Quand vous entendez le nom de Hokusai, vous visualisez peut-être sa célèbre vague écumante s’abattre sur vous. Ou bien vous pensez à la tradition de l’ukiyo-e, ce mouvement artistique japonais du XVIIe siècle dont il était spécialiste. Mais saviez-vous que le célèbre artiste japonais a survécu à un coup de foudre (littéralement) à l’âge de 50 ans et serait un pionnier du manga ? Si non, continuez votre lecture, on rattrape le coup.
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Il s’est fait frapper par la foudre à 50 ans
Vers 1810, Hokusai se fait frapper par la foudre – et il y a survécu. Sauvé d’une mort qu’on imagine douloureuse, l’artiste a vu le cours de sa vie, et surtout, de sa carrière, changer après cet accident puisque c’est dans la seconde partie de sa vie qu’il a réalisé la plupart de ses œuvres les plus célèbres, à l’instar de sa Grande Vague de Kanawaga (1831) et ses Trente-six vues du mont Fuji (entre 1831 et 1833). En 1812, il quitte Edo, son district de naissance, pour voyager à travers le Japon, notamment à Kyoto, durant un an. C’est également à cette époque qu’il change de nouveau de nom (il a été connu par une trentaine de patronymes au cours de sa vie), passant de “Hokusai”, un nom qui signifie “atelier du nord”, en hommage à l’étoile polaire, à “Taito”, un patronyme qui le bénit des étoiles de façon générale.
Hokusai, Kajikazawa dans la province de Kai, 1830-1832. (© Metropolintan Museum of Art, New York)
Il aurait inspiré le mouvement impressionniste
Extrêmement prolifique, Hokusai aurait réalisé environ 30 000 œuvres au cours de sa (longue) vie. Certaines d’entre elles auraient rapidement voyagé à travers le monde et se seraient retrouvées entre les mains de Claude Monet, qui s’en serait inspiré, tout comme Edgar Degas, qui aurait déclaré : “Hokusai n’est pas qu’un artiste parmi tant d’autres du monde flottant [l’ukiyo-e, ndlr]. Il est une île, un continent, un monde à lui tout seul”, rapporte la maison d’édition Phaidon. Les impressionnistes se seraient inspiré·e·s de l’attrait pour la représentation de la nature des artistes de l’ukiyo-e, de leurs compositions et de leur usage fanfaronnant de la couleur pour sublimer les merveilles des paysages qui les entouraient.
À gauche : Hokusai, Vent frais par matin clair, 1829-1833. À droite : Paul Cézanne, Montagne Sainte-Victoire, 1904-1906. (© Metropolitan Museum of Art, New York ; © Collection Bührle)
Il serait un mangaka précurseur
En 1814, Hokusai débutait la réalisation de sa Manga, un “ensemble de quinze volumes réunissant plus d’un millier de dessins illustrant la vie quotidienne, la faune, la flore, des paysages et toutes les facettes de l’imaginaire japonais lié au surnaturel”, détaille les éditions Hazan. Ces dessins, remplis d’humour et d’éléments aussi prodigieux que spirituels, sont considérés comme une pierre angulaire de la tradition du manga. Tout comme les célèbres mangakas de nos jours, Hokusai dédiait sa vie à son œuvre : il publia ses quinze volumes sur 64 ans. Bien que l’artiste ne soit pas “l’inventeur de ce type de croquis, très prisés des Japonais”, note le Grand Palais, le peintre fut “le premier à en entreprendre la publication systématique et à populariser le genre”.
Hokusai, La foudre s’abat sur Virūdhaka et le tue, tiré du projet “Banmotsu ehon daizen zu”, entre 1820 et 1840. (© British Museum)
Il s’est fait virer de son école
À ses 33 ans, son maître Katsukawa Shunshō, dont il avait intégré l’atelier à ses 18 ans, décède. Après une quinzaine d’années passées à suivre les pas de son maître dans la tradition de l’ukiyo-e, Hokusai s’émancipe et s’inspire de styles différents, originaires notamment d’Europe. Ces originalités ne plairont pas au disciple de son maître disparu, et Hokusai (qui se fait alors appeler “Shunrô”) est exclu de son école. Si les conséquences financières sont difficiles pour le jeune peintre, cette séparation lui permettra d’affiner son style et ses envies, parfois jugées comme peu conventionnelles.
Hokusai, Autoportrait, 1845. (© Musée du Louvre, Paris)
Il est l’auteur de célèbres shungas érotiques
Les représentations d’actes sexuels font partie intégrante de l’histoire de l’art japonais, sous la forme des shungas notamment, des gravures érotiques qui présentent rarement des corps nus tant ces derniers ne sont pas sexualisés. Un des shungas de Hokusai a marqué le patrimoine iconographique japonais : son Rêve de la femme du pêcheur, réalisé en 1814. On y voit une femme allongée et enlacée par les tentacules de deux pieuvres.
La plus grosse lui fait un cunnilingus tandis que la seconde l’embrasse langoureusement. La femme est dénudée, faisant donc de l’estampe une exception des shungas. Représenter une relation entre une femme et une pieuvre n’était pas une première en 1814, Hokusai se serait inspiré de la légende de la princesse Tamatori. Au fil des époques, cet imaginaire animiste particulier a été réutilisé par des artistes, à l’instar d’Auguste Rodin ou Ren Hang.
Hokusai, Le Rêve de la femme du pêcheur, issu du recueil “Kinoe no Komatsu”, 1814.
C’était un sacré cachottier
Une petite vingtaine d’années avant sa mort, on croyait l’artiste quelque peu coincé dans une impasse créative, épuisé par la ruine (causé notamment par les dettes de jeu de son petit-fils), sa longue carrière et, qui sait, son coup de foudre. En réalité, en 1829, Hokusai s’était pourtant lancé dans la réalisation d’une encyclopédie illustrée intitulée Banmotsu ehon daizen zu (“Le Grand livre d’images de tout”). Pour des raisons inconnues, l’ouvrage n’a jamais vu le jour et les 103 dessins préparatoires sont restés en l’état, ne passant jamais par le processus d’impression au bloc de bois (une technique d’impression par presse depuis des blocs de bois sculptés répandue dans l’Asie de l’Est jusqu’au XIXe siècle) qui les aurait détruits.
Hokusai, Des chats et un hibiscus, tiré du projet Banmotsu ehon daizen zu, entre 1820 et 1840. (© British Museum)
Après un siècle passé, semble-t-il, à voyager entre le Japon et la France, les dessins avaient disparu des radars en 1948, lors d’une vente aux enchères parisienne. C’est en 2019 que les œuvres ont refait surface – avant d’être acquises par le British Museum en 2020. La centaine d’images donne à voir “des scènes de l’Inde bouddhiste, de la Chine ancienne, et du monde naturel”, précise Hyperallergic. On retrouve la finesse et l’expressivité des traits de Katsushika Hokusai ainsi qu’une ouverture sur le monde du Japon du XIXe siècle.
“Les raisons pour laquelle ces dessins n’ont jamais été publiés sont troubles mais elles marquent un tournant dans la carrière de l’artiste âgé alors de 70 ans, prouvant qu’il entrait en fait dans un nouvel élan créatif qui donnerait bientôt naissance à une de ses séries les plus célèbres Trente-six vues du mont Fuji (1831-1833)”, rapportait alors le musée britannique.
Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa, 1820–1831. (© British Museum)