Premières armes
Tout petit, le jeune David Tennant (né McDonald) avait déjà la tête dans les étoiles : fasciné comme beaucoup de ses compatriotes par la série Doctor Who (alors porté par le révéré Tom Baker), il découvre sa vocation dès le tendre âge de 3 ans et jure qu’il fera partie, lui aussi, des visages du petit écran.
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Mais bien avant de tutoyer la célébrité et la reconnaissance du public, David comme tout apprenti acteur, s’est essayé à toutes sortes de rôles ; privilégiant, semblerait-il, les programmes comiques et les rôles de psychopathe (!) afin de créer sa palette d’acteur.
Il faut remonter à plus de trente ans pour découvrir le premier véritable rôle du jeune comédien. En 1988, dans Dramarama, il touche le surnaturel du doigt en interprétant un gamin maussade qui a la capacité de voir le fantôme de ses ancêtres. La mine boudeuse, il promène sa mèche rebelle à travers les paysages verdoyants de Grande-Bretagne dans cette série de contes pour enfants aux faux airs de Chair de poule.
Avant même de penser à enfiler les Converse du Doctor, David passe par plusieurs programmes cultes de la fin du siècle : dans Rab C. Nesbitt, il démontre pour la première fois un intérêt certain pour le travestissement et la gausserie en jouant Davina, un barman grimé en femme ; puis passe par la case The Bill, un feuilleton policier emblématique du paysage télévisuel outre-Manche où il incarne un kidnappeur psychopathe au visage d’ange.
C’est cependant dans la mini-série Takin’ Over the Asylum qu’il se révèle. Pendant six épisodes, il interprète un jeune homme enthousiaste mais bipolaire nommé Campbell. S’il a, selon ses dires, été choisi uniquement parce qu’il pouvait “faire 19 ans et interpréter un fou” (il avait alors 23 ans), il participe grandement au succès de la série, reconnue depuis pour avoir abordé avec courage le sujet délicat des maladies mentales. Aujourd’hui encore, Campbell fait partie de ses rôles phares pour son public du premier jour.
Campbell dans <em>Takin’ Over The Asylum</em> – © BBC / Simon Brown dans <em>Duck Patrol</em> – © ITV
Plus tard, il coiffe sa grande silhouette filiforme d’une casquette de la police fluviale pour la sitcom Duck Patrol, avant de se draper du manteau de fourrure d’un artiste excentrique dans Mon ami le fantôme, un feuilleton policier révéré par les Britanniques. Emmitouflé dans sa condescendance, grimaçant, hurlant de démence, il s’éclate à en faire des tonnes et perfectionne l’art de la grandiloquence qui fait ses plus belles heures sur les planches de théâtre.
Un an plus tard, le mockumentary People Like Us lui donne l’occasion de s’essayer à un autre registre en campant un acteur cherchant désespérément à percer dans un coin défavorisé d’Angleterre. Largement décrié par les populations qu’il tentait de représenter, le programme est depuis tombé dans l’oubli.
Il faut alors attendre 2004 et 2005 pour le voir apparaître dans des rôles plus substantiels.
Un trésor national
La mini-série Blackpool, petit bijou à mi-chemin entre la comédie musicale, le western, la comédie romantique et l’enquête policière, lui donne l’occasion de dévoiler des talents… insoupçonnés. Entre deux numéros de danse et de chant, il est impeccable, droit dans ses bottes face à un David Morrissey boursouflé de suffisance. Complètement délurée, étonnamment juste et merveilleusement réjouissante, la série s’élève au-delà du simple divertissement musical et le jeu de dés s’avère gagnant, notamment grâce au talent de ses interprètes.
DI Carlisle dans <em>Blackpool</em> – © ITV
La rencontre entre Russell T. Davies et David Tennant n’a pas eu lieu à l’occasion de leur collaboration sur Doctor Who, mais une année auparavant, alors que ce dernier l’embauche pour incarner une version réimaginée du coureur de jupons italien Giacomo Casanova. Dans Casanova, mini-série rocambolesque où l’amour s’enfuit inlassablement et où le danger se cache à chaque tournant, David est touchant de sincérité et sa partition emplie d’entrain et de malice éclabousse l’écran à chaque instant. On y retrouve également Peter O’Toole et Rose Byrne, bouleversants de justesse.
Giacomo Casanova dans <em>Casanova</em> – © BBC
Petite anecdote : En 2005, David joue un certain Dr Briscoe dans le remake live d’une série télé de science-fiction des années 1950 (The Quatermass Experiment Live). Pendant la diffusion, son partenaire a volontairement changé sa première réplique en “Ravi de vous voir, Docteur” afin d’attiser les spéculations autour de son casting dans…
… Oui, bien évidement, Doctor Who. En quelques années seulement, David Tennant a réussi à décrocher le rôle de ses rêves, a grandement participé à propulser la popularité de la série au-delà des frontières où elle a longtemps été confinée, et a marqué les esprits de manière intemporelle. Ses mimiques irrésistibles, son enthousiasme un peu canaille, sa vivacité insatiable, son débit de parole impressionnant et sa gravité morose ont conféré au Doctor une profondeur qui n’avait jusque-là jamais percé. Élevé au rang de Time God par toute une panoplie de fans pétris d’amour, son départ de la série fut accueilli par de nombreuses réactions de désespoir.
Pendant ses années Who, cherchant sans doute à cultiver sa part d’ombre, il campe dans Secret Smile un homme machiavélique et toxique dont le charme apparent est monstrueusement trompeur.
Ensuite, il relève le défi de s’attaquer au lourd sujet des accidents cérébraux pour le drame Recovery. Le téléfilm diffusé en 2007 est saisissant de réalisme, intense et brutalement honnête. Il y joue un homme qui, suite à son accident, perd la mémoire et se voit obligé de réapprendre les choses de la vie. Au-delà des excellentes prestations de David Tennant et Sarah Parish, Recovery est un fabuleux conte sur la persévérance dans l’adversité, que l’absence notable de pathos dégoulinant sert admirablement.
Alan Hamilton dans <em>Recovery</em> – © BBC
Retour à la comédie avec un caméo dans la série Extras, par et avec Ricky Gervais, où aidés d’une assistante inconnue, les deux compères s’amusent à caricaturer le ridicule des monstres en carton-pâte de Doctor Who.
Puis David Tennant côtoie le génial Andy Serkis pour les besoins d’un téléfilm historique sur la relation entre deux physiciens à l’aube de la Première Guerre mondiale : Albert Einstein, qui développe une théorie sur la relativité générale, et Arthur Eddington, qui découvre ses recherches. Une manière de rappeler aux mémoires l’apport du second, qui a contribué à prouver et à faire connaître la théorie ayant conféré au premier sa renommée. Une rencontre au sommet dans un téléfilm parfois un peu trop mélodramatique.
Arthur Eddington dans <em>Einstein & Eddington</em> – © BBC
L’après Who
Bien avant de réussir à conquérir les États-Unis grâce à une super-héroïne prénommée Jessica, David Tennant cherche à s’implanter sur la NBC en tournant le pilote d’une série intitulée Rex Is Not Your Lawyer. Le projet, hélas, est jeté aux oubliettes.
Heureusement, la Grande-Bretagne n’a d’yeux que pour lui, et il enchaîne les téléfilms. Dans Single Father (dont le casting est exclusivement écossais, bon courage pour tout comprendre !), il doit élever cinq enfants suite au décès de sa femme. Puis il est Jimmy Murphy dans United, un drame inspiré de l’histoire vraie du crash d’avion qui tua huit joueurs de Manchester United en 1958.
Jimmy Murphy dans <em>United</em> – © BBC
S’en suivent la comédie This is Jinsy, un segment de True Love où jouent également ses amis Billie Piper et David Morrissey, et le téléfilm dramatique Spies of Warsaw, dans lequel il tient le rôle principal.
Le meilleur, cependant, reste à venir.
The Politician’s Husband, fiction où il partage l’affiche avec Emily Watson, aborde la question du politique au travers du couple, et c’est ce prisme tout simple qui lui confère toute son originalité. En mettant en parallèle vie privée et vie publique, où l’ego du mari se voit froissé par l’accession de sa femme aux hautes sphères qui lui étaient réservées, le récit s’élève et gagne en intensité, en crédibilité et en émotion… Le tout servi par deux acteurs au diapason, car David Tennant n’a tout simplement jamais été meilleur. Dans le jeu de l’amour et du pouvoir, qui va l’emporter ? “The villainy you teach me I will execute and better your instruction.”
Aiden Hoynes dans <em>The Politician’s Husband</em> – © BBC
Si quelqu’un pouvait voler la vedette au Doctor, Alec Hardy serait en bonne place.
Broadchurch fut un véritable succès critique et public, avec raison. Est-ce du fait de la musique ensorcelante de Ólafur Arnalds, du charisme fou du duo principal (on t’aime Olivia Colman) ou bien de l’intrigue aussi morbide que fascinante ? Un petit village déchiré par le meurtre d’un enfant. Tout le monde a quelque chose à se reprocher. Qui restera debout lorsqu’on le pointera du doigt ? Les trois saisons de cette brillante série ont ramené David Tennant sur le devant de la scène, et achevé de le faire connaître au grand public à l’international.
Alec Hardy dans <em>Broadchurch</em> – © ITV
Dans le thriller The Escape Artist, il joue le rôle d’un avocat connu pour ne jamais avoir perdu un procès. Comment vivre avec lui-même lorsqu’il réussit à faire acquitter son client, alors qu’il doute très fortement de son innocence ?
En 2015, ce ne sera pas la reprise de son rôle dans Gracepoint (le remake américain point par point de Broadchurch) qui officialisera sa percée à la télévision outre-Atlantique, mais plutôt son entrée fracassante parmi les visages de Marvel.
En interprétant le super-criminel Kilgrave, il s’impose comme un troublant adversaire de taille pour la Jessica Jones de Krysten Ritter, qui devra user de bien des stratagèmes pour se débarrasser de son emprise jusqu’à un final de saison kick-ass.
Kilgrave dans <em>Jessica Jones</em> – © Netflix
Ce qui aurait pu être : David le cannibale ? Ce dernier aurait en effet auditionné pour interpréter le rôle-titre de la série de Bryan Fuller, mais il aurait été battu de justesse par Mads Mikkelsen. Cependant, le grand manitou d’Hannibal, très impressionné par son côté sombre, souhaiterait absolument lui confier un rôle.
En attendant, quel futur proche pour l’écossais aux multiples visages ?
Les fanas de sa voix si particulière seront ravis de l’entendre doubler le milliardaire Balthazar Picsou dans la série d’animation La Bande à Picsou.
Crowley dans <em>Good Omens</em> © Amazon Prime
On le découvrira surtout le 31 mai dans Good Omens, une série adaptée d’un roman de Neil Gaiman et Terry Pratchett et diffusée en France sur Amazon Prime Video. Il y campera le démon Crowley, ses lunettes de soleil et ses cheveux écarlates, qui devra s’associer à l’ange Aziraphale afin d’empêcher la fin du monde. Avec, entre autres, Michael Sheen, Jon Hamm, Benedict Cumberbatch et Frances McDormand… On peut légitimement s’attendre à un programme du feu de Dieu.