Après 20 dates en France et en Belgique, Orelsan a brillamment clôturé sa tournée “La fête est finie” au Dôme de Marseille.
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Dire que le dernier album d’Orelsan a fait un triomphe serait un euphémisme. Sorti en octobre dernier, La fête est finie est déjà quadruple disque de platine (avec plus de 400 000 exemplaires vendus) et il a rapporté à son auteur trois Victoires de la Musique. Bref, neuf ans après Perdu d’Avance et sept ans après Le Chant des sirènes, on peut dire sans trop se tromper que le rappeur de Caen est au sommet de son art. Et ce ne sont pas les 8 000 personnes venues le voir dans l’emblématique Dôme de Marseille, le mercredi 28 mars, qui diront le contraire. Comme on y était, on vous raconte.
Ouverture des portes à 18 heures. L’attente sera longue, mais le jeu en vaut la chandelle. Je suis en première ligne pour assister à un show qui s’annonce déjà mémorable. Mais avant d’accueillir ce grand monsieur du rap, le public a pu s’ambiancer au son de Phazz.
Un homme à première vue inconnu au bataillon, mais qui est en fait l’un des principaux beatmakers du dernier album d’Orelsan, aux côtés de Skread. Mais si le jeune producteur est là, c’est pour défendre son univers, via une setlist de 30 minutes faite de titres quasi exclusivement composés pour la tournée. Seul bémol de cette première partie : Diamond Deuklo, le crooner mélancolique et éternel compagnon des Casseurs Flowters, ne sera pas de la partie – alors qu’il était pourtant présent sur quelques-unes des dates précédentes.
Vous n’avez pas les bases
Quoi de mieux pour lancer le show que de commencer sur le titre d’ouverture du dernier album, “San” ? Les premières notes de piano retentissent, c’est l’heure. Orel commence enfin son office. Sa voix résonne dans un Dôme déjà en feu, mais l’artiste n’apparaît pas immédiatement. Après son premier couplet, une grande toile tombe et le rappeur de Caen se montre enfin, tel un messie, au sommet d’une scène qui semble flotter. La salle est en ébullition.
Malgré ça, l’artiste tout de noir vêtu (dans des fringues de sa marque Avnier) affirme que son public n’a pas les bases. Pour pallier le problème, il enchaîne donc avec son morceau “Basique”. Ensuite, histoire de peaufiner ces bases sûrement acquises, Orel performe quelques-uns des titres intemporels de son premier album. D’abord son premier hit, “Différent”, puis “Jimmy Punchline” et enfin “Courez, courez”. Force est de constater que ses morceaux n’ont pas pris une ride.
Après quoi, retour sur La fête est finie. En ce mercredi après-midi, le soleil était de sortie à Marseille, mais le Normand a tout de même préféré apporter “La Pluie” dans le Sud. Malheureusement, Stromae, qui avait fait l’honneur de sa présence sur scène pour interpréter son refrain à Bruxelles, n’a pas fait le déplacement. Ce n’est pas grave car le public s’est employé à chanter le refrain à tue-tête. Orelsan est seul mais en communion avec son public – et ça fait plaisir.
Et comme après la pluie vient le beau temps, Orel s’est enflammé avec son morceau “Zone”. Forcément, à la fin de son couplet, les fans espèrent tous voir débarquer Nekfeu et Dizzee Rascal, comme ce fut le cas deux jours plus tôt à Paris lors de son concert à l’AccorHotel Arena, mais rien. Aurélien Cotentin est visiblement parti pour faire cavalier seul.
Enfin presque, car il a en effet pu compter sur la présence de son fidèle live band pour l’épauler : son producteur Ablaye pour backer et faire le show à ses côtés sur quelques morceaux, son beatmaker fétiche Skread, un batteur, un bassiste et claviériste présenté comme “l’homme le plus funky du monde”, sans oublier ce cher Phazz, qui en plus d’assurer la première partie était aussi aux instruments.
Seule absence regrettable : l’autre moitié des Casseurs Flowters, Gringe. Le natif de Poitiers ne l’a pas non plus suivi jusqu’à Marseille, alors qu’il était monté sur scène à Paris deux jours plus tôt. Sans doute est-il resté dans la capitale afin d’apporter les dernières touches à son album solo Enfant lune, à paraître cette année. Mais le public s’est quand même amusé. Demandez donc à Ablaye, qui s’est pointé avec un canon à T-shirts, pour le plus grand plaisir des fans avides du merch de leur rappeur préféré.
Avant de rendre hommage à Caen en interprétant “Dans ma ville on traîne”, le rappeur n’oublie pas de saluer la ville qui l’accueille ce soir-là. Dans son élan, il précise d’ailleurs que c’est la cinquième fois de sa carrière qu’il joue à Marseille, mais la première fois au Dôme. Après ce moment d’échange avec son public marseillais, l’artiste va monter d’un cran dans l’émotion en interprétant son morceau “Paradis”, son ode amoureuse à sa petite amie. Tout s’enchaîne, et il est temps pour lui de raconter des mythos aux enfants avec son single “Tout va bien”, porté par la magnifique mélodie de Stromae.
Nous sommes déjà à la moitié du show et Orel, décidément on fire, continue de déballer son répertoire avec “Bonne meuf”. Avec en arrière-plan des images de figures féminines de mangas, il va, comme pour ses précédentes dates, garnir son morceau de sa version alternative, “Adieu les filles”, avant d’enchaîner sur “Christophe”. Maître Gims, qui l’accompagne sur le morceau, n’est pas sur scène mais sur un écran géant pour balancer son couplet.
Le chevalier s’éclipse alors quelques instants. Le public se met donc à l’appeler en scandant haut et fort “Aurélien, une chanson, Aurélien, une chanson !”. “Tiens, c’est marrant, ça me rappelle le début d’un morceau”, répond Orelsan. Vous l’avez deviné, il s’agit bien de “Défaite de famille”, que le public réclame depuis le début. Mais au départ, il ne voulait pas la chanter, car il paraîtrait que sa fameuse “tata crevarde” habite Marseille et serait dans la salle. Qu’importe, la pression des fans est trop forte et le rappeur va finalement lâcher son “p’tit rap”. Au diable les représailles !
Au moment où il termine le morceau par “mamie je t’aime”, celle-ci apparaît à son tour sur l’écran géant. Mamie Janine joue le jeu et va même s’autoriser quelques échanges avec le public. La transition est toute trouvée, le petit-fils va entonner le morceau cosigné avec sa mamie adorée, “J’essaye, j’essaye”, extrait de la bande originale du film Comment c’est loin. Ce sera le seul morceau des Casseurs Flowters ce soir-là. Mais qu’importe, on a dépassé l’heure de show, et le plaisir est intact. L’artiste se met ensuite à chanter “Quand est-ce que ça s’arrête ?” Pour ma part, je n’en ai pas envie de le savoir.
Tout d’un coup, l’ambiance devient pesante et le rappeur va continuer sa performance avec son morceau le plus fort, “Suicide social”. Évidemment, au moment où il remet à leur place les Sudistes, il joue le jeu à fond, crache par terre et lâche un gros doigt d’honneur à son public marseillais. Quelqu’un a parlé d’Actors studio ? Orelsan est d’ailleurs tellement en transe en jouant ce morceau qu’il va même se casser la voix sur la fin. C’est ce que l’on appelle rapper avec ses tripes.
Le rideau tombe et Orel quitte la scène, à défaut de ne pas avoir quitté ce monde. La scénographie nous montre ensuite une courte vidéo dans laquelle le chevalier de l’apocalypse Raelsan débarque sur Terre. Son vaisseau s’ouvre et le rappeur aux lunettes noires a repris de la hauteur sur sa scène volante. Le moment est épique.
Nous arrivons vers la fin et le rappeur de Caen annonce son dernier morceau. Celui-ci sera, en toute logique, celui qui ferme son dernier disque, “Notes pour trop tard” – un titre dans lequel l’artiste nous régale de sa sagesse et de sa maturité. Une fois son message diffusé, il retourne en backstage. Mais comme vous vous en doutez, la fête n’est pas encore tout à fait finie.
Porté par les applaudissements du public, notre héros du jour va effectuer son encore en enchaînant ses titres “Le Chant des sirènes”, “La Terre est ronde” et (puisqu’une piqûre de rappel ne fait jamais de mal) “Basique”. La fosse part en pogo et le show finit en apothéose. Revenir aux bases pour boucler la boucle aurait pu suffire à Orelsan, mais avant d’aller prendre l’air le long du Vieux-Port, il va revenir une ultime fois pour interpréter son morceau préféré de son album : “La fête est finie”.
Sauf que cette fois, la fête est définitivement finie. Orelsan, infatigable et en symbiose avec ses fans, vient d’assurer presque deux heures de show. Au final, on pourra regretter l’absence de guests dans ce concert peut-être un poil trop millimétré. Il est vrai que pour cette ultime date, j’aurais souhaité une ou deux surprises qui auraient pu garantir un véritable bouquet final digne de ce nom. En définitive, Marseille a eu droit à un concert simple, basique… mais diablement efficace.
Toujours est-il que voir Orelsan arborer un large sourire après chacun de ses morceaux fait plaisir – comme une preuve que cet artiste longtemps torturé a finalement trouvé la clef de son épanouissement humain et artistique.