Monica Bellucci : “Il y a une part d’inconscient dans les choix que je fais”

Monica Bellucci : “Il y a une part d’inconscient dans les choix que je fais”

D’où vient votre amour pour le cinéma ?

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Je ne peux pas vous dire précisément d’où ça vient. Le cinéma me fait voyager et évoluer. Tout ça a sûrement commencé à mon insu. Adolescente, je regardais énormément de films. Entre deux et trois par jour. Je m’enfermais des après-midi entiers. Mes parents n’étaient pas issus d’un milieu artistique mais nous adorions discuter de cinéma. Nous partagions l’amour des grandes œuvres italiennes de Federico Fellini, Vittorio de Sica, Luchino Visconti…
Des actrices à la féminité terrienne comme Anna Magnani, Sophia Loren ou Gina Lolobrigida m’ont inspirée. Ce sont des femmes ancestrales, fortes, maternelles, qui font rêver. Mais ma passion ne se limitait pas aux longs-métrages italiens. J’ai par exemple découvert Brigitte Bardot dans La vérité de Henri-Georges Clouzot. J’appréciais François Truffaut, Marcel Carné… En arrivant en France, je connaissais bien mes classiques.

Est-ce que, selon vous, le cinéma italien supplante la concurrence ?

Disons qu’à l’époque, c’était un cinéma de référence. Tenez, je viens de jouer dans un film d’horreur australien, Nekromancer, qui sortira en 2019 et qui a été réalisé par les frères Kiah et Tristan Roache-Turner. Ces derniers partagent la même passion pour ces metteurs en scène italiens dont je viens de vous parler. Sur le plateau de Spider in the web d’Eran Riklis, que j’ai tourné en début d’année aux côtés de Ben Kingsley, ces noms revenaient également.
Des réalisateurs pensent souvent à moi car ils ont justement l’amour du cinéma italien chevillé au corps. Cette période, c’est un peu comme la Nouvelle Vague dans sa façon d’inspirer des générations d’artistes. Derrière le cinéma d’Alice Rohrwacher, il y a Ermanno Olmi. Chez Paolo Sorrentino souffle un air de Federico Fellini. Dogman de Matteo Garrone charrie quelque chose de très ancestral.

Qu’est-ce qui vous séduit chez un cinéaste ?

J’aime être éblouie par sa personnalité, par sa vision. Ceux avec qui on ne s’ennuie jamais m’intéressent. J’ai collaboré pendant quatre ans avec Emir Kusturica parce que Le Temps des gitans m’avait marquée au fer rouge. Il y avait un tel génie dedans. Quand j’ai passé une journée avec David Lynch sur le plateau de Twin Peaks, je me suis crue dans un rêve.

J’ai senti sa maîtrise, c’est quelqu’un qui a la capacité de nous projeter vers des directions nouvelles. J’aimerais par ailleurs collaborer davantage avec des réalisatrices mais il y en a moins que les hommes. C’est quelque chose qui doit changer. […] Il y a aussi une part d’inconscient dans mes choix. C’est lui qui gère parfois nos mouvements. Nous sommes tous régis par des sensations qui, parfois, nous échappent.

Et dans les films, qu’est-ce que vous recherchez ?

La surprise. Ce qui me touche, c’est l’inattendu. J’ai un regard presque enfantin sur les œuvres. Devant les bons films comme devant les grands comédiens, je m’enthousiasme comme l’enfant que j’étais et que je reste. J’espère que cette fraîcheur ne changera jamais. Il y a tant d’artistes dont j’admire et je respecte le travail, qui me font rêver. Je suis la première à être fan d’eux. Raison pour laquelle je comprends celles et ceux qui me demandent des autographes ou des photos.

Quels films ont le plus marqué votre carrière ?

Malèna de Giuseppe Tornatore a clairement compté dans mon parcours. C’est un des rares films italiens qui a eu un tel parcours international. Je n’oublierai jamais les cinq mois de tournage en Sicile. Évidemment, je vais citer Irréversible de Gaspar Noé, dont je continue de suivre le travail. Love, c’est fou. Il a réussi à bâtir un vrai film d’amour à partir d’un porno. C’est génial. Je ne sais pas comment il fait pour nous émouvoir sur un projet pareil.

Pour revenir à votre question, je vais aussi mentionner L’Appartement de Gilles Mimouni, qui a remporté le BIFA (British Independent Film Award) du meilleur film étranger en 1996. Cela m’a permis de me retrouver pour la première fois dans une production américaine : Suspicion de Stephen Hopkins, aux côtés de Morgan Freeman et Gene Hackman. Vous savez, parfois, vous tournez dans des films qui ne sortent même pas en salles, ou qui sont ratés. Mais ils n’en sont pas moins importants. C’est la combinaison de succès et d’échecs qui nous aide à nous construire.

Depuis vos débuts, vous jonglez entre cinéma d’auteur et œuvres à gros budget, comme la saga Matrix ou Spectre, dans lequel vous incarniez une James Bond Girl. Où vous sentez-vous le plus à l’aise ?

Je ne fais pas de différence selon les films à petits ou gros budgets. Je les appréhende de la même manière. Dans le second cas, la caravane est plus grande, c’est tout (sourire). Les choses qui se jouent devant la caméra ne dépendent pas des moyens engagés.
 
Le jeu d’actrice naît avant tout d’un dialogue entre soi et soi-même. Mais j’aime m’inspirer d’autres arts. J’adore la photographie, par exemple. La danse aussi. Pour jouer la comédie, on travaille sur la matière vivante, sur la base des corps qui se meuvent.

Un dernier mot ?

Jean Cocteau disait : “Entre le public et l’artiste, il y a un rideau qui dort. J’aimerais tellement qu’il se lève.”