais, sont de la partie. Mais le cœur du long-métrage est tout autre.
À voir aussi sur Konbini
Bonne Conduite raconte comment une prof de conduite qui donne des stages pour récupérer des points tue, la nuit tombée, les plus mauvais chauffards — et se retrouve malgré elle dans une sombre histoire de deal de drogue. Porté par une grande Laure Calamy, le film se balade du côté du film d’horreur, du film d’action, du drame amoureux… et de la comédie, bien sûr.
Alors que le film sort en salle, on a voulu poser quelques questions le temps d’un court coup de fil avec le réalisateur, histoire d’en savoir plus.
Konbini | Pour commencer Jonathan, comment s’inscrit ce nouveau film par rapport à ton précédent, Les Vedettes ?
Jonathan Barré | Je l’ai écrit avant, en fait. On a même failli le tourner avant. Après La Folle Histoire de Max et Léon, on a eu beaucoup de mal à trouver une nouvelle idée avec Greg et David [Grégoire Ludig et David Marsais du Palmashow, ndlr], et j’avais lancé des projets persos, dont ce qui deviendra Bonne Conduite. Cela faisait plusieurs trucs qu’on jetait, tous les trucs qu’ils écrivaient. Moi, j’avais eu l’idée pour Les Vedettes, je leur ai dit de bosser dessus, ils ont adoré et ils l’ont écrit en six mois. Donc j’ai fait passer Les Vedettes avant celui-ci.
C’était quoi la première idée, la première pierre, l’idée de base derrière Bonne Conduite ?
C’est mon producteur Patrick Godeau qui m’a dit : “J’ai vu un documentaire de Coline Serreau sur la récupération de points, Tout est permis“. Je lui ai dit, directement, que je voyais la comédie mais que ce n’était pas pour moi. Lui me répond : “Réfléchis si tu ne peux pas en faire un film de genre”.
Je trouvais ça bizarre de vouloir mélanger mais j’ai réfléchi à comment amener l’aspect genre. Je ne sais pas pourquoi j’ai écrit un rôle féminin, peut-être que j’en avais marre, avec les garçons [rires]. De là, je me suis dit : “Peut-être qu’en tant que prof de conduite, elle repère facilement les pires chauffards”. Et banco !
Mais comme c’était une commande, je n’avais pas trop d’affect sur ce projet. Je me lâchais en me disant que si ça ne prenait pas, ce n’était pas grave. Sauf que tout s’est fait. Tout le truc autour de Keyser Söze, par exemple [une running joke dans le film, faisant référence au tueur d’Usual Suspects, ndlr]. En vrai, je me disais que le film ne verrait jamais le jour.
Tu l’as écrit sans avoir de personnes, d’actrices ou d’acteurs en tête ?
Non, à part Sixtine Aupetit. Bon, après, pour les deux flics, on n’a pas tourné longtemps autour du pot. On l’a écrit en imaginant le Palma, en tout cas. Après, Laure, j’ai un peu galéré. Soit, on trouvait quelqu’un qui était trop comédie, ou trop drame. Quand j’ai eu l’idée pour Laure, c’était fou. J’avais vu Seules les bêtes et deux jours après, La Flamme. Je me suis dit qu’elle était aussi bien dans les deux. Et comme ma volonté de direction artistique, c’était de passer d’un genre à un autre, je voulais une comédienne qui pouvait refléter ça.
Elle a eu beaucoup de trac, mais elle était impliquée à fond, c’était génial.
Tu avais quoi en tête en termes de référence de film de genre ? Du giallo, de l’action pure ?
Je vais être honnête avec toi : le giallo, je ne savais même pas ce que c’était à proprement parler quand on m’en a parlé. Moi, au tout début, quand on pensait au pitch, on disait qu’on voulait faire Fargo en Bretagne. Que des personnages dingues, beaucoup de protagonistes tous tarés et qui se croisent tous. Donc c’était l’idée de base.
Et visuellement ?
J’ai dit à mon chef opérateur que j’étais sur du polar et que je voulais qu’on expérimente. Je trouve que La Folle Histoire de Max et Léon [son premier long-métrage, avec le Palmashow, ndlr] est trop éclairé, parce qu’on m’a toujours dit qu’il faut voir les visages dans la comédie. Donc là, je voulais me forcer à viser du noir, de la vraie obscurité.
J’ai pensé à Zodiac et à Drive pour la partie course dans la nuit mais, en fait, j’ai même un peu galéré parce que je n’ai pas de vraie référence. J’avais une voiture noire dans la nuit, sans phares, et ça a été une prise de tête. Souvent, au cinéma, c’est en ville, facile à éclairer. Là, non. Et je ne voulais pas de nuit américaine. Donc j’ai un peu galéré, avec un drone en fin de journée…
Mais sinon, Zodiac, sur le découpage, m’a pas mal aidé aussi. J’avais des scènes très longues où tout le monde était inquiet, de cinq ou six pages et, en fait, si tu es en simple champ-contrechamp, c’est relou à voir. Et dans beaucoup de scènes de Zodiac, ils sont assis à discuter mais avec 21 plans/axes différents. C’est fou. Donc pour la scène du garage dans Bonne Conduite, j’ai tenu à faire pareil, à éviter de n’avoir que deux valeurs de plan. Donc il y en a 19. Et ça, ça vient de Zodiac.
À part les soucis techniques de pur tournage, quel a été ton plus gros challenge ?
Que ça rentre dans le budget. Tout le monde nous a dit non, à part les acteurs. Et après le financement en amont, rien.
Même avec ton casting ?
Oui, même avec le Palmashow et Laure Calamy.
Mais c’est quoi, qui bloquait ?
Ben, le fait que ce n’est pas marrant, comme comédie. Mais voilà, au départ, c’était chaud. TF1 nous a débloqué le film, quand on a dit qu’on le ferait pour moins cher. Je n’ai pas trop réduit au fond, à part une scène de fusillade, je n’ai pas réduit grand-chose. Ça m’a fait stresser : j’avais peur de le brader. Mais comme sur le tournage, j’avais la même équipe depuis toujours, depuis les premiers sketchs avec le Palmashow, il y avait une fluidité folle.
J’ai eu 34 jours, alors que j’en avais estimé 47. Mais au fond, ça a été très drôle, sport un peu, sur le rendu de nuit et sur les cascades, sur Tchéky Karyo la tête à l’envers, ou par exemple, on n’avait pas forcément anticipé les marées… Bref.
On est à quelques jours de la sortie, tu te sens comment ?
Très content, puisque c’est plus dans mes compétences, et que là, je suis à fond dans mon nouveau projet. J’écris une comédie familiale avec des zombies avec Romain Levy, Club Dead, dans un Club Med. Petite pression quand même : un film de zombies français pas cheap c’est rude, ça fait des années que je suis dessus, il faut que j’arrive à un truc quasi parfait. Mon premier document date de 2018, donc bon.