Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur.
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Coupez !, c’est quoi ?
Depuis sa sortie, nous n’arrêtons pas de vous parler de Ne Coupez Pas ! de Shin’ichirô Ueda, cette comédie de zombies japonaise qui cassait les codes, et qu’on vous a recommandée ici et là. Il est rare de voir des films d’horreur drôles et inventifs qui marquent autant les esprits que les rétines. C’est le cas de Ne Coupez Pas !, en grande partie grâce à l’originalité de sa structure narrative coupée en deux, qu’on ne spoilera pas, car c’est la surprise qui rend le tout aussi intéressant.
Coupez ! est donc son remake français, réalisé par Michel Hazanavicius. Une adaptation portée par un casting costaud, à savoir Romain Duris, Bérénice Bejo, Matilda Lutz, Finnegan Oldfield, Grégory Gadebois, Jean-Pascal Zadi, Raphaël Quenard, ou encore Luàna Bajrami. Et en vous en disant le moins possible, disons qu’au tout départ, le film raconte le tournage d’un film de zombies, sans sou, en plans-séquences, où de vrais zombies débarquent.
Pourquoi c’est bien ?
On va se tenter à analyser le long-métrage sans trop en dire. Forcément, la comparaison avec Ne Coupez Pas ! sera centrale. On ne peut que vous conseiller de faire demi-tour si vous n’avez vu ni l’original ni cette version, et que vous souhaitez avoir la découverte du principe en salle.
Vous êtes prévenus.
S’il y avait un remake que l’on trouvait casse-gueule, c’était bien celui-là. Le film d’Ueda est imbibé d’un héritage de série Z japonaise, né dans un moule de production propre au septième art dudit pays. Comment l’adapter au marché français ? Comment faire accepter aux spectateurs que l’on va voir un navet à l’ADN nippon ?
Le parti pris d’Hazanavicius est malin : le personnage de Romain Duris doit adapter le fameux film en live qui a été fait dans le film original, Ne Coupez Pas !. On le voit lire le scénario, et regarder le long directement. Et il doit absolument faire une adaptation fidèle. Cela lui permet aussi d’intégrer des éléments très concrets du premier, comme le retour de la productrice, qui impose les prénoms japonais. Mais Hazanavicius a l’intelligence d’éviter le copier-coller bête et méchant.
Ainsi, la première partie partage certains gags avec sa source d’origine, mais en contient bien plus. Surtout, en accentuant le côté raté, le message est totalement différent. Là où dans le film japonais, on a l’impression de voir une invasion (fauchée) de zombies, dans la version française, on comprend tout de suite que c’est faux. Et pour ça, il s’ajoute pas mal de difficultés supplémentaires. Tenir 30 minutes d’un vrai plan-séquence est complexe, mais si on y ajoute des changements de ton, de registre, de la fausse improvisation ou de la lecture très proche du texte, ça devient coton. Et au final, le film est plus drôle dans sa première partie que l’original, d’une certaine manière.
Dans sa deuxième partie, Hazanavicius s’amuse et ajoute des trames supplémentaires, des intrigues inédites. La relation avec sa fille est très franchement développée, et on ne peut s’empêcher d’adorer tout ce qui entoure le personnage du compositeur joué par Jean-Pascal Zadi. Tout ça — et nous disons cela sans aucun mépris pour l’original — en insufflant dans la deuxième partie une vraie mise en scène. Il travaille son montage et son cadrage, se permet un autre gros plan-séquence (comme si le premier ne lui avait pas suffi), s’amuse sur le rythme comique (les séquences où Duris court). Bien plus que dans l’original. Voir une comédie française chercher autant à être dans du pur cinéma est toujours un réel plaisir.
D’autant plus que de la part d’Hazanavicius, ce n’est pas anodin. Ce dernier a toujours mêlé le fond et la forme, ne prenant jamais la comédie comme un art mineur. Et bien qu’il s’agisse d’une adaptation d’un récit japonais, le film s’incorpore parfaitement dans la filmographie de son artiste. Après tout, ce dernier a toujours aimé parler de cinéma — The Artist, OSS 117 et Le Redoutable en sont la preuve la plus frontale. Le Prince oublié est également une déclaration d’amour aux récits racontés, et sans parler de La Classe Américaine.
Peut-être plus encore dans l’original, le film est une ode aux personnes derrière la caméra, à la débrouille géniale d’une équipe qui essaye de créer du cinéma. Et ce n’est pas parce que ton film est raté que tu n’avais pas les meilleures intentions du monde. Et de le rappeler, surtout à Cannes où les critiques sont parmi les plus durs, cela ne nous semble pas anodin.
On retient quoi ?
L’actrice qui tire son épingle du jeu : Bérénice Bejo, clairement.
La principale qualité : Une originalité assez remarquable.
Le principal défaut : Peut-être un peu trop long ?
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Panic sur Florida Beach de Joe Dante, Ed Wood de Tim Burton, The Disaster Artist de James Franco, les films de zombies japonais un peu nazes, et Ne Coupez Pas ! de Shin’ichirô Ueda, bien sûr.
Ça aurait pu s’appeler : “Fauché”, mais en vérité, Coupez ! est un très bon titre.
La quote pour résumer le film : “Qui a dit qu’on ne savait pas faire du cinéma de genre en France ?“