Comment l’amitié entre Lucian Freud et Francis Bacon a fait évoluer leur peinture ?

Comment l’amitié entre Lucian Freud et Francis Bacon a fait évoluer leur peinture ?

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© Michael Andrews/The Estate of Michael Andrews/Tate/Photo : Mike Bruce

Avant que les querelles ne les séparent, Lucian Freud et Francis Bacon entretenaient une amitié forte qui scellait leur art.

L’intense amitié qui liait les artistes britanniques Lucian Freud et Francis Bacon avant que les querelles ne les séparent est l’objet d’une exposition à Londres qui explore les travaux des deux peintres et ceux de deux autres de leurs amis. Freud et Bacon, qui s’étaient rencontrés dans les années 1940, ont été amis pendant plus de quatre décennies, partageant à Londres leur amour du portrait et leurs modèles, avant que la rivalité ne les éloigne.

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La femme de Lucian Freud, l’autrice Caroline Blackwood, est connue pour avoir dit que Francis Bacon venait dîner chez le couple “quasiment tous les soirs pendant […] la totalité de [son] mariage avec Lucian”. Mais si cette amitié est déjà bien documentée, la relation qu’ils entretenaient avec deux autres de leurs amis – Frank Auerbach et Michael Andrews – est tout aussi importante, estime le conservateur de l’exposition Richard Calvocoressi.

“Je me suis dit que ce serait intéressant de regarder [Freud] à la lumière de ses amis proches”, explique à l’AFP M. Calvocoressi alors que 2022 marque aussi le centenaire du peintre (1922-2011). L’idée de l’exposition intitulée “Friends and Relations” et qui ouvre jusqu’à fin janvier à la célèbre galerie Gagosian à Londres est née d’une photo en noir et blanc qui montre les quatre artistes en 1963 posant devant un restaurant. Les quatre peintres “se voyaient beaucoup dans les années 1950 et 1960”, précise-t-il. “Ils défendaient l’art figuratif […] à une époque où l’abstraction était à la mode.”

Amis et rivaux

À la fois amis et rivaux, les quatre hommes peignaient le portrait des uns et des autres et traînaient ensemble à Soho, dans le centre de la capitale. Lucian Freud et Frank Auerbach ont par ailleurs tous les deux fui l’Allemagne nazie étant enfants. Selon M. Calvocoressi, les quatre artistes avaient un “besoin de rajeunir” la peinture représentative “et c’est ce qu’ils ont fait pendant un demi-siècle en gardant l’humain comme sujet principal de leur art”.

Point fort de l’exposition : le portrait réalisé par Michael Andrews de Lucian Freud et de Francis Bacon avec la modèle Henrietta Moraes. Londres est également au cœur de l’événement qui rassemble un tableau montrant la vue du studio londonien de Freud et une peinture de Primrose Hill – grand parc de la capitale – par Auerbach.

Quelque 40 tableaux sont exposés, tirés de collections publiques et privées, dont de nombreux portraits de chaque artiste réalisés par le reste du quatuor. Pour M. Calvocoressi, les quatre hommes étaient les artistes “les plus radicaux” de leur génération. “Ils parlaient sans cesse d’art […]. Ils formaient un groupe à part” à une époque où les gens se tournaient vers l’art pop, conceptuel ou minimaliste.

Selon le conservateur, “de nombreux artistes ont perdu foi en l’humanité et en la peinture” après le nazisme. Mais les quatre amis “ont gardé leur intérêt pour la forme humaine” et Freud en particulier “s’est perfectionné dans le portrait nu plus que les autres”.

Parmi les autres œuvres exposées, on trouve des toiles représentant des épouses, amant·e·s, modèles, enfants et parents des artistes, comme le Portrait d’un homme qui descend un escalier – hommage de Bacon à son amant George Dyer qui a mis fin à ses jours en 1971 – ou encore Portrait nu sur un canapé rouge qui représente la fille de Freud, Bella.

Ce tableau, peint entre 1989 et 1991 quand Bella avait une vingtaine d’années, avait été qualifié par l’ami du peintre et photographe Bruce Bernard de son “œuvre la plus audacieuse et sensible”. Des quatre peintres, seul Frank Auerbach est toujours en vie à 91 ans. Bacon est mort en 1992, Andrews en 1995 et Freud en 2011.