En anglais, la notion de “doomscrolling” (ou “doomsurfing”) a intégré le langage de la culture populaire. Selon le sérieux dictionnaire états-unien Merriam-Webster, l’expression, qui mélange “doom” – un destin tragique – et le “scroll” Internet, fait référence à “la tendance à continuer à faire défiler de mauvaises nouvelles, même si l’actualité est triste, démoralisante ou déprimante”.
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Le terme, qui paraissait sans doute bien abstrait à la majorité d’entre nous il y a quelques années, a malheureusement creusé son trou dans notre quotidien, notamment pendant la pandémie due au Covid-19. L’actualité sanitaire n’est cependant pas la seule à faire les frais de cette tendance à se faire du mal, et nombre d’internautes se perdent face aux tristes actualités relatives à l’état de notre planète ou de notre système judiciaire.
4 juillet, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
Les deux artistes Zorawar Sidhu et Rob Swainston sont loin d’être étrangers à cette pratique, étant eux-mêmes tombés dedans en 2020. Presque deux ans après nos premiers confinements, les peintres présentent une exposition retraçant les événements qui ont marqué ces deux dernières années. Leurs œuvres ont été pensées au travers de ce désir quasi-pervers de fouiller Internet à la recherche de mauvaises nouvelles.
Le duo a réimaginé “18 moments compris entre le 24 mai 2020 et le 6 janvier 2021, le jour de l’insurrection du Capitole états-unien”. Chaque toile est nommée d’après la date qui l’a inspirée. On retrouve, notamment, la une du New York Times datant du 24 mai 2020 qui titrait : “Aux États-Unis, près de 100 000 décès, une perte incalculable” ; le 25 mai 2020, jour du meurtre de George Floyd ; ou encore le 25 août 2020, quand Kyle Rittenhouse tua deux personnes lors d’une manifestation pour Jacob Blake, homme noir blessé par balles par un policier blanc.
6 janvier, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
Des supports marqués par l’époque
Les œuvres de Zorawar Sidhu et Rob Swainston portent en leur substance la marque de ces deux dernières années. Les artistes ont peint leurs œuvres sur les panneaux de contreplaqué utilisés par des entreprises new-yorkaises pour couvrir leurs vitrines pendant le confinement.
Ayant passé plusieurs mois en extérieur, les panneaux sont marqués par la nature et les êtres humains – qu’il s’agisse d’événements météorologiques ou de graffitis : “On représente des événements bordéliques, durs. Que nos supports soient ébranlés est une volonté, ça fait partie de l’histoire.”
Tout comme le “doomscrolling” et les événements auxquels elles font référence, les œuvres débordent d’éléments, de détails, de couleurs. L’œil met du temps à déceler les contours, les écritures, les éléments reproduits, tout comme on a pu avoir du mal à naviguer au travers de l’actualité de ces derniers mois. Ensemble, Zorawar Sidhu et Rob Swainston tentent de raconter cette histoire tout en l’exorcisant, en affirmant que nous sommes dans le même bateau.
30 mai, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
26 mai à 23 heures, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
6 juin, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
26 mai à 19 heures, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
29 mai, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
27 mai, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
12 décembre, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
28 mai, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
24 mai, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
7 octobre, 2021. (© Zorawar Sidhu et Rob Swainston/Petzel, New York)
L’exposition “Doomscrolling” de Zorawar Sidhu et Rob Swainston est visible à la galerie Petzel de New York jusqu’au 12 février 2022.