Le bien nommé “Fouiny babe” est de retour avec la double mixtape Sombre parue vendredi dernier, et a réussi pour la première fois – depuis bien longtemps – à générer un certain enthousiasme. Explications.
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Figure incontournable de la scène rap française il y a encore dix ans, La Fouine a peu à peu disparu des radars. Si quelques irréductibles ont continué d’écouter ses sorties après 2010, la majorité des fans de rap français sont passés à autre chose. Pourtant, le rappeur de Trappes a continué à être productif, en sortant quasiment un projet par an.
Seulement voilà, ces sorties sont totalement passées inaperçues (car anecdotiques), si bien que le rappeur est devenu à grande vitesse un “has-been” de la scène française. Le rap a évolué, pas La Fouine. Son rap a pris 15 piges d’un coup, et s’est tristement enlisé en raison notamment du clash avec Booba (“Aubameyang”,”Donne-moi mes sous” et tant d’autres). Et même s’il a continué d’enchaîner les millions de vues, sa musique n’est pas vraiment mémorable, soit à cause de sonorités old school, soit à cause de tentatives plus ou moins foireuses. Essayez d’écouter “Veni Vidi Vici” aujourd’hui, je peux vous assurer que vos oreilles vont saigner abondamment.
Quand La Fouine avait sa place dans le rap français
Oui, on parle bien du mec à la tête du label Banlieue Sale, qui fut presque un porte-drapeau du rap français. Cette même époque où Fouiny Babe lâchait des classiques (“Du ferme”, “Qui peut me stopper”, “Reste en chien”) qui ont marqué toute une génération. Avec comme figure de proue la saga Capitale du Crime, gravée dans les mémoires.
Le désintérêt pour le rappeur s’est accentué depuis ses passages dans l’émission TPMP, où il faisait le guignol avec Cyril Hanouna. Si la qualité de l’émission n’est – pour une fois – pas remise en question, c’est davantage l’image renvoyée par La Fouine qui interpelle. Le gamin de Trappes, qui avait conquis les charts et son public en faisant du vrai rap français authentique, a embrassé le système. Il n’était plus ce qu’il avait été, et avait surtout perdu l’ingrédient indispensable à la recette de son succès : la crédibilité.
Mais a-t-on enterré La Fouine trop tôt ? N’allons pas jusque-là, mais il faut admettre qu’il y a du mieux. S’il a définitivement été le chat noir de l’été avec ses pronostics désastreux sur Twitter, il a également entériné son retour avec la sortie du morceau “Mohamed Salah” il y a près de cinq mois. Pas de la grande musique certes, mais un véritable retour aux sources pour Fouiny qui se ressent dans la vidéo : grosse ambiance dans le quartier, des quads, des oinjs et un rap repensé.
Car c’est bien là que La Fouine a fait sa plus importante mise à jour. Désormais, il reprend des codes plus propres au rap de puristes, avec des sons beaucoup moins commerciaux qu’on a pu entendre ces dernières années (ses albums Nouveau Monde et CDCC sont des naufrages artistiques). Argent, egotrip, stup’, AK-47, grosses cylindrées, et le rappeur de 36 ans kicke salement sur des prods résolument plus contemporaines. En témoignent les derniers clips partagés sur sa page YouTube (quatre en quatre jours, tout de même) pour teaser la sortie de sa double mixtape fleuve Sombre (23 morceaux), qui est parue vendredi 12 octobre.
Rien de très original en somme. Mais si la créativité a été laissée de côté, c’est pour mieux se concentrer sur d’autres aspects essentiels. La Fouine a pleinement intégré les codes actuels (un peu après tout le monde, certes) et c’est efficace – en témoigne le regain d’intérêt pour ses productions musicales récentes. Si les instrus ont pris un virage radical, on peut également entendre de nombreux “skrrt skrrt” (le mec a dû saigner Migos comme pas possible) et plus globalement des ad-libs qui étaient moins présents (voire pas du tout) sur ses projets précédents.
Presque un nouveau La Fouine. Comme s’il avait déconstruit l’œuvre d’une carrière pour en commencer une autre sur de nouvelles fondations, qui correspondent beaucoup plus aux standards d’aujourd’hui. Le tout agrémenté de quelques punchlines diablement efficaces (“Quand je me fais sucer, j’ai le sourire à N’Golo Kanté” ; “Il serait déjà ballon d’or s’il ne s’appelait pas Mohamed”). Avec toujours autant de références footballistiques, comme vous pouvez le remarquer.
Dans des clips soignés, presque lissés pour les derniers, il apparaît aux côtés de sa team – avec des tipeu qui lâchent des gros doigts d’honneur. Cela fait quasiment penser à un rap de début de carrière, où il faut davantage faire ses preuves en débitant du sale vitesse grand V avec quelques phrases fortes, que travailler son écriture et ses instrus pour être plus régulier. Comme pour approuver un nouveau départ. Sur Aventador, on constate que La Fouine écoute la nouvelle génération (Niska), et s’en inspire pour faire un mélange entre les productions américaines du moment et ce qui cartonne sur la scène française.
Une nouvelle orientation symbolisée par son passage dans l’émission Rentre dans le Cercle de Sofiane, il y a un peu plus d’un mois. La Fouine y fait clairement figure de poids lourd auprès des autres rappeurs, bien plus jeunes et ayant encore beaucoup à prouver. Une ouverture d’esprit remarquable puisque peu de rappeurs de son standing (qui ont vendu autant de disques, du moins) auraient pris de tels “risques” pour leur image. Un pari réussi, qui a démontré que l’artiste peut toujours assurer sans artifice, et que la flamme n’est pas encore éteinte. À noter qu’il a d’ailleurs repris ce freestyle pour son morceau “Aventador”.
Fouiny s’invite sur TF1
De plus, Fouiny ne fait plus de shows télé, mais s’invite en cette rentrée dans la nouvelle série de TF1 Insoupçonnable. Si ce rôle ne lui vaudra pas forcément un oscar, ce sera toujours mieux que Les Nouvelles Aventures d’Aladin avec Kev Adams… Car cette présence aux côtés d’Emmanuelle Seigner et Melvil Poupaud renforce son image d’artiste auprès du grand public. Et le rappeur a sûrement tout à y gagner, plutôt que dans des rôles “d’amuseurs publics” où l’intérêt artistique est plus que discutable.
Plus thug et plus bling-bling, La Fouine est de retour dans le rap game. Même si, dans le fond, c’est un peu triste de voir un rappeur de 36 ans lâcher des sons comme ça, la formule est toute trouvée. Ça parle de grosses voitures, de la vie au quartier, de pilon à foison et de doubles montres qui brillent fort (assez dispensables, elles aussi). Mais qu’importe. L’essentiel est ailleurs pour Laouni Mouhid, qui signe un retour plus “sombre” que jamais.