Au fond de l’avenue de Montolivet, les lettres peintes en rouge de la Pizza des Fratés habillent la façade. La pizzeria, qui a depuis changé de mains, a été ouverte en 2017 par Julien Tanti, le candidat emblématique de l’émission Les Marseillais de W9. Du Marseillais le plus célèbre du petit écran, il ne reste ici plus grand-chose à part la devanture, une boîte à son effigie qui prend la poussière en réserve et deux pizzas qui portent encore sa signature. Mais pour l’ado que j’étais, abonnée aux histoires de love des Marseillais et à leurs engueulades sur fond d’insultes méditerranéennes (“tête de merguez !”), ces vestiges sont suffisants. J’ai beau avoir fait une croix sur l’espoir d’apercevoir le roi des fratés enfourner une quatre fromages, croquer dans une part de la Cousumain s’avère aussi satisfaisant que d’entendre par hasard “Te Fuiste”, qui accompagne le générique de l’émission depuis ses débuts.
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À la croisée du pèlerinage et du reportage, notre journaliste est allée goûter la Cousumain. Un régal. (© Amélie Canon)
À 34 ans, dont dix de téléréalité, Julien Tanti a eu le temps de créer des problèmes dans 26 émissions de Banijay, de lancer trois marques de sapes, deux salons de coiffure, une pizzeria et un jeu de société. Dans sa vie privée aussi, le Marseillais a été prolifique. Il s’est marié, est devenu père et a troqué la Bonne Mère contre le Burj Khalifa à Dubaï, où il s’est installé avec toute la Tanti family. Retour sur l’ascension sociale et économique de celui qui règne sur l’empire des fratés.
Marseille – Miami
Août 2012, Julien a 24 ans. Teint extra bronzé, pecs gonflés sous son débardeur rose fluo et cheveux savamment plaqués sur le côté, le barman, repéré par des casteurs en boîte de nuit, doit convaincre l’équipe de production de Banijay de le choisir pour la première saison des Marseillais à Miami. “On sortait des Ch’tis, et les Ch’tis ont d’énormes qualités mais on trouvait qu’ils manquaient de déconne. C’est ce qu’on cherchait chez les Marseillais”, retrace Alexia Laroche-Joubert, présidente d’Adventure Line Productions et ancienne productrice des Marseillais. S’il a beaucoup de conquêtes ? “Au mois de mai, j’en ai niqué 25”. La colocation ? “La guerre ! Partouze !” Les amis ? “J’en n’ai pas”, répond spontanément Julien. “Il était complètement débridé, Marseillais dans l’âme, il avait la voix, l’exubérance, le côté haut en couleur. On s’est dit qu’on avait notre gagnant”, se souvient la productrice. Le barman obtient son billet pour Miami et démarre l’aventure aux côtés de neuf autres inconnus du petit écran.
Au départ, Julien tâtonne pour trouver sa place au sein du groupe. “Jusqu’à la troisième saison, Julien n’avait pas l’aura qu’il a actuellement. Il n’était pas en couple, alors que Thibault était avec Shanna, j’étais avec Stéphanie, et il a dû se créer un personnage hors du couple qu’il s’est construit au fil des saisons”, se souvient Antonin Portal, ex-candidat des Marseillais. Teufeur, fédérateur, infidèle, Julien s’impose rapidement comme un candidat incontournable et tourne dans toutes les saisons des Marseillais, Les Ch’tis vs les Marseillais, Les Marseillais vs le Reste du Monde, Moundir et les apprentis aventuriers… “Il a complètement compris comment fonctionnait le milieu. Il est très naturel, il sait créer des histoires et il a un côté très Gossip Girl. Il passe son temps à générer des gossips ou à les espionner et les rapporter”, détaille Alexia Laroche-Joubert. Sur tous les continents où il passe, Julien distille son identité marseillaise, avec un vocabulaire bien à lui : “Y’en a assez !” ; “Cousu main” ; “Très tchatcheur” ; “Les problèmes” ; “Fraté”…
Sweats, pizzas et vidéos dédicacées
Quand il ne mène pas la vie de colo dans une villa louée par Banijay, c’est sur son identité face caméra que Julien capitalise. En 2014, il lance sa marque Y en a assez où il estampille des T-shirts de ses expressions culte, avant que JT by TANTI, puis Julien Tanti ne prennent le relais. À la croisée de la sape cheap et des sweats à message type école de commerce, les fringues de Julien ne fonctionnent pas. En 2017, il s’attaque à la restauration rapide avec la Pizza des Fratés et son visage est imprimé sur des cartons qui renferment des pizzas Fraté ou Cousumain. Quatre ans plus tard, les boîtes à pizza à l’effigie du candidat disparaissent et l’établissement devient la Pizza Montolivet.
“Encore aujourd’hui, des touristes viennent prendre une photo devant et s’en vont. Il y a quelques mois, des gens appelaient pour commander une quatre fromages sans fromage en pensant avoir Julien au bout du fil”, raconte le propriétaire actuel, Yohan, entre deux commandes prises à l’oreillette. Mais même du temps où l’établissement était encore le sien, Julien ne suait pas en marcel devant le four à pizzas : “Il avait acheté la pizzeria, mais il ne venait jamais. C’était son cousin qui gérait l’affaire”.
Le boss des fratés vous souhaite un bon appétit. (© Amélie Canon)
À cinq kilomètres de là, l’empire des fratés continue. Avec le Salon des Fratés, cette fois. Comme le reste, le salon de coiffure ne tient qu’une poignée d’années et met la clé sous la porte en même temps que Beauty Heaven, l’institut de sa femme, Manon Tanti, qui partageait les locaux. “Ce n’est pas péjoratif mais leurs business ne tiennent jamais longtemps. C’est compliqué pour les gens de leur donner de l’argent en sachant qu’ils gagnent des millions”, souffle le pizzaiolo Yohan, qui a brièvement connu Julien du temps où il travaillait dans le monde de la nuit. “Il a toujours dit qu’il allait réussir. ‘Moi je serai riche’, je m’en rappelle. Aujourd’hui il a réussi, et bravo à lui”.
Avec 7,4 millions d’abonnés Instagram avides de savoir quelle huile peaufine son bronzage et comment il blanchit sa dentition, c’est surtout sur la Toile que Julien met le mieux à profit son image. Avec des placements de produits et plus récemment, la vente de vidéos dédicacées : 50 euros pour un particulier, 1 000 euros pour une entreprise. “Ce qui me bluffe chez Julien, c’est qu’il a fait carrière”, admet Alexia Laroche-Joubert. “En devenant un professionnel de la téléréalité déjà, mais aussi parce qu’il a monté des business. Le mec est puissant, il est très intelligent. Sincèrement, quand j’ai regardé son casting, ça ne m’a pas sauté aux yeux.”
Des nuits marseillaises à l’opulence de Dubaï
Marié et père de deux enfants, Julien se fait plus discret à la télé. Parce que créer des problèmes devient un peu redondant et parce que “niquer” 25 meufs par mois n’est plus vraiment à l’ordre du jour depuis qu’il a la bague au doigt et des couches à changer. Mais l’ancien des Marseillais a trouvé le moyen de perdurer sur le petit écran. Ou plutôt sur le site de 6play, où sont disponibles des émissions spéciales sur la vie privée des Tanti et d’autres couples de la téléréalité. Avec les préparatifs de leur mariage dans la mini-série Manon + Julien : le mariage, la naissance de leur premier enfant dans Manon + Julien = Bébé Fraté, puis celle de leur petite fille dans Manon + Julien = Bébé Angelina, la famille Tanti s’enrichit sur les grands moments de sa vie. “Ce n’est plus un candidat marseillais, c’est une star de la téléréalité. Quand ils sont tous partis à Dubaï, je pense que le lien avec les téléspectateurs a été cassé, parce que le principe de ces programmes fonctionne sur l’identification”, avance la présidente d’Adventure Line Productions.
De Marseille à Dubaï en passant par une flopée d’émissions, quelques business et des placements de produits, Julien Tanti a eu le temps de comprendre les rouages des tournages et de l’influence 2.0. En embarquant pour Miami il y a dix ans, l’ex-barman était pourtant plus focus sur les vodkas Red Bull sur fond de “Despacito” que sur un plan de carrière. “On pensait que ça durerait six mois et qu’on passerait tous à autre chose”, se souvient Antonin Portal. “On voyageait, on allait dans les établissements les plus sympas du monde, c’était le kif pour des jeunes comme nous. Il n’y avait pas de motivation financière, au début on était payés une misère. Mais ça lui est tombé dessus tellement fort qu’il n’a jamais sorti la tête de l’eau. Julien des Marseillais a pris le dessus sur Julien Tanti.”
Si Julien a su créer mille problèmes dans les villas des Marseillais, il a aussi su transformer son quotidien de daron, nouveau riche et jeune entrepreneur en show télévisuel. À Dubaï, nos Kardashian locaux dévoilent leurs repas entre potes trentenaires, les anniversaires en grande pompe de leurs enfants et leurs crises de couple dans l’émission C’est la famille (en référence à Bengous qui signe le générique) dont la troisième saison vient de sortir. Même à des milliers de kilomètres du Vieux-Port, il faut bien que ça respire l’anis.