Contrairement à ses sept albums précédents, ANTI n’est pas un disque perfusé à la pop music et aux tubes. Face à ce changement de formule, nous avons tenté de lire entre les lignes d’ANTI.
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Que vous l’adoriez ou non, le nouvel album de Rihanna n’a pu vous laisser indifférent. D’abord parce que le martelage marketing était beaucoup trop présent, ensuite parce que les histoires de leaks foireux nous fascinent, enfin et surtout parce qu’ANTI tranche radicalement avec les précédents albums de Riri – dont le dernier en date, Unapologetic (2012), véritable apothéose de la pop music.
Je m’attendais donc, comme d’habitude et surtout, alléchée par le monstrueux banger “BBHMM”, à une bombe, une véritable déflagration pour mes oreilles qui me jetterait sans prévenir dans une spirale sanglante (d’où aussi la pochette de l’album rouge sang réalisée par l’artiste israélien Roy Nachum).
Le risque de décevoir son public
Et puis, après des semaines de teasing, de Twitter à Instagram en passant par une opération délirante avec Samsung, le premier extrait d’ANTI est paru, avec mon Drake bien-aimé en prime : “Work”. Mais loin des airs sexy et des “oh-na-na” entêtants de “What’s My Name?”, c’est dans une tout autre atmosphère que me plonge ce premier titre. Plus envoûtante, moins violente, peuplée d’accents barbadiens.
Finalement, ANTI s’offre à nous. D’abord sur Tidal, puis temporairement en téléchargement gratuit (merci Riri). Et je l’avoue : après la première écoute, toute fan que je sois de la chanteuse, je suis un peu déçue. Car, contrairement à mes attentes (ou plutôt contrairement à ce à quoi la chanteuse m’avait habituée), ANTI n’est pas un album rempli de tubes à la “Umbrella”, à la “Diamonds”, à la “Pour It Up”.
Après un échange de textos légèrement dégoûtés entre copines (“Il reste “Work”, et encore tu bounces pas de ouf, bof…“, “Zéro violence c’est naze“, “On voulait du sang, pourtant !“) vient le temps de la seconde écoute. Et puis, lentement mais sûrement, celui de la réflexion. À travers cet album radicalement différent, loin des beats pop de “We Found Love”, que cherche à nous dire Rihanna ?
De l’industrie musicale à l’art
La révélation de sa pochette d’album en octobre dernier aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Avec cette peinture en guise de cover, sur laquelle on retrouvait en outre un poème en braille, Rihanna entamait déjà, subtilement, une rupture avec ses précédents albums sur lesquels elle s’affichait continuellement (tantôt nue, tantôt la langue dehors). Rihanna se retire du feu des projecteurs pour laisser place à l’art, et semble par là même s’extirper du carcan de l’industrie de la pop dans lequel elle a été plongée dès ses 17 ans.
Depuis “Pon de Replay” (2005), Rihanna est devenue l’une des artistes pop les plus adulées, sortant un album par an (exception faite pour l’année 2008). Une adoration due non seulement à sa musique, mais aussi à son style et son attitude zero-fucks-given. En une décennie, Rihanna est devenue une superstar mondiale, répondant à notre soif insatiable de hits à grands coups de morceaux classés #1 dans les charts.
Bien sûr, on ne va pas la plaindre. Bien sûr, on a adoré danser de longues heures sur ces titres. Mais, comme pour nombre d’artistes tombés dans le star system relativement jeunes, il arrive forcément un moment de rupture. Une rupture souvent marquée par un disque précédé d’un hiatus de plusieurs années (un peu plus de trois années séparent Unapologetic d’ANTI) grâce auquel l’artiste parvient à révéler son identité musicale réelle, façonnée et trouvée avec l’expérience (le fameux “disque de la maturité” pour les critiques musique).
Un ANTI-album ?
Avec ANTI, Rihanna semble pour la première fois mettre en lumière ses propres envies, et non plus celles de son public, en prenant semble-t-il davantage part à l’écriture et à la production de ses morceaux. En résulte une atmosphère plus lente et planante, dénuée de beats surpuissants, un chant marqué par un léger accent barbadien qui rappelle avec charme les origines de la chanteuse, comme un retour aux sources, et des collaborations artistiques qui lui tiennent visiblement à cœur.
On connaissait son affiliation à Drake, mais le choix de reprendre “New Person, Same Old Person” de Tame Impala (rebaptisé pour l’occasion “Same Ol’ Mistakes”) peut surprendre, quand on a eu l’habitude de voir Riri aux côtés de Jay Z, Eminem, T.I. ou encore Shakira.
Et si l’on s’avance un peu plus loin dans l’interprétation de cet album (attention, le niveau de subjectivité de cet article vient d’atteindre les 100 %), le titre lui-même paraît assez révélateur : ANTI ne serait-il pas un anti-album, incarnant avec force une nouvelle Rihanna (soit une anti-Rihanna telle qu’on l’avait connue jusqu’ici) ?
Face à ce changement de cap (cette renaissance ?) qui succède à dix années d’albums pop et tubesques, on ne peut que s’interroger : Rihanna aurait-elle fini par se trouver en tant qu’artiste, et par extension en tant que personne ? Si tel est bien le cas, il ne faudrait pas seulement voir dans ANTI une simple rupture artistique, mais une rupture personnelle. L’aboutissement pour Rihanna d’une quête de soi de plusieurs années, dont ce disque est le résultat final. Que vous l’adoriez ou non.