Il avait secoué 2017 avec son titre “Ouloulou”. Cette année, Dabs revient sur le devant de la scène et compte bien s’installer dans le paysage du rap français. Avec Mainmise, son tout premier album, il balance un condensé en dix morceaux de sa musique, avec trois featurings de luxe : Aya Nakamura, Maes et Orelsan. Pour l’occasion, nous l’avons rencontré.
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Avoir intitulé son projet Mainmise lui “permet d’expliciter [sa] volonté de mettre la main sur le rap game”. Après quelques succès relatifs dans le milieu, il estime ainsi qu’il est temps pour lui de se faire une place de choix. Et quand on lui demande pourquoi il n’avait pas encore fait d’album, il explique sans détour :
“Je suis très perfectionniste et j’ai beaucoup d’attentes, surtout vis-à-vis de moi-même. Je savais qu’il manquait quelque chose sur l’opus, alors je n’ai fait que repousser la venue de l’album. Cette fois, pas de doute, tout est là.
La particularité, c’est que j’ai toujours kiffé les morceaux mélodieux, chantés. Jusque-là, je n’avais pas trop eu l’occasion de me dévoiler sur cet horizon. J’ai longtemps eu peur de choquer mes fans, que j’avais habitués à du rap. Puis, j’ai fini par prendre ce risque. Comme ça, je prépare mes auditeurs à la suite en leur faisant écouter un style qui me ressemble davantage.”
Fruit d’une enfance partagée entre rap et variété française, son univers musical est en double teinte. La faute à une admiration pour Claude François, qui l’a attiré “pour son personnage plus que pour sa musique”. Pour Dabs, l’illustre chanteur a été déterminant pour le rap français : “Il portait des sapes bling-bling, mettait de belles femmes dans ses clips, adorait les voitures… C’était un précurseur, et il faut reconnaître qu’il a été important dans la popularisation du rap en France.”
Mais Dabs reste avant tout inspiré par le hip-hop américain de ces dernières années, notamment par des figures comme XXXTentacion. Cependant, il reconnaît l’influence que Booba a eue sur sa carrière :
“Booba a été l’un des premiers rappeurs à me donner de la force, notamment avec le morceau ‘Sans Elle’ qu’il avait relayé sur ses réseaux sociaux. Et puis, ‘Ouloulou’, mon plus gros titre, était directement tiré de l’un de ses gimmicks. Il a eu, peut-être inconsciemment, un rôle déterminant dans ma vie d’artiste. D’autant plus que sur le plan musical, j’écoute ses morceaux depuis de nombreuses années.”
Booba n’est pas le seul rappeur français à avoir influencé sa musique, puisque Dabs est originaire de Sevran, qui est souvent qualifiée de “nouvelle capitale du rap”. Selon lui, vivre dans une ville avec autant de talents l’a poussé à donner le meilleur de lui-même :
“Depuis des années, Sevran possède tout un vivier de rappeurs talentueux. Aujourd’hui, on est une bonne poignée à être relativement suivis par une communauté.
Mais heureusement, cette compétition n’a jamais été malsaine, en tout cas pas pour moi. Ça motive de voir que les gens avec qui on a grandi ou qui perçaient un peu dans notre quartier réussissent leur vie grâce au rap. Ce n’est pas du tout une source de conflits, ou de relations malsaines. Au contraire, pour moi, ça a toujours été l’occasion rêvée de me surpasser.”
Maes est également de Sevran. À ce sujet, Dabs indique :
“Humainement, c’est vrai que c’était agréable de travailler avec Maes, car je le connais bien et nous avions déjà bossé ensemble. Pour autant, Aya Nakamura et Orelsan, bien que je les avais déjà rencontrés eux aussi, m’ont permis de sortir de ma zone de confort, car nos univers sont extrêmement différents.”
(© Gedeninee_Krewtv)
Dabs a d’ailleurs été impressionné de voir qu’Aya “faisait tout par elle-même”, et a été surpris de voir que la chanteuse savait exactement ce qu’elle attendait de sa collaboration avec lui. En revanche, “Follow Back” n’est pas le titre préféré de Dabs, qui avoue être plus fier de “Yeux Verts”, une chanson d’amour très expressive pour cet artiste qui ne s’était pour l’instant confié que très rarement en musique.
“C’était un véritable défi, car c’est un thème que j’ai beaucoup de mal à évoquer. En plus, l’objectif c’était de réussir à parler d’amour sans tomber dans le sentimental, car je souhaitais conserver mon côté urbain. Il ne fallait pas que j’en perde mon identité musicale. Du coup, ça a été compliqué, mais c’est aussi ce pour quoi j’ai vraiment adoré le faire.
Le truc, c’est que le morceau ‘Yeux Verts’ n’est pas dans mes codes de base. Je n’étais pas assez confiant pour le sortir dès le départ. C’était plus simple avec ‘Gucci Gucci’ car tout le monde adore les marques de luxe, même ceux qui ne peuvent pas se les offrir. C’est un morceau très festif.”
Sur le plan personnel, Dabs nous confie qu’il a dû faire “beaucoup de sacrifices” durant la création de l’album. Ce lot de concessions ne l’a pas dégoûté de l’industrie musicale, bien au contraire, puisqu’il assure : “Celui qui ne veut pas se lasser du rap doit en faire honnêtement. À partir du moment où l’argent devient la principale motivation, ça ne peut pas tenir sur la durée. Ce n’était pas mon cas, j’étais prêt à tout pour réussir.” Plus encore, un rappeur doit selon lui prendre position, à l’instar de Kery James, l’un de ses modèles. C’est ce qu’il a essayé de faire à travers Mainmise, en évoquant la crise des gilets jaunes ainsi que la question de l’inégalité des chances.
Mais le plus difficile pour lui aura été de “trouver un juste milieu”, un équilibre permettant aux amateurs de rap comme à ceux de musiques urbaines de s’y retrouver : “J’ai essayé d’en faire pour tous, en essayant de me créer ma marque de fabrique.” En tant qu’artiste, Dabs est face à un dilemme : ses fans aiment surtout ses morceaux rappés, alors qu’il préfère personnellement ses titres avec des touches de pop urbaine.
Le contre-pied l’industrie musicale
Mais Dabs ne s’est pas réveillé un jour en se disant qu’il souhaitait faire du rap. Ce rêve est le résultat d’un dur labeur entamé quand il avait 12 ans. Ainsi, il n’est pas du tout anxieux quant à la sortie de Mainmise. Sa seule inquiétude est “qu’un jour les fans puissent en avoir marre” de lui. Pour éviter ça, il lui a fallu innover à tout prix. Et pour cela, quoi de mieux que s’associer à Orelsan ?
“Ça faisait plusieurs fois que j’allais voir Orelsan en concert. Puis, on s’est croisé de nombreuses fois au studio. J’écoutais beaucoup ce qu’il faisait, alors un jour je me suis permis de lui demander un featuring, sans vraiment m’imaginer qu’il pourrait accepter. Il a tout de suite été chaud. On savait que les gens seraient surpris car nos univers ne se ressemblent en rien. Je crois qu’on a réussi à créer un beau mélange.”
Aujourd’hui, le rappeur de Sevran ne regrette en rien d’avoir patienté de longues années avant de franchir le cap :
“Avoir mis du temps pour créer mon premier album, ça m’a permis de tâter le terrain et de voir comment réagissaient mes fans à mes morceaux. J’ai aussi pu comprendre un peu mieux l’industrie musicale avant de me lancer. Il y a eu des accidents de parcours bien sûr, mais je suis content que ceux-ci se soient produits avant l’album. Maintenant, je sais à quoi m’attendre.”
Sans vraiment s’en rendre compte, Dabs est à contre-courant d’une mode hip-hop très rapide, presque éphémère. Des albums sortent sans cesse et face à cette quantité monstrueuse de disques, il est difficile de s’absenter longtemps sans se faire oublier. Pourtant, il l’a fait :
“Le monde du rap a beaucoup évolué depuis mes débuts. C’est désormais nécessaire d’être hyperproductif. Moi, je ne voulais pas me précipiter. En France, je pense que c’est Jul qui a instauré cette pression-là. Il a totalement bouleversé le rap français. Avant, avec Rhoff ou Booba, tu pouvais faire tourner un album deux ans d’affilée dans ta voiture, alors que le rap se consomme bien plus vite en 2019. La preuve, deux jours après la sortie de ‘Gucci Gucci’, ma communauté me demandait déjà quand est-ce que je sortirais un nouveau morceau.”
Mainmise est déjà disponible sur toutes les plateformes de streaming.
(© Gedeninee_Krewtv)