J’ai un rêve, c’est celui de raconter l’histoire qui me trotte dans la tête et accompagne mes pensées depuis que j’ai 10 ans : les fantastiques aventures de Slim Pickens, jeune garçon sans super-pouvoir dans un monde où tout le monde en possède. Au fur et à mesure des années, des expériences, des lectures et des différentes découvertes, cette fantastique saga de fantasy s’est développée, précisée et peaufinée. Mais toujours dans ma tête. Toujours des bouts d’histoire que je raccommodais dans mon esprit, sous la douche ou avant de dormir.
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À un moment, il fallait sortir cette histoire, il fallait que Slim Pickens s’échappe et existe. D’un côté pour ne plus avoir peur de l’oublier, et de l’autre pour ne pas que mon cerveau explose. Alors, j’ai décidé d’en faire une série de romans. Voilà, c’était parti. J’ai posé les bases de mon univers, j’ai agrémenté mon lore de frises chronologiques, de cartes et j’en ai ressorti une dizaine d’intrigues que je souhaitais approfondir. Ne restait plus qu’à me lancer dans la partie la plus difficile : écrire le bordel.
Se mettre à écrire, c’est chaud sa mère
Le truc quand il s’agit d’écrire un roman, c’est qu’il faut une régularité en béton. À Paris, entouré de mes potes, de ma famille, des sollicitations sociales, virtuelles et vidéoludiques, je n’ai à aucun moment trouvé le temps et l’énergie pour écrire. Je n’ai clairement pas su me discipliner.
De plus, à chaque fois que je réussissais à me caler devant mon ordinateur, le sang bouillant et mon imaginaire débordant, prêt à accoucher dans la nuit d’un Goncourt, la moindre phrase un tant soit peu satisfaisante me demandait cinq litres de sueur et 15 minutes de scrolling sur Insta. Au bout de quelques mois, j’avais l’ébauche d’un plan, quelques débuts de chapitres, plusieurs scènes écrites avec les pieds, et rien que je n’osais montrer à mon entourage.
Puis, il y a eu cette chanson, et ces mots d’Alain Damasio, le numéro 10 de la science-fiction, le MVP de la dystopie, le BG qui a écrit le chef-d’œuvre La Horde du Contrevent.
“Bon, en vérité, ce n’est pas un élément particulier qui a effacé d’un coup mes insécurités. Car la vie ce n’est pas un film. C’est plutôt un processus complet de discussions, de podcasts, d’introspection et de temps qui m’ont permis de prendre la décision de partir. Mais pour que cet article ait plus d’impact, on va dire que cette chanson m’a libéré.”
Le maître avait parlé. Alors, j’ai pris mes cliques et mes claques, des vêtements pour un mois, mon jogging préféré, quelques affaires de sport et je suis parti dans un petit appartement du centre de Condom, petite bourgade ensoleillée du sud de la France, à 45 minutes en car d’Agen, la ville où il y a les pruneaux. Le projet “isolé pour mieux bosser” était lancé.
La petite astuce qui fait plaisir : avant de partir début septembre, j’ai annoncé à mon entourage que je reviendrai à Noël avec un livre terminé. L’engagement moral, ou la pression sociale, ne fonctionne pas pour tout le monde, mais pour moi si.
Un esprit sain dans un corps sain
Pour mettre en place ma routine, j’ai d’abord coupé tous mes réseaux sociaux. Le matin, je débutais ma journée en écrivant de 9 heures à 13 heures. Le but était d’écrire un maximum, de faire avancer mes personnages sans m’arrêter ni me relire. Lors de cette matinée, je ne mangeais pas et buvais uniquement de l’eau. De 13 heures à 14 heures, c’était le déjeuner devant deux à trois épisodes Friends, afin de refroidir la machine que devenait mon esprit. Puis, pendant deux heures, je me remettais à écrire, épuisant alors mes dernières forces dans la bataille. Après six heures d’écriture, j’avais l’impression d’avoir essoré mon cerveau.
Venait alors le temps de sortir : trente minutes de marche, une heure de salle de sport, et encore trente minutes de marche, le tout sur les bords de la Petite Baïse, la rivière traversant Condom, sous un ciel dégagé et ensoleillé, prouvant que l’automne dans le Sud n’est qu’un prolongement de l’été. À l’aise. La tête vide, je rentrais chez moi. Le soir, c’était comme au restaurant, j’avais le choix de l’activité, selon mes envies et mon énergie. Souvent, j’écrivais une scène importante de mon livre, parfois, je relisais quelques chapitres, et rarement, je lançais un petit film ou des parties en classé sur Magic: The Gathering Arena. Étrangement, ce moment de détente a apporté pas mal de scènes écrites dont la narration a encore tout à envier aux plus grands écrivains.
Merci à Magic: The Gathering Arena et au Magic World Championship XXVII d’avoir bercé mes soirées.
Évidemment, toutes les journées n’étaient pas les mêmes. Il y eut des soirées où je n’écrivais rien, des matinées où je faisais de la relecture, et des après-midi où je me reposais. Mais le but était d’écrire chaque jour, qu’importe, que ce soit un petit paragraphe ou un chapitre entier, que ce soit la suite directe ou une scène de fin de livre. Cette routine détox accompagnée de quelques libertés m’a permis, je pense, d’au moins devenir une meilleure personne, à défaut d’écrire un best-seller.
L’isolation c’est comment ?
C’est plutôt chouette, ça limite les transferts de chaleur entre un milieu chaud et un milieu froid.
Et l’isolement c’était comment ?
Il fut relativement serein. Comme j’aime être seul, la solitude a permis à mon esprit de rapidement se concentrer sur ses missions et de ne réfléchir qu’autour de Slim Pickens. Par exemple, mes longues marches m’aidaient à travailler mon histoire et à construire mes dialogues. Mais, de façon générale, l’isolement peut s’avérer difficile car tous les jours finissent par se ressembler. Au final, mon quotidien fut une répétition des mêmes activités, des mêmes sorties, des mêmes exercices aux machines, mais toujours en avançant.
L’isolement fut aussi efficace et plaisant. En moins de trois mois, j’ai réussi à écrire une première version de mon livre : 20 chapitres, plus de 600 000 signes, et près de 400 pages A5 en format Times New Roman police 12. Je ne me rendais pas compte que je venais de pondre une dinguerie, tant l’exercice ne fut pas aisé. Peut-être que la qualité n’était pas au rendez-vous, mais je m’étais prouvé que j’étais capable d’écrire à ma manière une histoire me semblant cohérente et touchante.
Écrire ce livre fut complètement fou, mais l’isolement m’a apporté de sacrés bonus. Ainsi, j’ai amélioré mon alimentation, pris du muscle, évolué au niveau Diamant sur Magic: The Gathering Arena, et profité plus longtemps du soleil et des douces températures. J’ai aussi terminé les 10 saisons de Friends et même lâché une larme tellement Joey et Chandler m’avaient accompagné dans ma quête.
Voilà comment un isolement de trois mois a donné naissance à mon premier manuscrit. Même s’il a été refusé par la cinquantaine de maisons d’édition auxquelles je l’ai envoyé, je suis néanmoins fier de cette aventure. Aujourd’hui, tel un personnage de shōnen, je crois en mes rêves et sais que plus rien ne peut m’arrêter.