Laura Berlingo est gynécologue obstétricienne. Elle a créé le Diplôme Universitaire “Santé sexuelle pour tou·te·s” à Sorbonne Université et écrit l’essai “Une sexualité à soi”, publié aux éditions Les Arènes. On lui a demandé de répondre à notre courrier des cœurs (et des culs). Un rendez-vous que vous pourrez retrouver tous les mois sur Konbini.
À voir aussi sur Konbini
Je voulais vous poser une question par rapport à la libido. Depuis l’arrivée de notre deuxième enfant, il y a 2 ans, ma femme n’a plus du tout envie de sexualité. Je ne force rien bien entendu, je lui fais très régulièrement des massages pour lui redonner goût aux caresses, à se toucher. Les rares fois où l’excitation est montée, je ne me suis occupé que d’elle, pour son plaisir, sans pénétration. Elle n’a pas plus d’arguments, elle me dit qu’elle est désolée mais n’a vraiment aucune envie de relation sexuelle. Certes, son corps a changé, elle a quelques rondeurs mais vraiment sans exagération. Je lui dis en toute honnêteté que je la trouve toujours très belle, qu’elle me plaît, qu’elle est sexy… Avez-vous des conseils, des réponses à ce manque de libido ? En dehors de cela, nous sommes très complices, très amis, et nous avons une bonne relation de couple.
Tout d’abord, je voudrais te dire que vous n’êtes pas les seuls à traverser ça. Les modifications de la libido dans le couple à l’arrivée d’un enfant sont très fréquentes.
Comme tout “problème” dans un couple, ou différence de vécu, mon premier conseil serait d’en parler, à froid (pas dans un moment où tu te sens frustré), en toute franchise, au calme (sans être interrompu par les pleurs ou le biberon du petit dernier). Quelques clés de ce qu’on appelle la CNV ou communication non violente : t’exprimer à la première personne et évoquer tes propres besoins (plutôt que “tu n’as jamais envie de faire l’amour”, préférer “j’ai le sentiment ces derniers temps que nous ne faisons plus l’amour et moi, cela me manque, j’en souffre”), lui demander ce qu’elle en pense sans préjuger de sa réponse (“quel est ton ressenti à toi ? qu’en penses-tu ?”), accueillir son vécu même si cela te fait mal, en toute bienveillance.
Je m’explique : à l’arrivée d’un enfant, le corps d’une femme peut changer, mais aussi son identité. De femme elle devient mère, là, en l’occurrence mère de deux enfants. Cela peut changer son propre regard sur elle, le regard qu’elle t’imagine avoir sur elle, mais aussi des choses très concrètes : son temps disponible, son énergie, ses priorités.
Il ne faut pas sous-estimer la charge mentale, émotionnelle et physique des mères, qui doivent jongler entre toutes leurs casquettes de femme, amie, professionnelle, amante, et mère. Parfois il y a un trop-plein et la libido en pâtit.
Aussi il faut différencier la libido et l’excitation pour quelqu’un : comme tu le dis, elle ne se masturbe pas non plus en ce moment, elle ne met pas son désir à cet endroit, l’endroit du sexe. Enfin, et tu le soulignes toi-même, votre relation est belle par ailleurs, vous êtes complices et passez des moments d’intimité ensemble.
Donc, pose-toi des questions à toi. Qu’est-ce qui te gêne réellement dans cette situation ? Essaie de formuler tes besoins, exprime lui en utilisant le “je”, écoute-la vraiment, en toute bienveillance et en la laissant exprimer ses propres besoins. Peut-être qu’il y a des choses dans votre relation à améliorer, peut-être qu’elle est juste fatiguée et qu’elle se dit que c’est une passade et que ça va revenir, peut-être que son quotidien est trop rempli et ne lui permet plus d’accorder du temps et de l’énergie au sexe. Ce ne sont que des suppositions, des pistes et c’est elle qu’il faut écouter.
Enfin, si vous ne parvenez pas à vous entendre, que les discordances de point de vue sont trop grandes, n’hésitez pas à consulter un·e thérapeute de couple qui pourra vous accompagner.
Ma copine a des sécheresses vaginales continues depuis un an maintenant. Cela passe soit par des sécheresses, soit par des douleurs si l’on met un doigt ou le pénis. Nous sommes assez désemparés, nous pensons aux sextoys, crèmes en tout genre et sexologue. Pour ce dernier, nous ne savons pas comment le choisir.
La sécheresse vaginale est très fréquente, et une des premières raisons de ce que l’on appelle la dyspareunie, soit les douleurs pendant le sexe pénétratif. On peut être très excité et ne pas avoir assez de lubrification vaginale. Il ne faut pas systématiquement lier excitation et lubrification.
Les raisons de la sécheresse vaginale sont multiples : elle peut être liée à la prise de contraceptifs, à un déséquilibre de la flore vaginale, une infection… Donc mon premier conseil pour elle est de consulter un·e médecin (gynécologue ou médecin généraliste qui fait de la gynécologie) ou un·e sage-femme. Il ou elle pourra l’examiner, éventuellement lui prescrire des examens complémentaires, lui donner un traitement si besoin. Ensuite, avez-vous pensé à utiliser du lubrifiant ? C’est une solution toute simple mais qui peut vraiment changer la vie sexuelle des couples.
Il existe plusieurs types de lubrifiant. D’une part, des crèmes qui se mettent dans le vagin en dehors de tout rapport sexuel et qui sont trouvables en pharmacie. D’autre part, des lubrifiants que l’on utilise pendant les pénétrations, que ce soit avec des jouets, des doigts ou un pénis. Certains sont à l’eau, d’autres à l’huile ou au silicone. Deux warnings : ceux à base de silicone ne sont pas compatibles avec les sextoys de la même matière et ceux à base d’huile ne sont pas compatibles avec les préservatifs ! (Ils peuvent les rendre poreux et les déchirer). N’hésitez pas à en essayer plusieurs, à adapter le type à vos pratiques et à en remettre pendant les rapports si besoin. Comme je le dis souvent en consultation, le lubrifiant, c’est la vie ! Ne nous en privons pas.
Le vagin d’une femme est petit, à quel moment un pénis en érection rentre ? Ou en tout cas ne blesse pas la partenaire ?
Merci pour cette question, que tu es loin d’être la seule à te poser ! D’emblée, rassurez-vous, la nature est parfois bien faite et le vagin est un formidable organe.
Avant de répondre, faisons un minipoint terminologie : la vulve est la partie externe du sexe, composée des lèvres (internes et externes), de l’abouchement de l’urètre (par où s’écoule l’urine), et du gland clitoridien avec son capuchon (partie externe du clitoris recouvert d’un petit bout de peau). Le vagin est la partie interne du sexe, recouverte de muqueuse vaginale, au fond de laquelle on peut sentir le col de l’utérus, et qui est accolé en arrière avec le rectum et en avant avec la vessie. Pour revenir au vagin, sachez qu’au repos, il est fermé et toutes ses surfaces se touchent les unes les autres. Il ne faut pas imaginer le vagin comme un tube en plastique rigide qui aurait une taille définie et fixe. On peut le voir plutôt comme un ballon de baudruche, qui, au repos, est petit, fermé, et qui va pouvoir s’adapter progressivement à ce que l’on peut mettre à l’intérieur.
Par exemple, si on met un petit tampon pendant les règles, le vagin va enserrer ce tampon. Il s’agrandit pour le faire entrer, puis, une fois le tampon positionné, se cale autour, le tampon ne tombe pas. Pour une pénétration en contexte sexuel, c’est pareil. D’autant plus que sous l’effet du désir et de l’excitation, le vagin se lubrifie, s’agrandit progressivement pour accueillir un doigt, un jouet ou un pénis.
Rappelons aussi que des bébés peuvent passer dans ce vagin, bébés dont la tête fait en moyenne 35 centimètres de circonférence… C’est un organe vivant, entouré de muscles, qui s’adapte ! Dans tous les cas, pour ne pas se blesser, deux mots d’ordre : y aller progressivement et ne pas hésiter à utiliser du lubrifiant pour aider à la lubrification naturelle.