La semaine dernière, on revenait ensemble, entre analyse et critique, sur cette troisième saison de Nouvelle École, considérée par beaucoup comme la meilleure saison du programme depuis son lancement. Si la finale et le résultat ne contredisent pas tout ce qui a déjà été dit, la révélation du vainqueur permet de conclure cette analyse avec de nouveaux arguments.
À voir aussi sur Konbini
Chargement du twitt...
Bon, maintenant que vous êtes là, on peut parler librement. C’est bien Youssef Swatt’s, rappeur belge de 26 ans, qui a remporté le concours et les 100K promis au vainqueur. Il évince en finale Dadi et JYEUHAIR, un beau panel d’artistes représentant bien le paysage rap en France. Mais cette fois-ci, c’est le rap qui a gagné. Non pas que Dadi et JYEUHAIR ne fassent pas partie du rap, ils ont d’ailleurs livré de superbes prestations en finale et pendant toute la compétition, mais la performance de Youssef Swatt’s est un hommage puissant à cette culture hip-hop et cette rap music.
Pur produit d’un rap underground mettant notamment le texte au centre de la performance, Youssef Swatt’s peut se rapprocher du profil du “rappeur conscient”, sans pour autant être dépourvu de capacités d’adaptation qui lui ont permis de franchir les étapes du concours sans broncher. En finale, il a décidé de tout whippin, prenant la route à contresens pour foncer dans un mur en béton armé qu’il a finalement complètement détruit :
Sur le même sujet...
“On m’a demandé un hit, tant pis pour les radios, j’ai fait une chanson triste, tant pis pour les 100 000 euros”
Un morceau appelé “Générique de fin” très loin du format hit attendu. Un texte profond, social, amer, contestataire, contenant plusieurs références aux pionniers du rap français, et tout ça sur un BPM assez lent et un beat plutôt à l’ancienne.
Mais alors que dit la victoire de Youssef grâce à ce titre ? Eh bien elle dit que ça fait du bien de, parfois, mettre de côté les attentes pour se laisser aller vers ce que notre cœur nous dicte. Cette victoire semble positive pour le programme, légitimant quelque peu la place de Nouvelle École dans le paysage rap. Le grand public de Netflix voit sur le devant de la scène un rappeur avec un profil qu’il ne connaît pas, ou peu. Un profil rarement mis en avant et qui, sur le papier, peut connaître des difficultés à “breaker” (se rendre bankable, en gros, percer), et c’est là que c’est intéressant et à double tranchant.
Si rendre Youssef Swatt’s victorieux est assurément une bonne idée car ce choix défend de belles valeurs, témoigne d’un profond respect pour ce qu’on va appeler les fondements du rap et permet à toute une branche du rap d’être mise en lumière, c’est également une prise de risque, car Youssef Swatt’s ne fera sûrement jamais les stats d’un Fresh après la première saison de Nouvelle École par exemple. Rien qu’actuellement, on peut, sans grande difficulté, déceler en Dadi, JYEUHAIR, ou même Yorssy, éliminé plus tôt dans la compétition, de plus grandes promesses mainstream. Dans l’air du temps, moderne, accrocheur, Youssef Swatt’s a beaucoup moins ce profil. Mais est-ce vraiment important en dehors du classique “Netflix = grosse plateforme = chiffre = hit = argent” ?
Chargement du twitt...
Et si, justement, en faisant gagner le rappeur belge, on ne faisait pas un pied de nez à tous ces chiffres, ces calculs, ces algorithmes, pour, au moins une fois dans l’année, laisser parler ce qui nous semble juste ? SDM a joué un grand rôle dans cette réflexion, poussant jusqu’au bout pour la victoire de Youssef Swatt’s qui peut largement compter sur le soutien du nouveau juré, le menant assurément vers la victoire. SD, tu es le jury et le rappeur que tu penses être.
En faisant ce pas de côté avec son morceau, Youssef a assumé qui il était, au risque de passer à côté d’une grosse somme d’argent. Un choix sincère qui se sera finalement révélé stratégique car le jury a compris le message, et ce, malgré leurs doutes, effectuant, eux aussi, un pas de côté symbolique. Faire gagner Youssef Swatt’s est un gros risque, mais ils l’ont pris. L’avenir nous dira si ce choix était le bon. Dans tous les cas et comme toujours, c’est aussi le public qui décidera du (ou des) véritable gagnant de cette saison.
