Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur ou revient sur les plus gros événements de la sélection.
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Furiosa : Une saga Mad Max, c’est quoi ?
À moins d’avoir passé la dernière décennie dans une cave sombre et obscure sans accès à la civilisation, vous avez sûrement entendu parler de Mad Max : Fury Road, l’un des plus grands blockbusters du XXIe siècle, quatrième volet d’une saga qu’on pensait morte depuis 1985 et un troisième épisode déprécié des fans, le grand retour de George Miller à l’action, et la bourrinerie explosive.
Et bon Dieu, personne ne pouvait savoir que le cinéaste, qui avait 70 ans, nous délivrerait une œuvre aussi puissante, effrénée, moderne et imposante — bien que jonchée d’effets spéciaux, le tournage en décors réels et aux effets pyrotechniques en grande partie réels aussi rend le tout impressionnant.
Un peu moins de 10 ans plus tard, le cinéaste redonne vie à cet univers post-apocalyptique dominé par les gros moteurs, le feu, le manque de ressources et des tyrans effrayants avec un spin-off, un prequel pour être tout à fait exact, c’est-à-dire un film qui retrace les origines du personnage campé dans Fury Road par Charlize Theron, Furiosa.
De son passé dans une oasis de nature au milieu d’une sécheresse planétaire, à son arrivée à la Citadelle, en passant par son kidnapping par le cruel Dementus, le film racontera la naissance de cette figure de la résistance. En gros.
Pourquoi c’est bien ?
Il faut savoir qu’entre les deux Mad Max, le réalisateur australien a fait un film passé inaperçu (15 millions de dollars au box-office international) : 3 000 ans à t’attendre. C’était un long-métrage matriciel et nécessaire à aborder avant de discuter de Furiosa, pour deux raisons.
Déjà sur la forme, Miller s’amusait à fusionner effets spéciaux et images filmées à un niveau rarement vu. Dans le sens où ceux-ci sont visibles comme si c’était des VFX, assumés, ne laissant aucun doute sur la nature des images que l’on voyait. Le cinéaste questionnait presque le live action et l’animation, mêlant les deux côte à côte.
Ce qui épouse parfaitement le fond, puisqu’il y est questions d’histoires qu’on raconte, de récits mythologiques et de contes philosophiques. Il ne fait nul doute que ce qu’on voit à l’écran n’est jamais vrai et quand ça l’est, c’est qu’on est sur une image nue et brute sans habillage numérique.
Ce n’est pas une nouveauté pour le réalisateur qui avait déjà poussé les potards à fond de la motion capture dans l’animation (l’insertion du réel dans l’image fabriquée de toutes pièces), avec ses deux Happy Feet. De là à faire un pont entre le film de pingouin danseur et le nouveau Mad Max, il n’y a qu’un pas.
Autant Fury Road frappait par son “réalisme” (beaucoup se sont targués d’un film où tout était réel et sans effets spéciaux, ce qui est bien évidemment faux), autant ce nouveau volet épouse la forme hybride de 3 000 ans à t’attendre, quitte à avoir des incrustations d’effets spéciaux aux antipodes de Fury Road, où le fond vert est palpable, où la matière ne l’est presque plus, car ce n’est pas un récit réaliste.
Toujours dans la continuité de son précédent long, George Miller travaille la figure de Furiosa comme dans celle d’un conte. C’est celle d’une mortelle recueillie par les dieux des bolides motorisés, d’une femme qui deviendra elle aussi une légende, peut-être la plus grande de toute. C’est un récit mythologique, de son début avec cette oasis trop parfaite, à cette conclusion qui ressemble beaucoup au sort d’une divinité grecque (on n’en dira pas plus).
Or, pour installer celle qui sera à l’origine de la révolte de la Citadelle, on doit voir s’installer petit à petit ce vent de rébellion et il ne peut, techniquement, pas être aussi conséquent. Nécessairement, le film est moins explosif, moins effréné, moins empli d’énergie permanente que Fury Road. Ce qui n’empêche pas le film d’avoir des séquences absolument dingues (la prise d’un camion notamment, sur plus de 15 minutes), mais toutes ont nécessairement moins de véhicules et de bastons. C’est OK, il faut juste l’accepter.
De manière générale, comme souvent avec Miller, cette suite détonne par sa manière de ne pas coller aux attentes des spectateurs. Fury Road s’ouvrait par un héros devenu culte se faisant intercepter au bout de même pas cinq minutes. On se demande quand Furiosa va se mettre à travailler pour Immortan Joe et les nombreux allers-retours de celle-ci nous empêchent d’y voir clair dans le scénario de Miller — qui par contre, va combler tous les trous du récit de son héroïne, surtout que l’aspect explicatif étonne quand, dès le début, le cinéaste explique l’origine de cet univers post-apocalyptique et nous le place, officiellement, en Australie, plus ancré dans le réel que jamais.
C’est une grande épopée, à la forme hybride, qui n’est pas un Fury Road bis mais bien une entité à part, qui décontenance et risque de décevoir certains — mais pas nous.
On retient quoi ?
L’actrice qui tire son épingle du jeu : Anya Taylor-Joy, clairement — même si elle ne débarque qu’au bout de 50 minutes.
La principale qualité : Pas un Fury Road bis, un film qui a son identité propre à elle, plus proche de son époque (ou en tout cas, de là où en est son auteur aujourd’hui.
Le principal défaut : Un peu trop le bon élève qui répond à toutes les interrogations que vous vous posiez sur ce personnage.
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Mad Max : Fury Road, et 3 000 ans à t’attendre
Ça aurait pu s’appeler : La Légende Furiosa
La quote pour résumer le film : “Si le film est moins explosif et énervé que son précédent, il demeure un vrai Mad Max, une vraie exploration d’un univers et la création d’une figure quasi mythologique — avec une forme hybride assumée.”