“La vie est une scène”, écrivait Shakespeare, justifiant son approche réaliste du théâtre et sa volonté de montrer les vicissitudes de l’âme humaine. Mais la citation peut se comprendre à rebours : si la vie est une scène, c’est parce que certaines attitudes peuvent paraître factices. Si la vie est une scène, c’est parce que certains apportent une lumière nouvelle à des attitudes que l’on croyait enfouies dans un terreau d’habitudes.
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Des clichés sur le vif
Johnny Tergo est photographe freelance et essaie d’apporter un éclairage nouveau pour offrir à la vie de tous les jours le relief factice des planches. Et c’est une histoire de circonstances : en tant que travailleur indépendant, son activité lui imposait beaucoup de déplacements.
© Johnny Tergo
Lui, il en profitait pour prendre des photos de badauds, au hasard. Pour l’esthétisme et la vérité des situations. Sur lui, un attirail que l’on pourrait croiser dans un shooting (en un peu plus compact bien évidemment). “Ce que j’essaie de faire c’est d’apporter l’éclairage que l’on a en studio dans la rue, sur la vie telle qu’elle est.”
Et c’est à partir de cette assertion que le photographe californien a pensé sa série Drive-By Photography, comme une manière d’apporter une lumière nouvelle (et donc factice) à des situations pour le moins habituelles. Grâce à un appareillage hautement efficace, il arrive à donner un grain particulier à ses photos.
Une installation tout-en-un : iPad et ordinateur synchronisés avec l’appareil pour gérer dans un même mouvement la composition et la prise de la photo, lumière artificielle pour offrir un autre traitement à ces situations triviales. (© Johnny Tergo)
Le primat de l’esthétisme
Passées les caractéristiques techniques, reste à se poser la question du modus operandi. Car à regarder les clichés, tout laisse penser à une pose, un cadrage et une situation pensée pour être capturée pour l’occasion. Et pour cause. Dans une interview donnée au magazine Wired, Johnny Tergo précise sa manière d’opérer, de repérer les sujets “intéressants” puis d’attirer leur attention en ralentissant peu à peu, au pas, puis “clic !”.
Et c’est dans la boîte. À noter que malgré la sophistication de l’installation, le photographe connaît son lot de ratés : seulement une photo sur dix est conservée in fine. Passées les louanges (car les photos valent vraiment le détour), les interrogations. D’abord sur l’aspect éthique du processus : prendre sur le vif des individus qui n’ont rien demandé peut être perçu comme une violation de la vie privée.
À regarder certains clichés (bien qu’ils ne soient jamais avilissants ou dérangeants), le commentaire est justifié. À cela, l’artiste répond : “Beaucoup de gens pensent que ce je fais est malfaisant. Mais il est arrivé que certains ont été vraiment cool et j’ai ainsi eu l’occasion de m’arrêter et d’expliquer ce que je faisais.”
© Johnny Tergo
© Johnny Tergo
© Johnny Tergo
© Johnny Tergo
© Johnny Tergo
© Johnny Tergo
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