Pourquoi le photomaton a-t-il pris une forme artistique dans l’histoire de l’art ? Une simple cabine contenant un tabouret et un appareil qui nous flashe trois ou quatre fois d’affilée sont devenus artistiques, une manière de documenter son quotidien par le biais de souvenirs imprimés sur une bande verticale. Plusieurs photos du même moment, des changements de position, une intention derrière cet acte photographique… Tout ça a créé l’engouement chez certain·e·s artistes.
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Tout d’abord, la fonction du photomaton est une preuve de l’identité d’une personne. Plutôt formelle, cette démarche permet à chaque individu de dévoiler son identité, dans la plupart des cas pour des papiers administratifs. Carte d’identité, passeport, carte Vitale, permis de conduire… Il est régulièrement demandé de poser sérieusement dans cette boîte photographique. Mais certain·e·s artistes ont détourné cet usage en créant de véritables œuvres dans ce lieu que l’on retrouve fréquemment dans des gares et des supermarchés.
Tout commence à Paris en 1928, lorsque le premier photomaton est installé pour le plus grand bonheur des surréalistes. C’est le photographe André Breton qui sera tout particulièrement intéressé par cette installation parce qu’elle pourrait bien répondre à la question “Qui suis-je ?”, qui commence son roman Nadja. “Automatisme et automatique : le photomaton était une photographie surréaliste ready-made qui éliminait l’esprit conscient et contrôlant du photographe et prenait un flux d’images trop rapide pour que le modèle puisse se composer autrement que de la manière la plus élémentaire. La proximité des portraits et le fond plat ajoutent au sentiment de surprise, d’étonnement, voire d’abus, que l’on ressent après avoir posé pour une série de photos d’identité. La brutalité, qui rend les portraits photomaton inconfortables, les rend, pour les surréalistes, perspicaces”, expliquait The Guardian concernant le photomaton et les surréalistes. Cette pratique a donné naissance à un réel engouement artistique pour cette boîte photographique.
Amélie Poulain, Andy Warhol, Richard Avedon…
Depuis cette période, on ne peut d’ailleurs pas passer à côté de la fascinante histoire de l’écrivain Michel Folco, qui s’amusait à retrouver des clichés de photomaton d’inconnu·e·s. Un jour, l’écrivain a réalisé qu’il tombait régulièrement sur les photos déchirées d’un même homme, et il a décidé de mener une enquête. Il s’agissait tout simplement du réparateur de photomaton qui, pour le tester, avait besoin de réaliser des photos. Mais ce fameux réparateur de photomaton n’a pas été le seul à en réaliser une multitude.
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On remarque que jouer avec sa propre identité en a intéressé plus d’un·e, comme Andy Warhol. C’est par le biais de Polaroid et de photomatons que l’artiste a documenté son quotidien, allant jusqu’à faire “200 photographies par jour”, selon AD Magazine. Il y a aussi les incontournables clichés du célèbre photographe Richard Avedon, qui shoote des célébrités dans une cabine photographique. L’artiste souhaite “laisser libre cours à l’imagination de ses invités dès lors que le rideau est tiré. L’objectif pour Richard Avedon était de mettre l’accent sur la spontanéité et l’insouciance de la capture”, selon Simplybox.
L’artiste belge Alain Baczynsky s’est aussi prêté au jeu du photomaton en ayant une tout autre approche : faire une photo après chacune de ses séances de psychanalyse. La cabine photographique devient le témoin de ses émotions. L’artiste confiait d’ailleurs lors d’une interview menée par Julie Aminthe pour Paris Art : “En prenant le métro à la station Jussieu, j’ai vu une cabine de photomaton et l’idée m’est venue, soudainement : me prendre en photo après chaque séance et inscrire au dos ce qui me vient à l’esprit, tout en précisant la date, à chaque fois. La démarche était donc spontanée, vraiment.” L’artiste a donc regroupé ses clichés dans une série photo qu’il a nommée Regardez, il va peut-être se passer quelque chose.
Contrairement à Alain Baczynsky, les clichés au photomaton grand format de Thomas Ruff ne témoignent d’aucune émotion mais plutôt de neutralité. L’artiste a photographié ses proches en tentant d’être le plus neutre possible, à la manière de l’école de photographie de Düsseldorf, académie où il a étudié. Sa série Portraits met en avant la neutralité des sujets qui nous regardent simplement de manière impassible.
En voilà, de bonnes raisons de retourner dans un photomaton (même si ça coûte une blinde), en évitant tout stress de louper vos photos d’identité. À vous de choisir dorénavant la manière de vous y prendre, entre Andy Warhol ou Alain Baczynsky, les multiples possibilités s’offrent à vous et témoigneront de votre passage dans une cabine photographique. Seul·e, à deux ou plus, déguisé·e ou pas, c’est toujours amusant de conserver cette bandelette comme souvenir, ou comme objet d’art. D’ailleurs, Aya Nakamura s’est aussi amusée avec un photomaton, récemment.
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