Présenté au Festival de Sundance 2023 et célébré par la critique, Fair Play a été acquis par Netflix pour la somme de 20 millions de dollars, à l’issue d’une compétition intense pour l’obtention de ses droits. S’il n’a pas atteint le record de 25 millions de dollars pour un film vendu à Sundance, établi par CODA lorsqu’il fut acheté par Apple en 2021, il a cependant dépassé la barre des 17,5 millions de dollars déboursés par Amazon en 2020 pour acquérir Palm Springs.
À voir aussi sur Konbini
Bien inspirée fut la plateforme puisque le film — certainement dopé par sa qualification de thriller érotique déconseillé au moins de 16 ans qu’il n’est pas vraiment — est toujours dans le top 10 des contenus les plus vus dans huit pays mais aussi en France où il est 9e sur le podium, dix jours après sa mise en ligne, selon les chiffres communiqués par Netflix.
Sur fond de film estampillé Wall Street au goût de déjà-vu, l’Américaine Chloe Domont, qui signe ici son premier long-métrage, veut ausculter les rapports de pouvoir dans le couple. Après avoir été promue dans le fonds d’investissement où elle travaille avec son fiancé, Emily (Phoebe Dynevor), va être prise dans une spirale de culpabilité face à sa jalousie, rapidement infernale et dangereuse quand la fragilité masculine de Luke (Alden Ehrenreich) va devenir toxique et violente.
De ce dispositif qui décortique les enjeux de domination au sein de la sphère intime en les transposant au cœur de la sphère professionnelle la plus compétitive qui soit — la finance — aurait pu résulter une implacable démonstration de la domination masculine. Mais cette bascule, qui pousse les curseurs de la toxicité au maximum, manque de subtilité psychologique pour vraiment convaincre.
Ni vraiment érotique — hormis une scène de sexe et de menstruation très réussie qui ouvre le film — ni vraiment thriller, Fair Play peine à être véritablement percutant et souffre de la réputation pseudo sulfureuse qui le précède, brouillant ainsi son message.
Voici donc cinq autres films qui ont relevé le défi d’autopsier les rapports de pouvoir dans le couple haut la main.
Anatomie d’une chute de Justine Triet
Sorti il y a quelques jours dans les salles américaines et présenté au TIFF aux côtés d’Anatomie d’une chute, Fair Play souffre de la comparaison, les enjeux étant quasi-identiques. Mais chez Justine Triet, l’autopsie et à la reconstitution de la chute funeste livre, en creux, la plus passionnante des anatomies de couple, ici sur la place publique.
Dans ce millefeuille admirablement écrit et en transcendant le film de procès duquel il se revendique, Anatomie d’une chute évoque tour à tour les inégalités, la réussite, le sacrifice et la trahison sans montrer, seulement par la parole.
Anatomie d’une chute est actuellement au cinéma.
L’Économie du couple de Joachim Lafosse
Du côté des Belges, Joachim Lafosse, qui se plaît à sonder la perversion des rapports humains et amoureux, a filmé la désintégration d’un couple en quasi huis clos et en plans-séquences dans une maison qui jouait le rôle central du film. Cette maison, c’est Marie qui l’entretient avec son salaire et l’argent de sa famille, mais c’est Boris qui l’a améliorée avec son habileté manuelle.
Le réalisateur focalise tout son propos autour de cette maison, de l’argent contre le temps investi, qui bientôt deviendra le théâtre de toutes les lâchetés, les bassesses, les humiliations mais aussi les espoirs de réconciliation dans une chronique d’un divorce imparable.
L’Économie du couple est disponible en VOD.
Malcom et Marie de Sam Levinson
Réalisé en pleine pandémie de Covid-19 qui a conduit de nombreux couples à la rupture et avec des moyens limités, Malcom et Marie s’est donc adapté à son dispositif particulier et observe, dans un nouveau huis clos californien cette fois, le délitement d’un couple une nuit durant sur fond de guerre d’ego, imaginé à partir d’une anecdote personnelle et bien réelle.
Lui est un metteur en scène enfin reconnu, ragaillardi après une première réussie et une critique élogieuse. Elle est sa femme, elle est actrice et veut comprendre pourquoi il ne l’a pas citée dans son discours de remerciements et surtout, pourquoi il ne lui a pas confié le rôle de l’ancienne toxicomane qu’elle lui a pourtant inspiré. Au petit matin de cette nuit de la vie conjugale, tout aura été dit, pour le meilleur et pour le pire.
Malcolm et Marie est sur Netflix.
Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick
Pour dernier film, sorti à titre posthume, Stanley Kubrick, décédé à la fin du montage, séquestrait Nicole Kidman et Tom Cruise — en couple à la ville — dans un tournage d’une année où ils interprétaient une couple de new-yorkais bourgeois marié depuis dix ans. Lorsqu’Alice retirera la première brique de l’édifice de leur couple en confessant à son mari ses fantasmes d’adultère, elle entraînera ce dernier dans un désir de vengeance disproportionné.
Ainsi, Kubrick sondait le mythe du couple jusqu’au plus profond de sa psyché et ses déviances dans un portrait troublant et envoûtant de la complexité du désir, entre secret et pouvoir, où la tension servait magnifiquement la lubricité.
Eyes Wide Shut est actuellement disponible sur MyCanal et Amazon Prime Vidéo.
Decision to Leave de Park Chan-wook
Le cadavre d’un retraité tombé du haut d’une falaise et une veuve plus jeune, assez peu chagrinée : sous l’enquête policière, Park Chan-wook auscultait le désir nourri par le détective en charge de l’affaire pour la principale suspecte dans un jeu dangereux qui mettait en péril la carrière du détective Hae-Joon.
Polar amoureux et non thriller érotique, Decision to Leave ménageait un sens du suspense hitchcockien duquel se revendique parfois Fair Play pour nourrir son analyse sinueuse de l’obsession masculine.
Decision to Leave est actuellement disponible sur MyCanal.