Pour la première fois, Portrait de la jeune fille en feu sera diffusé à la télévision grâce à Arte. Le film de Céline Sciamma, qui a reçu le Prix du scénario et la Queer Palm au Festival de Cannes 2019, ainsi que le César de la Meilleure photographie aux César 2020, sera également disponible du 1er au 15 septembre sur le site, en replay. L’occasion de rattraper ce classique contemporain qui s’est attiré les éloges de la critique et du public.
À voir aussi sur Konbini
À l’occasion de cette diffusion inédite, Konbini a voulu prolonger l’hommage à l’amour lesbien en proposant dix films qui explorent le désir féminin. Drames, comédies, teen movies, films d’époque… Voici un petit panorama d’histoires d’amour entre femmes, et les lourdes conséquences qu’elles ont parfois dû endurer.
#1. But I’m a Cheerleader
Elliot Page a récemment remis au goût du jour ce bijou méconnu de la pop culture, sorti en 1999, en déclarant qu’il l’avait aidé à s’identifier aux personnages et à s’accepter. Après avoir fait en 2020 son coming out trans et non-binaire, l’acteur a confié lors de son discours à l’Outfest, festival LGBTQ+ où il a reçu hier un Achievement Award, que “quand vous avez 15 ans, que vous parcourez les chaînes de télé et que vous tombez sur But I’m a Cheerleader, votre vie peut être transformée par les dialogues et les scènes d’un tel film”.
Esthétique, drôle et très engagé pour l’époque, le queer movie de Jamie Babbit suit une bande d’adolescent·e·s en pleine construction de leur identité sexuelle, bien qu’ils et elles vivent dans un camp de conversion et suivent des thérapies visant à les rendre hétérosexuel·le·s. Beaucoup plus pop que Come as You Are ou Erased Boy, qui traitent le même sujet avec un point de vue dramatique, ce teen movie nous plonge dans les inquiétudes des adolescents sans couronner la reine et le roi du bahut, préférant montrer le désir d’une pom-pom girl pour ses camarades.
#2. Rafiki
Des couleurs flashy, des looks étourdissants de beauté, des propos féministes, une énergie inoubliable… Rafiki défie la censure et le climat anti-LGBTQ+ en Afrique de l’Est pour raconter l’histoire d’amour entre deux filles de Nairobi. Mais dans un Kenya conservateur, les deux héroïnes vont être contraintes de choisir entre leur idylle ou leur sécurité, voyant peu à peu leur communauté se retourner contre elles.
Si, en 2018, la cinéaste Wanuri Kahiu a pu présenter son film à Cannes dans la section Un certain regard, elle a été bannie des écrans de son pays à cause du sujet. Suite à cette décision radicale, la cinéaste a porté plainte contre le Kenya Film Censorship Board en mettant en avant la constitution. Finalement, pour que ce portrait de la jeunesse et de l’émancipation féminine soit retenu aux Oscars et représente le cinéma kenyan, le pays a autorisé la diffusion du film pour une durée… de sept jours. Une maigre victoire pour celle qui tente de dénouer toutes les injonctions que les sociétés conservatrices peuvent imposer pour prôner un amour sincère.
#3. Deux
Par le prisme de la vieillesse, Deux dépeint la passion de deux femmes homosexuelles contraintes, au nom de la moralité, de cacher leur idylle à leur entourage, leurs amis et leur famille. En vivant sur le même pallier, elles semblent avoir trouvé la stratégie parfaite pour se retrouver jour et nuit sans éveiller les soupçons. Lasses de cette situation, elles projettent de vendre leurs appartements pour partir en Italie. Mais lorsque l’une d’elles fait un AVC, l’autre est forcée de rester à l’écart pour ne pas briser leur secret. Une séparation brutale et invivable pour les deux héroïnes.
Outre son scénario original, Filippo Meneghetti nous embarque loin, très loin des clichés habituels en signant son premier film. Cette prise de risque lui a permis de voir son film représenter la France aux Oscars en 2021 et de gagner immédiatement en notoriété.
#4. La Vie d’Adèle
Film phare d’Abdellatif Kechiche, La Vie d’Adèle se penche sur les amours hors normes d’une lycéenne obsédée par une fille aux cheveux bleus, Emma. Dans ce récit d’apprentissage puissant, le cinéaste illustre l’animalité des pulsions et la voracité sexuelle de deux jeunes femmes.
Couronné de trois Palmes d’or pour Abdellatif Kechiche et ses deux actrices principales Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos en 2013, La Vie d’Adèle a essuyé de nombreuses polémiques. D’abord auprès de l’association catholique conservatrice Promouvoir, qui a œuvré pour retirer le visa d’exploitation du film, puis du côté de l’équipe, qui a souligné des conditions de travail déplorables ainsi que des comportements proches du harcèlement moral.
Cette fresque amoureuse interdite aux moins de 12 ans avec avertissement a souvent été décriée par les féministes, comme Jul’ Maroh, l’auteur de la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude, de laquelle s’est librement inspiré Abdellatif Kechiche. Sur Slate, il explique :
“Il me semble clair que c’est ce qu’il manquait sur le plateau : des lesbiennes. Je ne connais pas les sources d’information du réalisateur et des actrices (qui jusqu’à preuve du contraire sont tous hétéros), et je n’ai pas été [consulté] en amont.
Peut-être y a-t-il eu quelqu’un pour leur mimer grossièrement avec les mains les positions possibles, et/ou pour leur faire visionner un porn dit lesbien (malheureusement il est rarement à l’attention des lesbiennes). Parce que – excepté quelques passages – c’est ce que ça m’évoque : un étalage brutal et chirurgical, démonstratif et froid de sexe dit lesbien, qui tourne au porn, et qui m’a [mis] très mal à l’aise.”
En dépit de toutes ces critiques dans le débat public, La Vie d’Adèle reste un film iconique pour la communauté LGBTQ+ puisqu’il a ouvert une brèche aux romances lesbiennes, trop rares sur les écrans.
#5. Je, tu, il, elle
En 1974 sort Je, tu, il, elle de Chantal Akerman, qui s’annonce très novateur pour l’époque pour sa liberté de ton. La réalisatrice, remise récemment au goût du jour, parle de jouissance, douce et violente, des femmes en proposant de nouvelles images, du point de vue de l’expérience féminine.
Tourné en seulement huit jours avec un budget restreint de 300 000 francs belges (environ 7 000 euros), le film est interdit aux moins de 18 ans à cause de son caractère érotique. La cinéaste, qui joue dans son propre film, révèle ainsi son homosexualité au grand public. Pour être à ses côtés, elle n’a recruté que deux comédien·ne·s : Niels Arestrup et Claire Wauthion.
#6. Portrait de la jeune fille en feu
Avec son coup de pinceau, Céline Sciamma signe l’un des plus beaux films de 2019, aidé par la jolie photographie de Claire Mathon. Marianne, une peintre pétrie d’indépendance, débarque sur une île bretonne pour faire le portrait d’Héloïse, destinée à épouser un noble milanais. Sa peinture a pour but de séduire ce dernier, désireux de juger sur toile la beauté de sa promise.
Très réfractaire, le modèle refuse de se prêter au jeu à cause de cette union arrangée. Pour honorer cette mission – à laquelle ses prédécesseurs ont failli –, Marianne va se faire passer pour une dame de compagnie qui va attiser la curiosité de sa prétendue maîtresse.
Pour certains critiques, le film de Céline Sciamma a ouvert une nouvelle “lesbian period drama” dans l’industrie, illustrant des femmes épanouies dans une autre temporalité que notre présent. C’est ainsi qu’on a pu voir, peu de temps après Portrait de la jeune fille en feu, Ammonite de Francis Lee. Au tour de Kate Winslet et Saoirse Ronan de nous transporter dans les années 1840, déambulant sur les plages lugubres ou jouant avec des miroirs jusqu’à se révéler leurs sentiments au pied de falaises.
#7. La Favorite
Avec son audace inégalable, Yórgos Lánthimos imagine un trio lesbien royal, entre pouvoir, cruauté, trahisons, secrets, jalousie, domination et soumission… Rien que ça. En plantant son décor au tout début du XVIIIe siècle sous le règne de la reine Anne, l’économie va mal mais l’ordre est maintenu. Dans les couloirs, les soldats sont au garde-à-vous et prêts à dégainer dès que son altesse leur en donnera l’ordre.
Mais cette dernière a la santé très fragile et n’a aucun héritier. Seule et dépendante, la reine confie en réalité les rênes du pouvoir à sa protégée, Sarah Churchill. Un jour, Abigail, une aristocrate déchue, débarque au château et décide de gravir les échelons en se faisant remarquer par la reine, et ce par tous les moyens.
En s’entourant de trois actrices hypnotisantes, Emma Stone, Rachel Weisz et Olivia Colman, Yórgos Lánthimos illustre de manière inédite le conflit qui opposait la France et l’Angleterre. Distingué de douze nominations aux Baftas, un record de dix prix aux British Independent Film Awards, trois nominations aux Golden Globes, un prix à la Mostra de Venise et dix nominations aux Oscars, l’ovni auréolé du cinéma indépendant a marqué l’histoire contemporaine du septième art.
Il aura fallu attendre 2018 pour que l’Académie des Oscars célèbre pour la première fois un film évoquant des femmes homosexuelles ayant des relations sexuelles entre elles. Même Carol de Todd Haynes avait été snobé dans la catégorie du Meilleur film.
#8. Mademoiselle
Dans le paysage du cinéma asiatique, Park Chan-wook s’est également penché sur l’amour de deux femmes dans Mademoiselle, présenté à Cannes en 2016. Avec ce thriller érotique, le cinéaste nous plonge dans les années 1930 au moment où la Corée est occupée par le Japon.
Un petit escroc rêve d’épouser une princesse nippone pour hériter de sa fortune et envoie Sookee, une paysanne, travailler en tant que servante personnelle de l’altesse, que l’on prénomme Mademoiselle. Le rapprochement inévitable des deux femmes va nouer un peu plus les liens qui se resserrent entre les bourreaux et les victimes, le temps d’un récit uniquement motivé par la manipulation et la perversité.
Rehaussé d’une mise en scène poétique et sublime, le film de Park Chan-wook multiplie les points de vue et les twists pour dérouter un peu plus son public. Malgré quelques longueurs, on se rattache à ces corps en mouvement hypnotiques, des moments d’érotisme envoûtants, l’originalité du cadre et quelques traits d’humour phallique mémorables.
#9. Carol
C’est dans une boutique de jouets, où Carol vient acheter un train électrique, que l’histoire d’amour impossible entre une vendeuse et une cliente débute. Dans ce délicat et raffiné Carol, on observe Cate Blanchett avec son manteau de fourrure crème dans lequel vient se blottir la frêle Rooney Mara, indécise et ingénue.
Dans ce New York des années 1950, leur couple oscille entre les contraintes hétéronormées et de maigres lueurs d’espoir, comme lors de leur départ en voyage, loin de tous. Ce qui est frappant dans ce film, c’est justement que les deux héroïnes sont obligées de vivre leur amour loin des hommes, fervents opposants à tout rapprochement. L’un d’eux retire même la garde de sa fille à son ex-femme à cause de ses penchants sexuels.
Présentée à Cannes en 2015, la romance pudique a obtenu la Queer Palm et décroché le Prix d’interprétation féminine grâce à la prestation de Rooney Mara. Adaptée du roman éponyme de Patricia Highsmith, cette histoire s’inspire de l’idylle de l’autrice et Virginia Kent Catherwood, une femme bourgeoise plus âgée qu’elle qui a perdu la garde de son enfant à cause de ses relations homosexuelles.
#10. La Belle Saison
Delphine décide de quitter sa ferme pour s’installer à Paris. Dans la capitale, elle rencontre un groupe de femmes qui claquent le cul des hommes dans la rue pour les sensibiliser au harcèlement. Elle rejoindra ensuite leurs manifestations et groupes de réflexion féministes qui finissent par donner un sens à sa vie, au fur et à mesure qu’elle devient complice avec l’une des membres, Carole. Bien qu’elle soit en couple avec un homme, cette dernière se laissera transcender de désir pour cette jeune paysanne sûre d’elle.
Pour raconter cette passion, la réalisatrice Catherine Corsini plante son décor au début des années 1970 et prétexte ces groupes de parole enflammés pour soulever de nombreux débats : thérapies de conversions, pilules, avortement, place des féministes dans la société… En illustrant deux mondes opposés, ce mélo convainc notamment par un casting habité, d’Izïa Higelin à Cécile De France en passant par Noémie Lvovsky et Lætitia Dosch.