Peut-on apprécier le troisième volet le plus attendu de tous les films Spider-Man sans être ni un grand connaisseur ni un fan de l’univers ? Je me souviens des films enchanteurs de Sam Raimi, de l’aisance de Tobey Maguire, de l’amazing Andrew Garfield qui se prenait les pieds dans le tapis de deux films moyens, mais l’idée même de revoir trois fois la même histoire ne m’était franchement pas indispensable, à l’exception près qu’il est toujours intéressant de voir comment chaque cinéaste réussit, ou pas, à raconter les mêmes grosses ficelles de l’origin story du super-héros culte qu’est l’Homme-araignée.
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C’est dans cet esprit que je suis allé à une projection du nouveau film de Jon Watts, responsable en chef du nouveau reboot de la saga depuis Spider-Man: Homecoming (2017), de retour cette semaine après un deuxième film énervant de médiocrité et un premier gentillet.
Et pendant le premier tiers de ce No Way Home, rien n’indique un quelconque changement : après ses aventures européennes, Peter Parker est harcelé, son identité ayant été révélée à la fin du précédent volet par Mystério (Jake Gyllenhaal). Spider-Man est alors décrié comme loué au sein de son école, et une certaine idée de comment la cancel culture aurait lieu dans le monde des super-héros nous est proposée.
Sur cette couche qui sent l’actualité, rien ne change, rien ne bouge, les scénaristes Chris McKenna et Erik Sommers y ajoutent l’humour fébrile des deux premiers films.
Le deuxième tiers laisse place à un univers convenu car attendu au regard des bandes-annonces : par sa faute, une flopée de méchants vient déranger Spider-Man, après avoir créé de manière non intentionnelle, et pour se faire oublier de tous, un multiverse invitant certains monstres des deux franchises précédentes. On croise ainsi Dr. Octopus (Alfred Molina), Electro (Jamie Foxx) ou encore Le Bouffon vert (Willem Dafoe) et l’Homme-sable (Thomas Haden Church), comme des réminiscences des mises en scène de Sam Raimi et de Marc Webb.
Du reboot au multiverse, il n’y a qu’un pas
Arrive alors le dernier tiers, moment décisif du film : soit le long-métrage s’empêtre dans un micmac de références, de petites blagues remontant à l’an 2002 ; soit il décide de jouer avec le feu de ses personnages, leurs histoires, leurs passés, sans jamais surligner leurs traits. Et c’est la seconde option qui coule dans les veines de Spider-Man: No Way Home, tant le respect des scénarios anciens n’est pas utilisé comme une manière de faire du fan-service, soit l’art de faire des clins d’œil incessants à des spectateurs connaisseurs d’une longue suite et série d’histoires.
En résulte au contraire une émotion, teintée de nostalgie, de naïveté, et d’une légèreté qui ne transpire pas le cynisme ni l’envie de plaire à un certain public, à travers un rythme nouveau, semblant ralentir la machine. Disney a osé, Marvel l’a fait : s’inspirant du magnifique Spider-Man: New Generation (2018) et de sa mise en scène décomplexée, Hollywood semble ici avoir trouvé la solution à ses atermoiements scénaristiques, juridiques et financiers. La logique des mondes parallèles est idéale, elle explique tout, englobe les aventures, sans jamais donner tort ou raison, artistiquement, à quiconque.
Et même si certaines ficelles vous empêcheront de voir l’écran, on ne peut que défendre cette prise de risques en live action, un défi qui fait miroiter une partie de l’histoire de la pop culture et de ses super-héros, à travers une toile sans commune mesure.
Avec No Way Home, l’alliance entre Sony et Marvel porte enfin de nouveaux fruits intéressants, et touche non pas par ses scènes d’action parfois engoncées dans un magma d’effets spéciaux, mais par l’authenticité de relations nouvelles, sans avoir besoin de treize films pour comprendre que l’union fait toujours la force.