Une main noire tient fermement un drapeau français. L’image de cet opus sorti en 1998 ne quitte pas notre esprit depuis qu’on l’a revue dans le documentaire Arte DJ Mehdi : Made in France. À l’apparence simple, la pochette de l’album Le combat continue, d’Ideal J, est pourtant marquante.
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Derrière cette pochette iconique ? Armen Djerrahian, photographe qui a tiré le portrait de l’âme du rap et du hip-hop en France et aux États-Unis, de Jay-Z à Booba, d’Eminem à 50 Cent, d’Usher à La Cliqua. Établi aujourd’hui à Lisbonne après être passé par New York et avoir quitté Paris, l’artiste, qui s’est lancé dans la photographie dans les années 1990 grâce à sa passion pour le BMX et qui travaille aujourd’hui davantage pour le milieu de la mode, a clipé des sons de Jim Jones et Ryan Leslie, et a collaboré entre autres avec Spike Lee.
© Armen Djerrahian
Pochette familiale
La puissance de la pochette d’Ideal J réside dans l’ambiguïté du geste : on ne sait pas très bien si la main s’empare du drapeau français pour se l’approprier, l’étendre, le secouer ou l’arracher. Le titre de l’album apporte une lecture supplémentaire : “le combat continue”, et on va faire en sorte que ce drapeau nous appartienne à nous aussi.
Ce geste a été réalisé lors d’une séance photo familiale puisque c’est l’oncle de DJ Mehdi qui serre ce drapeau. Au dos de l’album, on retrouve ce même modèle, dos nu, drapé, comme une statue grecque, des couleurs de la France.
“Le dos de la pochette devait être la cover originale. On avait fait appel à un homme d’origine africaine, l’oncle de DJ Mehdi en l’occurrence, et on l’avait enroulé dans le drapeau français. Mais ce n’était pas assez fort, selon moi. Alors, je lui ai demandé de serrer le drapeau le plus fort possible, comme si la France lui appartenait, et on a retenu cette image.
L’idée, c’était de choquer, il fallait être violent. Ministère A.M.E.R. l’était aussi, mais c’était compliqué de choquer la France sans couper la tête de Marianne ou autre. Donc on s’est attaqué au drapeau”, raconte le réalisateur et photographe dans une interview pour Vice.
© Armen Djerrahian
Lors des concerts donnés par Ideal J à l’époque, le symbole du drapeau français faisait partie intégrante de la scénographie. Le clip “Hardcore” a aussi été réalisé par Armen Djerrahian, qui poursuit pour Vice :
“L’idée est venue d’une question : si, demain, il y avait une Troisième Guerre mondiale, quelles personnes seraient postées sur le front ? Selon moi, ça ne pouvait être que des personnes similaires aux membres de la Mafia K’1 Fry. J’ai alors l’idée de tourner dans Paris avec des tanks et d’autres trucs complètement dingues pour donner une ambiance digne de la Révolution française. Mais ça coûtait trop cher, il a fallu adapter nos idées au budget.
Avec Xavier, on pense alors à Larry Flynt, le film réalisé sur le patron du magazine Hustler, où le personnage principal se pointe au tribunal avec un T-shirt ‘I wish I was black’, et on se dit qu’il faut reprendre l’idée pour Kery James et lui faire porter un T-shirt ‘I wish I was white’. Dans le clip, on voit aussi un hommage à ce tirailleur sénégalais de 104 ans, Abdoulaye N’Diaye, décédé un jour après avoir reçu sa légion d’honneur. Pour la petite histoire, l’acteur qui joue ce rôle dans le clip n’est autre que le père du petit garçon dans ‘Les jeunes de l’univers’. Comme quoi, on faisait tout en famille.”
De nombreux hommages ont été rendus par la suite, relate Panorama sur X/Twitter, par exemple pour les covers du titre “PDM” de Kery James et Kalash Criminel ou pour une scène du clip de Youssoupha, “SOLAAR PLEURE”, dans lequel la pochette est reproduite. Alors que les écoutes de cet album explosent depuis la sortie du documentaire d’Arte, on ne peut que vous inviter à vous repasser Le combat continue.
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