D’Eminem à Menace Santana, on vous dit TOUT sur l’horrorcore, le rap version flippant gore

PEUR RAP

D’Eminem à Menace Santana, on vous dit TOUT sur l’horrorcore, le rap version flippant gore

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Par Aurélien Chapuis

Publié le

Avec aussi les Geto Boys, 21 Savage, Three 6 Mafia ou Gravediggaz, on revient sur l’origine et l’actualité de ce courant très prolifique dans l’Histoire du rap.

Le rap a toujours été lié à l’horreur et à la violence, et donc aux films associés. Comme le rap, les films de genre ont envahi les cinémas de quartier américains dans les années 1970 : horreur, fantastique, arts martiaux, action violente, blaxploitation ou porno. Chaque production propose une vision codée à un public déjà conquis, sachant directement ce qu’il va y trouver.

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La génération rap, qui commence à émerger au début des années 1980, est totalement immergée dans cette culture, les codes leur paraissent plus proches de leur quotidien, urbain et dur. Le cinéma et la musique se sont ainsi souvent rejoints et influencés tour à tour. Il n’est donc pas étonnant de voir dès les débuts du rap sur disque des références au genre horrifique. Michael Jackson y est pour beaucoup avec son “Thriller”, mais dès 1983, Whodini sort deux morceaux dans ce thème, “Freaks Come Out at Night” et “Haunted House of Rock”.

Plus tard, The Fresh Prince, alias Will Smith, développera avec DJ Jazzy Jeff un morceau en hommage à Freddy Krueger, le méchant du film Les Griffes de la nuit de Wes Craven, véritable phénomène de société. Pareil chez Dana Dane et ses “Nightmares”. Le style est plutôt festif, pour Halloween, mais le propos est déjà là.

La naissance de l’horrorcore

C’est surtout avec le label Rap-A-Lot qu’un véritable mouvement se développe : l’horrorcore. Les Geto Boys et Ganksta N-I-P sortent alors des morceaux dérangeants parlant de torture, de meurtres et d’esprits dérangés. Avec “Assassins” en 1988, Johnny C des Geto Boys assène les premières rimes d’un genre entre gangsta rap et films d’horreur qui sera noté comme le premier morceau d’un nouveau genre.

Le groupe va ensuite parfaire ce style avec Scarface, Bushwick Bill et Willie D notamment avec des morceaux comme “Chuckie” ou “Mind Playing Tricks on Me”. C’est d’ailleurs Ganksta N-I-P qui a écrit “Chuckie”, preuve qu’il est sûrement le premier rappeur à vraiment écrire le genre horrorcore avec notamment son album The South Park Psycho en 1992 qui débute par un titre équivoque : “Horror Movie Rap”.

Dans les années 1990, de nombreux groupes ajouteront un univers extrême et noir à leur musique. C’est le cas notamment avec la scène de Memphis, autour de la Three 6 Mafia qui multipliera les références à des cultes sombres et scabreux.

Le premier album de la Three 6 nommé Mystic Stylez est un bon résumé du style lugubre du rap de la ville à cette époque. Largement diffusé sur des multiples cassettes échangées sous le manteau dans les années 1990, on appelle aussi ce courant le “Devil Shyt”, nom repris par Evil Pimp pour un morceau qui va devenir un hymne du genre.

Evil Pimp fait partie d’une autre scène locale qui va faire de l’horrorcore son credo : le Midwest. Ainsi, Insane Clown Posse, Bone Thugs-N-Harmony, Tech N9ne et surtout Esham vont proposer des paroles extrêmes et psychotiques sur des rythmes sautillants avec des flows saccadés, parfois très rapides. Le tout reprenant très souvent des thèmes célèbres de films d’horreur.

Un courant qui imprègne le rap mondial

Mais les classiques côtes Est et Ouest rentrent aussi dans la danse de l’horrorcore. Côté Californie, le gangsta rap se transforme souvent en histoires qui empêchent de dormir, avec Eazy-E, Cypress Hill, MC Eiht ou Spice 1. Même Ice Cube et Dr. Dre le touchent du doigt en 1994, avec un titre comme “Natural Born Killaz”. Mais c’est surtout Brotha Lynch Hung et Insane Poetry qui vont donner ses lettres de noblesse à l’horrorcore californien. Les images sont fortes et difficiles à faire oublier, souvent construites autour de tueries de masse ou de meurtres en série. La mort plane partout.

À New York, l’horrorcore est aussi extrêmement présent au milieu des années 1990 avec un groupe comme Flatlinerz, qui serait d’ailleurs à l’origine du terme “horrorcore” avec son album classique U.S.A. L’autre groupe vraiment exceptionnel dans le genre, c’est Gravediggaz, qui mélange le Wu-Tang de RZA avec l’énergie de Prince Paul du groupe De La Soul.

Leur album 6 Feet Deep sorti en 1994 est un véritable classique du genre, entre cimetière, morts-vivants et fantômes. Il est en plus le fruit de la collaboration incroyable entre deux producteurs iconiques des années 1990 : Prince Paul, architecte sonore du groupe De La Soul, et RZA, grand manitou du Wu-Tang.

Le résultat est expérimental, tant dans les productions très novatrices que dans les textes torturés. Certains morceaux sont devenus légendaires comme “1-800 Suicide” ou “Diary of a Madman”, pour leurs interprétations extrêmes mais aussi pour le style cinématographique des productions.

Sorti juste après Enter the 36th Chambers du Wu-Tang, cet album de Gravediggaz offre une direction que RZA aurait pu prendre, mais ses huit acolytes l’ont emmené dans le plus gros projet musical des années 1990. Prince Paul sera ensuite de moins en moins présent dans l’aventure De La Soul et se concentrera sur des projets expérimentaux comme l’incroyable A Prince Among Thieves. 6 Feet Deep est le testament d’une époque.

Une tendance toujours actuelle, même en France

Au début des années 2000, des rappeurs vont repousser les limites du trash pour emmener l’horrorcore vers une autre sphère. C’est l’avènement d’un circuit indépendant avec des rappeurs comme Cage, Non Phixion ou Necro, dont le rap pouvait être associé à de vrais films d’horreur. Necro a notamment creusé le style avec des vidéos tout aussi hardcore que sa musique. Mais le plus connu d’entre eux deviendra une énorme star en racontant des histoires horribles mélangeant famille, violence et manipulation : Eminem est né sur le terreau de l’horreur.

Actuellement, une nouvelle génération de rappeurs est aussi très proche de ses aînés dans l’horrorcore, avec un univers morbide et une esthétique extrême, ainsi qu’une énergie proche du death metal. $uicideboy$, 21 Savage, Bones, Pouya ou City Morgue sont de dignes héritiers de Three 6 Mafia, Gravediggaz et Geto Boys, avec une autre façon d’agir sur nos peurs et nos obsessions.

En France aussi, on voit ces ramifications notamment dans la drill surtout chez un rappeur comme Menace Santana au style lugubre très inspiré des films et des jeux vidéo d’horreur. Même son masque est un twist des citrouilles d’Halloween, un thème qui revient régulièrement dans ses morceaux.