C’est avec son rôle de juif américain converti au néonazisme dans Danny Balint que le jeune Gosling, 20 ans et ancien enfant-star de l’empire Disney, gagne le respect à la fois du public et de la critique. Son rôle d’amoureux transi dans N’oublie jamais (The Notebook en anglais) sorti en 2004 lui offre une consécration internationale tout en lui conférant une aura de parfait gentleman.
Mais 2011 est définitivement l’année où Gosling fait exploser les cadres de son image de jeune premier au physique lisse. Il gagne en cool attitude avec Drive, en crédibilité avec Les Marches du pouvoir et en sex-appeal avec Crazy, Stupid, Love. Depuis, il ne cesse de se mettre en danger à chaque nouveau film pour nous livrer une nouvelle facette de son jeu d’acteur.
L’acteur a eu 40 ans le 12 novembre dernier et on a décidé de lui tirer le portrait. Voici donc huit séquences inoubliables de la filmographie de Ryan Gosling, dans lesquelles le caméléon canadien a su se réinventer pour mieux nous bluffer.
Drive : l’impulsivité démesurée
Si on ne devait en retenir qu’un, ça serait sans conteste l’incontournable Drive de Nicolas Winding Refn, qui a propulsé Ryan Gosling vers des sommets de notoriété. Dans ce thriller oscillant en permanence entre romantisme et ultra-violence, on suivait cette gueule d’ange magnétique et mélancolique dans ses déambulations nocturnes au volant de sa Chevrolet.
La célèbre séquence de l’ascenseur est devenue la quintessence de cette bipolarité. S’ensuit un plan au ralenti, que Winding Refn affectionne particulièrement dans ce film, qui vient sceller la symbiose entre les deux amants grâce à un légendaire baiser (décidément l’un des atouts de Gosling) et une séquence d’une extrême violence, digne d’un Albert Dupontel option extincteur dans Irréversible.
Mille émotions traverseront alors le visage de l’acteur, la douceur et le désir, puis la haine, sombre, animale, et enfin la honte et la résignation quand les portes de l’ascenseur se refermeront sur Irène, horrifiée.
Crazy, Stupid, Love : l’érotisme incarné
Malgré son aura de parfait gentleman depuis The Notebook, dont il n’a cessé souhaiter se défaire, Gosling ne s’est pour autant pas interdit les comédies romantiques. Mais il en profite pour s’amuser de son image de playboy un peu lisse et de son physique “photoshoppé” et c’est là l’un des aspects les plus réjouissants de Crazy, Stupid, Love, une comédie romantique réussie et efficace.
En deuxième position des grandes réussites de ce long-métrage de Glenn Ficarra et John Requa : l’alchimie du duo qu’il forme avec Emma Stone, sa partner in crime officielle. L’humour de l’une et l’autodérision de l’autre donneront naissance à la légendaire séquence des abdos photoshoppés et du porté à la Dirty Dancing, atout charme un peu honteux de Jacob.
The Nice Guys : l’autodérision à portée
Le “nice guy” du titre, c’est lui, Holland March, détective privé trouillard et gaffeur, prêt à tout pour reconquérir l’estime de son adolescente de fille. Mais c’est aussi ce que se révélera être le personnage Russell Crowe, une fois débarrassé de sa carapace de gros bras, avec qui Gosling forme un duo aussi improbable que jouissif.
Il prendra des coups, autant les siens que ceux des autres, au cours de cette enquête brumeuse, mais surtout, il prendra son pied. Ryan Gosling est un acteur qui sait se mettre en danger mais qui n’oublie plus son plaisir personnel, celui du jeu. Et c’est un régal pour nos yeux, comme lors de la fameuse scène des toilettes où l’acteur canadien a beaucoup de mal à être pris au sérieux tant sa (foutue) porte ne veut pas s’ouvrir.
Si on l’a peu vu dans le registre de la comédie, The Nice Guys a confirmé que son physique de gentleman se prêtait également très bien à celui d’imbécile heureux.
Une fiancée pas comme les autres : la fragilité à son apogée
Entre ses rôles de playboy et de héros mutique au grand cœur, on oublie parfois une petite parenthèse indé qui ne ressemble à rien d’autre dans la filmographie de l’acteur canadien. En 2007, avant de connaître la gloire avec Drive, Les Marches du pouvoir et Crazy, Stupid, Love, Ryan Gosling s’était glissé dans les vêtements trop grands de Lars, trentenaire introverti dans la comédie américaine Une fiancée pas comme les autres.
Notre grand héros romantique est ici un éternel célibataire mal dans ses baskets qui va s’inventer une relation avec une poupée gonflable pour faire taire les commérages et les inquiétudes de son entourage. Un postulat qui s’avérera rapidement bancal, mais une prestation qui transpirait mal-être et fragilité qui nous a beaucoup touché·e·s.
Blue Valentine : le talent caché
Dans le crève-cœur Blue Valentine, Ryan Gosling est Dean et il forme avec Cindy, Michelle Williams, un couple au naturel confondant. C’est certainement la raison pour laquelle nos larmes ne peuvent cesser de couleur face à ce puzzle ultra-réaliste d’un amour qui se délite.
L’acteur y est d’abord charmant en dragueur patient, puis touchant en homme profondément amoureux mais tout aussi maladroit lorsque, six ans plus tard, il s’agira de sauver les restes d’un amour en ruines. Face à lui, l’enchanteresse Michelle Williams n’a pas sa pareille en amoureuse désenchantée.
Gosling a mis à profit sa carrière secrète de chanteur pour séduire Williams le temps d’une chansonnette improvisée au ukulélé, une des rares scènes lumineuses de ce très beau film, avant qu’ils ne plongent ensemble dans le désarroi.
La La Land : un danseur né
En remplaçant au pied levé Miles Teller (viré du projet comme un malpropre pour avoir négocié son salaire trop longtemps), Ryan Gosling décroche l’un des plus beaux rôles de sa carrière en se glissant dans la peau du jazzman Sebastien, qui lui vaudra une nomination aux Oscars.
Il retrouve sa partenaire Emma Stone après Crazy, Stupid, Love et Gangster Squad pour nous hypnotiser avec ses chorégraphies sous le ciel étoilé de Los Angeles. Un territoire idéal pour réaliser ses rêves : l’une se projetant actrice, l’autre musicien. Quand il ne joue pas du piano dans le film, Ryan Gosling enfile ses claquettes pour un numéro de danse inoubliable qui ressuscite les vieux classiques du septième art, de L’Entreprenant Monsieur Petrov à Tous en scène.
Pendant cette “Lovely Night”, titre de la chanson, il fait claquer ses talons et commence à faire battre le cœur de sa partenaire devant une vue imprenable sur Hollywood. Impossible de ne pas taper du pied et de rester imperméable à ce numéro romantique à souhait, anéanti par une sonnerie de téléphone, annonciatrice d’une fin déchirante.
Depuis qu’il est un acteur confirmé, nous avons souvent tendance à oublier que Ryan Gosling est un enfant biberonné aux shows de Disney Channel, comme le prouve cette vidéo dévoilant ses meilleurs pas de danse, alors qu’il n’était âgé que de 12 ans. Et qu’il est aussi un artiste confirmé, ancien membre des Dead Man’s Bones, qui ont sorti un très bel album en 2009, ici au micro comme au piano.
First Man : un mutisme exagéré
On reproche souvent à Ryan Gosling d’être un acteur peu expressif. Ses détracteurs n’ont pu que le condamner à nouveau pour First Man, où il se glisse dans la peau de Neil Armstrong, plus mutique que jamais. Personnage solitaire et déroutant, il ressemble à une énigme de sentiments qu’il faut constamment déchiffrer, sous sa combinaison encombrante. Damien Chazelle l’embarque pour une nouvelle mission, et fait de lui un moins bon père de famille qu’un astronaute légendaire.
Ce portrait d’un homme à la dérive, obsédé par l’idée d’atteindre la Lune pour fuir la Terre et ce qu’elle lui a pris, culmine lors de la scène déchirante du repas. Peu avant son départ, le cosmonaute fait face à ses enfants qu’il s’apprête à laisser, sous le regard suppliant et réprobateur de son épouse jouée à merveille par Claire Foy.
Au prix du paradoxe, cette scène de grande discussion révèle la beauté du jeu aphasique propre au comédien. Volontairement trahi par un regard désespéré, il révèle la complexité de ce personnage à peine capable d’offrir une once de tendresse. Sublimé par la magnifique BO signée Justin Hurwitz, Ryan Gosling tient là un de ses plus beaux rôles dramatiques.
N’oublie jamais : le meilleur baiser récompensé
Des baisers sous la pluie, le cinéma en a connu. Mais tous n’ont pas été récompensés d’un MTV Movie Award for Best Kiss et reproduits en direct lors de la cérémonie. Et on préfère les images aux mots.