Antoine est réalisateur, Julien est skateur. À eux deux, ils ont confectionné Restless Child, un court-métrage pas comme les autres sur l’hyperactivité au royaume de la planche à roulettes. Rencontre.
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Julien Malguy est un skateur qui vit à Paris. Sa planche, c’est ce qui semble être le prolongement de ses jambes. Impossible de s’en détacher, impossible de ne pas aller d’un endroit à un autre sans tracer sa route, impossible de ne pas voir dans des potentiels obstacles des projets de créativité.
Pendant près de six mois, Antoine Bunel, caméra en main, s’est attaché à suivre Julien, un skateur pas comme les autres, car hyperactif. Six mois à dérouler du béton de la Défense à la place des Fêtes. Le résultat est un court-métrage de plus de 11 minutes intitulé Restless Child, dont le réalisateur a bien voulu nous parler.
“J’ai choisi de réaliser ce projet car j’aime raconter des histoires, notamment quand elles sont authentiques. J’apprécie énormément les vidéos de skate que je consomme quotidiennement. Ce qui me fait kiffer, c’est d’en savoir plus sur les riders, comme peut le faire Patrick O’Dell avec Epicly Later’d par exemple.
Lorsque je me suis lancé dans le projet, je ne pensais pas traiter le sujet de l’hyperactivité. Je connaissais Julien comme le type sympa avec qui tu partages des sessions. Je le voyais défoncer les spots durant des heures et dans tous les sens, jusqu’à l’épuisement. C’est d’abord son authenticité qui m’a plu.
Il correspondait parfaitement à ce que je recherchais et j’ai compris qu’il avait, derrière les apparences, une vie bien remplie et surtout différente de la plupart des personnes que j’ai pu rencontrer. L’idée est donc simplement venue du fait que j’ai été captivé par le personnage et que je venais d’acquérir du nouveau matos vidéo. Avec son accord, j’ai décidé de le suivre durant six mois. Chez lui, à la Défense et dans ses voyages en France.
“L’aspect de l’addiction est intéressant, car l’addiction est source de vice. Si le mec ne parvient pas à avoir sa dose, il vrille”
J’ai trouvé ça génial de pouvoir échanger librement avec lui à propos de l’hyperactivité. Ça ne lui pose aucun problème et, du coup, c’est agréable et enrichissant autant pour l’un que pour l’autre. Je crois qu’inconsciemment on se libérait de nos ennuis et de nos difficultés lorsqu’on évoquait le sujet.
Lors du passage du flip back (figure qu’il répète des dizaines de fois dans la vidéo), il l’explique lui-même : ‘On ne sait pas d’où vient cet acharnement.’ Mais une fois que tu mets ton trick, t’es libéré. C’est pareil pour bien d’autres choses : la satisfaction naît après l’effort.
Je crois qu’il fait du skate non seulement car il aime ça, mais aussi parce qu’il en a besoin. Et c’est l’aspect de l’addiction qui devient intéressant car l’addiction est source de vice. On comprend dans le portrait que si le mec ne parvient pas à avoir sa dose, il vrille. Je pense qu’on est pas mal à partager ça. Et ça n’est pas valable que pour les skateurs”.
Côté production du court-métrage et perception du résultat, Antoine précise :
“On s’est bien marrés et on a partagé des trucs particuliers. Je ne me suis pas trop fixé de limites avec la caméra. Je crois que parfois, et surtout au début, il se posait des questions sur mon projet. Genre : ‘Pourquoi est-ce qu’il filme quand je déménage ?’ Comme tout bon skateur, Julien aime qu’on montre ses gros tricks. C’était pas ça mon intérêt premier, et au final il laissait les choses se faire. Il s’est tout simplement adapté à la caméra, ou il n’en avait juste plus rien à foutre.
Restless Child, c’est pas une vidéo de skate. On est loin des standards actuels du genre : vidéo courte, shootéé à la VX, skateur stylé/reconnu, tricks à la mode, etc. C’est pas ce que je recherche. Je tourne en HD, c’est hyper-contraignant, mais ça apporte une autre dimension.”
Et de conclure, à propos de “l’esprit skate” :
“Je suis persuadé que le skate est l’une des meilleures façons d’exorciser, et surtout de rester vrai face au théâtre télévisuel, médiatique, gouvernemental, et j’en passe. C’est juste un outil, comme beaucoup d’autres, qui permet de se focaliser et de persévérer sur un objectif que toi seul connaît. Curieusement, je crois que la chose la plus incontestable, c’est bien la connerie. Le skateboard est le meilleur copain pour ça.”