Chaque mois, nous passons en revue les événements artistiques de notre beau pays, la France, afin de vous proposer la crème de la crème des expositions. Au programme : une exposition interdite aux mineur·e·s, des fantômes, “ce que la Palestine apporte au monde”, Nicolas de Staël et Cy Twombly. Voici cinq expositions à ne pas rater ce mois-ci.
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“Ce que la Palestine apporte au monde” à l’Institut du monde arabe, à Paris
“L’Institut du monde arabe a choisi de donner à voir l’élan et l’irréductible vitalité de la création palestinienne, qu’elle s’élabore dans les territoires ou dans l’exil : approches muséales plurielles, dialogue photographique entre la Terre sainte ‘inventée’ des orientalistes et celle des contemporains, exposition des précieuses archives palestiniennes. Depuis 2016, l’IMA abrite en ses murs la collection du futur Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine, une ‘collection solidaire’ de quelque 400 œuvres constituée de dons d’artistes, réunie à l’initiative d’Elias Sanbar, écrivain et ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco, et coordonnée par l’artiste Ernest Pignon-Ernest.
En 2023, l’Institut a choisi de donner à voir l’effervescence culturelle que la Palestine ne cesse de révéler et d’entretenir : un cycle de trois expositions met en avant les artistes modernes et contemporains palestinien·ne·s, dans un dialogue avec leurs homologues du monde arabe et la scène internationale. Une programmation culturelle variée – concerts, colloques, ateliers, cinéma, rencontres littéraires –, rythmera cet événement.”
Jusqu’au 19 novembre 2023.
“Nicolas de Staël”, au Musée d’Art Moderne de Paris
“Le Musée d’Art Moderne de Paris consacre une grande rétrospective à Nicolas de Staël (1914-1955), figure incontournable de la scène artistique française d’après-guerre. Vingt ans après celle organisée par le Centre Pompidou en 2003, l’exposition propose un nouveau regard sur le travail de l’artiste, en tirant parti d’expositions thématiques plus récentes ayant mis en lumière certains aspects méconnus de sa carrière (Antibes en 2014, Le Havre en 2014, Aix-en-Provence en 2018).
La rétrospective rassemble une sélection d’environ 200 tableaux, dessins, gravures et carnets venus de nombreuses collections publiques et privées, en Europe et aux États-Unis. À côté de chefs-d’œuvre emblématiques tels que le Parc des Princes, elle présente un ensemble important d’œuvres rarement, sinon jamais, exposées, dont une cinquantaine montrées pour la première fois dans un musée français. Organisée de manière chronologique, l’exposition retrace les évolutions successives de l’artiste, depuis ses premiers pas figuratifs et ses toiles sombres et matiérées des années 1940, jusqu’à ses tableaux peints à la veille de sa mort prématurée en 1955.
Si l’essentiel de son travail tient en une douzaine d’années, Staël ne cesse de se renouveler et d’explorer de nouvelles voies : son ‘inévitable besoin de tout casser quand la machine semble tourner trop rond’ le conduit à produire une œuvre remarquablement riche et complexe, ‘sans esthétique a priori’. Insensible aux modes comme aux querelles de son temps, son travail bouleverse délibérément la distinction entre abstraction et figuration, et apparaît comme la poursuite, menée dans l’urgence, d’un art toujours plus dense et concis : ‘C’est si triste sans tableaux la vie que je fonce tant que je peux’, écrivait-il. La rétrospective permet de suivre pas à pas cette quête picturale d’une rare intensité, en commençant par ses voyages de jeunesse et ses premières années parisiennes, puis en évoquant son installation dans le Vaucluse, son fameux voyage en Sicile en 1953, et enfin ses derniers mois à Antibes, dans un atelier face à la mer.
La biographie de Staël a d’emblée créé un mythe autour de son art : de son exil après la Révolution russe jusqu’à son suicide tragique à l’âge de 41 ans, la vie du peintre n’a cessé d’influer sur la compréhension de son œuvre. Sans négliger cette dimension mythique, la rétrospective entend rester au plus près des recherches graphiques et picturales de Staël, afin de montrer avant tout un peintre au travail, que ce soit face au paysage ou dans le silence de l’atelier.”
Du 15 septembre 2023 au 21 janvier 2024.
“Do You Believe in Ghosts?“, à la Fondation Pernod Ricard, à Paris
“L’interrogation claire qui tient lieu de titre au 24e Prix Fondation Pernod Ricard a été empruntée au film Ghost Dance réalisé par Ken McMullen en 1983, avec Pascale Ogier dans le rôle-titre et une apparition de Jacques Derrida dans son propre rôle. La scène est une mise en scène : une étudiante demande à un professeur s’il croit aux fantômes. La longue réponse apportée par Derrida retourne l’hypothèse selon laquelle les fantômes – ou l’expérience des fantômes – sont attaché·e·s à une période historique révolue ou à un milieu obscurantiste pré-moderne. […]
En tant qu’outil analytique, le fantôme interrompt inévitablement la présence du présent ; sa position liminale entre visibilité et invisibilité, vie et mort, matérialité et immatérialité, rend impossible le fait d’aborder quoi que ce soit comme un fait isolé ou, pour le dire vite, de marcher seul·e. Évoquer les fantômes comme métaphores conceptuelles, à Paris, en 2023, c’est aussi reconnaître que ces phénomènes sont culturellement spécifiques. Les contextes non occidentaux produisent des épistémologies et des potentialités critiques considérablement différentes en matière de spectralité. Vivre avec des fantômes diffère du ghosting ou de l’expérience faite par le sujet d’un effacement social, puisque hanter est l’une des manières par le biais desquelles les systèmes de pouvoir abusifs se font connaître et dont les impacts se répercutent dans la vie quotidienne, en particulier lorsqu’ils sont censés être terminés (comme pour les invasions coloniales et l’esclavage transatlantique, par exemple).
Ce qui relie le groupe d’artistes sélectionné·e·s pour participer à cette édition, c’est leur désaccord avec les interprétations univoques ou les représentations simplifiées du présent actuel. Leur travail pointe différemment vers ce qui est formellement absent mais qui, d’une certaine manière, affirme sa présence. L’essence même d’un fantôme – ou de toute bonne œuvre d’art, d’ailleurs – est de réclamer son dû et d’attirer votre attention. Notre objectif ici n’est pas d’exorciser ni de résoudre un quelconque problème, mais plutôt de parler des fantômes et d’apprendre à vivre avec eux, de (ré)imaginer le présent et l’avenir à travers eux.
Vivre avec les fantômes, c’est aussi se rendre compte que sous la surface de l’histoire avec un grand H se cache un autre récit, composé de nombreuses histoires non dites et effacées. Ainsi que l’exprime le philosophe Avery Gordon, adopter une perspective autre que celle autorisée et officielle, et écrire des histoires qui portent sur les exclusions et les invisibilités, c’est écrire des histoires de fantômes. En ce sens, le long processus déroulé à travers cette exposition pourrait être considéré comme une histoire de fantômes écrite en collectif.”
Du 12 septembre au 28 octobre 2023.
“Molinier rose saumon”, au Frac Nouvelle-Aquitaine – MÉCA, à Bordeaux
“Le Frac MÉCA consacre à Pierre Molinier (1900-1976) une importante exposition qui embrasse toutes les facettes de son œuvre, longtemps controversée mais incroyablement actuelle. Il s’agit autant d’explorer ses sources d’inspiration, révéler des archives et des témoignages inédits que de mettre en exergue filiations artistiques contemporaines et affinités transgénérationnelles.
Avec cet événement, le Frac MÉCA rend hommage à un ‘enfant du pays’ né avec le XXe siècle, en 1900 à Agen. Il aura fallu un peu plus de 50 ans à Pierre Molinier pour rompre définitivement avec les valeurs morales et esthétiques de l’académie et passer ainsi, fièrement, de l’autre côté. Souvent considéré comme marginal, enfermé dans les placards esthétiques de l’histoire des arts, Molinier est aujourd’hui reconnu comme une figure emblématique de l’art en France et à l’étranger.”
Jusqu’au 17 septembre 2023. Cette exposition est interdite aux mineur·e·s mais propose un service de garderie et une mini-expo adaptée au jeune public.
“Cy Twombly. Œuvres sur papier”, au musée de Grenoble
“Le musée de Grenoble présente une exposition consacrée à l’artiste moderne états-unien Cy Twombly réalisée en partenariat avec la Cy Twombly Foundation. L’occasion de venir découvrir un vaste ensemble d’œuvres sur papier (dessins, collages, estampes) réalisées entre 1973 et 1977, période charnière de son œuvre. Né à Lexington en 1928 et mort à Rome en 2011, Cy Twombly commence ses études artistiques au moment où s’impose l’expressionnisme abstrait de l’École de New York. Dès ses débuts, Twombly s’affirme par un style d’une grande liberté, mêlant à une expression graphique où le geste prime, l’inscription de signes tels que des lettres, des chiffres, des figures ou encore sa propre signature…
L’ensemble apparaît avec ses salissures, ses taches, ses traînées de couleur, comme de sublimes gribouillis, tendus et sensuels, qui ne manquent pas de dérouter la critique. À partir de 1957 il s’installe à Rome, désireux de s’imprégner de cette culture antique qui le fascine tant. Elle va peu à peu infuser son œuvre et se manifester à travers des bribes de phrases ou des noms propres, ‘invoquant plutôt qu’évoquant’ la mythologie gréco-latine et des auteurs antiques ou pré-romantiques. Son trait, au tremblé inimitable et aux divagations extatiques, semble défier le temps et l’histoire et unir en un seul geste les formes les plus archaïques à celles de la modernité. Loin de tout formalisme, son œuvre se fait l’intime traduction des mouvements de l’âme face à ce qui la dépasse en un langage poignant et énigmatique où le corps, sur un mode éminemment sensuel, confère en permanence son énergie vitale.”
Jusqu’au 24 septembre 2023.