Damso a-t-il mis fin à sa carrière à l’Accor Arena ?

Damso a-t-il mis fin à sa carrière à l’Accor Arena ?

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Photo by CHARLY TRIBALLEAU / AFP

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Par Aurélien Chapuis

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J’ai vu deux fois le show de Damso à l’Accor Arena, deux soirs de suite et c’était une expérience assez exceptionnelle. Je vous explique.

Chaque semaine, Aurélien Chapuis, alias Le Captain Nemo, revient sur l’actualité du rap avec ses coups de cœur, ses découvertes et les enjeux du moment. Avec aussi une sélection de 5 morceaux forts de la semaine et une conclusion nostalgique à l’ancienne.

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On en parlait la semaine dernière, le mois de décembre se dessinait sous les signes des énormes concerts de Gazo, Orelsan et Damso. Après avoir couvert la première date avec Konbini, je me suis retrouvé à voir le show historique du rappeur belge le vendredi ainsi que pour la toute dernière date du samedi. Je dis historique car depuis quelques semaines, Damso et son équipe teasent une pause, un moment de calme après ce QALF tour. Comme si ces quatre concerts de suite à l’Accor Arena pouvaient être ses derniers. Comme s’il arrêtait la musique demain.

Alors oui, j’ai vu deux soirs de suite le concert mais vraiment, les deux soirs étaient différents avec des points de vue atypiques, des petits détails qui changent tout. Damso est sûrement un de mes rappeurs francophones préférés, aussi bien pour sa recherche du son ultime que pour sa musicalité qui évolue toujours dans le bon sens. Quelque part, le dernier morceau qui sort de Dems est souvent mon préféré, je suis team QALF à fond.

J’ai toujours trouvé ça assez passionnant chez Damso, sa façon de toujours voir le futur de sa carrière en avance. Dès ses débuts, il avait déjà prévu ses albums, parfois leur nom, souvent leur structure, laissant de la place à l’improvisation tout en sachant particulièrement ce qu’il voulait. Cette série de concerts était aussi inscrite dans cette continuité. Pendant ses prises de parole, Damso est souvent revenu sur ses premiers concerts, ses premiers faits d’armes, reprenant son texte du freestyle sur OKLM Radio ou proposant de lancer “Cœur de Pirate”, un morceau teasé au début de sa carrière, en 2016. Six ans après, la continuité est vraiment le maître-mot de la carrière couronnée de succès du rappeur Damso.

Par rapport à sa dernière tournée en 2018 avec Lithopédion, Damso a gagné en assurance et en communication. On le sent à l’aise du début à la fin, trônant la plupart du temps seul au milieu d’une scène en diamant avec de superbes effets visuels, à la fois hypnotisants et vertigineux. Certains décors comme sur “Mosaïque Solitaire” vont rester longtemps imprimés dans mes rétines, comme des scènes de films d’animation prenants.

La structure du concert, les enchaînements et surtout la qualité du son en ont fait un des meilleurs concerts de rap français que j’aie pu voir. Toutes les facettes de Dems se succèdent tranquillement, des plus dures aux plus légères. Les passages très “Nwaar” étaient suffocants pendant que ses collaborations plus mélodiques avec Aya, Disiz ou Angèle offraient une véritable bouffée d’oxygène.

En voyant le show deux fois de suite, j’ai pu voir beaucoup d’invités mais Damso reste vraiment le personnage central, ancré sur scène. Sa présence est de plus en plus magnétique, ses mouvements très charismatiques. Ce qui choque le plus, au fil de ce concert de quasiment deux heures, c’est le nombre de tubes, de classiques, de morceaux repris en chœur par tout le public, de la première rime à la dernière note. Damso a réussi en six ans ce que très peu d’artistes ont accompli en rap francophone : un univers unique, une musicalité originale et des tubes, des tonnes de tubes.

Même quand il va chercher son tabouret pour faire une partie intimiste avec des chansons plus lentes et mélodiques, le public est happé par sa voix, par son interprétation. Exactement de la même façon le vendredi que le samedi. Des milliers de personnes chantant les thérapies les plus inextricables de Damso, ça fait un truc, ça résonne loin, très loin. Pareil pour ce “Amnésie” proposé en final sans que Damso ne prononce une parole, un moment fort, offert au public avec l’artiste uniquement en toile de fond.

La tracklist du concert a évolué chaque soir, comme pour prendre le public par surprise ou peut-être pour rendre chaque soir unique pour Damso. Car le samedi, il revient souvent là-dessus : “C’est peut-être la dernière fois que je fais Bercy donc on va profiter un peu”. Eh oui, on sent qu’il profite, qu’il prend son temps, qu’il accompagne chacun de ses morceaux avec le public. On sent qu’il est heureux, qu’une page se ferme pour lui, une partie de sa vie d’artiste.

Donc est-ce que Damso a répondu à cette question : arrête-t-il sa carrière ou même fait-il une pause ? Comme d’habitude avec lui, on a l’impression que tout est écrit d’avance et, en même temps, que rien n’est arrêté. Sa toute dernière phrase était dans ce sens : “Je ne vous dis pas adieu, je ne vous dis par au revoir mais que Dieu vous bénisse.” Des festivals ont déjà annoncé Damso en tête d’affiche pour l’été prochain donc Damso ne va pas disparaître. Mais peut-être qu’il s’enlève juste la pression de la célébrité, de sortir un album, de proposer autre chose de nouveau, de rester sur sa lancée de succès. La suite de Damso, c’est peut-être juste de “Vivre un peu”.

Le 5 majeur de la semaine

Menace Santana – MaDrug ?

L’album Into The Dark de Menace Santana est comme son nom l’indique : lugubre, angoissant et démoniaque. Forçant encore le trait dans l’ambiance horrorcore slasher, le rappeur continue son exploration sonore faite de petits collages étourdissants, changeant de rythme et d’ambiance toutes les minutes, un vrai voyage. Mention spéciale pour cette version définitive de “MaDrug ?” qui reprend le “You are my high” de Demon, lui-même un sample magnifique de Gap Band. Un “C’est Quoi Le Sample ?” possible ? Eh bien, pourquoi pas ! En attendant, la version de Menace Santana est un véritable labyrinthe d’effroi. À ne pas mettre entre toutes les mains.

Zola – Cartier Panthère

On peut reprocher beaucoup de choses à Zola et à sa musique mais il reste un des seuls à avoir une patte très particulière sur chaque nouveau son qu’il sort. Encore cette fois-ci sur “Cartier Panthère”, il innove à sa façon en choisissant une instru très saccadée à la basse saturée à l’extrême. Il expérimente tout en restant très simple et compréhensible pour tous. Ça marche pour moi. Après le tube “Amber”, ce track à l’ambiance vaporeuse et à la voix en pleine évolution rappelle les expérimentations de Playboi Carti, Yeat ou Lil Uzi Vert outre-Atlantique. Très client, on attend l’album.

Niro – Papa fait le pitre

Chaque morceau de Niro a son petit quelque chose de plus. Depuis plus de dix ans, il enchaîne les projets, parfois en grandes pompes, parfois dans son coin, avec sûrement une des plus grosses carrières du rap français. Pour ce Colors, Niro offre une masterclass de rap de Walkman, un morceau à mettre en boucle avec des punchlines à la pelle. Niro a toujours été un rappeur spécial pour moi car il vient de Blois et il est né à Orlinz. Pile dans mon environnement. On n’a pas du tout le même vécu mais ça marche quand même chez moi. Bonne gamberge, bon rap, précis et inspirant. Merci encore Niro.

Sadek – Sicilien

À la manière de Niro ou Nessbeal qui vient de sortir le très bon clip de “Mourir à Casa”, Sadek est un rappeur inclassable dans le paysage français avec une longévité impressionnante. Acclamé pour ses paroles comme pour son flow, il a aussi beaucoup fait parler de lui sur les réseaux pour ses coups de gueule et prises de position. Sur ce retour en clip, il joue de cette image parfois extrême pour revenir à ce qu’il sait faire de mieux : du rap, puissant, sincère, efficace. Forcément, ça donne envie d’écouter la suite. Car il y a toujours de superbes morceaux dans chaque projet de Sadek.

Bu$hi – Près du cœur ft. Tiakola

Bu$hi est un des rappeurs nouvelle génération que j’ai le plus écouté en 2022. Ses morceaux comme “6 O’clock”, “Parachute”, “Link Up” ou “Ma préférée” m’ont vraiment accompagné dans les transports, sur la route ou même dans mes DJ sets. Sa façon de choisir les sonorités, les variations et sa façon de poser dessus m’ont vraiment marqué. Ce nouveau projet Interlude sorti par surprise est encore une belle extension de l’univers du rappeur lyonnais. Un clin d’œil au Ateyaba à l’ancienne puis à X, des sons cristallins, des implications de l’alliance 667 / Lyonzon et des superbes apparitions des stars du moment : La Fève et Tiakola. C’est d’ailleurs ce feat avec Tiakola que j’ai choisi même si je pense qu’il me faut encore plus d’écoutes pour bien appréhender ce projet aux multiples tiroirs. Mais l’année de Tiakola a été si évidente que cette collaboration est un vrai joyau immédiat. Bu$hi, artiste vraiment à suivre en 2023.

Ligne nostalgique

Tout au long de l’année 2022, j’ai en fait surtout écouté du rap de vieux, on ne va pas se mentir. Plus les années passent et plus je reviens aux années qui m’ont marqué à jamais dans le rap, notamment américain : les années 1990. Même si j’ai ouvert le spectre vers les années 1980 et que j’aime toujours autant le rap des années 2000 mais aussi le rap actuel, je reviens très souvent sur mes classiques des années 1990, sur un spectre allant de 1993 à 1998, en gros.

Ma petite passion est toujours de retrouver des morceaux que j’avais un peu zappés ou des artistes que je n’avais pas trop captés à l’époque. Surtout grâce au podcast Take It Personal que je ponce allègrement (sept épisodes de plus de trois heures uniquement sur l’année 1994 cet été, ils sont fous comme moi), je retrouve des petites pépites comme ce “#1 Player” de Red Hot Lover Tone.

Il y a tout ce que j’aime bien dans le rap sur ce morceau : un flow nonchalant, un beat boom bap un peu jazzy lorgnant vers la soul R’n’B, un refrain entraînant rappelant les meilleurs moments de Grand Puba ou Slick Rick. Red Hot Lover Tone n’a sorti que deux albums mais est surtout connu pour son rôle de compositeur et auteur avec son collègue Poke dans le duo Trackmasters. Eh oui, Poke & Tone, ce sont eux qu’on retrouve sur les albums de Biggie, Nas, LL Cool J, Mary J. Blige ou encore Will Smith.

Après des débuts remarqués avec Chubb Rock, Kool G Rap ou Heavy D, Red Hot Lover Tone sort un album très bien conçu en 1994 puis se consacre à sa carrière d’auteur et de compositeur. Je trouve sa carrière de rappeur très sous-estimée, je vous invite à réécouter ça pendant vos fêtes. Notamment ce posse cut avec Notorious B.I.G., M.O.P. et Organized Konfusion, produit par Buckwild, excusez du peu. Bon kif et bonne semaine à tous !