Black Flies, c’est quoi ?
Adaptation du roman 911 de Shannon Burke, Black Flies est le troisième long-métrage de fiction du réalisateur français Jean-Stéphane Sauvaire, déjà venu présenté ces deux premiers longs à Cannes (le premier, Johnny Mad Dog, dans la compétition Un certain regard, et le deuxième, Une prière avant l’aube, en Séance de minuit). La troisième est la bonne puisque son nouveau film fait partie de la Sélection officielle de la compétition de la 76e édition du Festival de Cannes, où il a été présenté ce jeudi 18 mai au Grand Théâtre Lumière.
À voir aussi sur Konbini
Black Flies dépeint le quotidien de deux ambulanciers new-yorkais qui enchaînent les interventions urgentes et intenses sans temps mort. Ollie (Tye Sheridan, vu dans Ready Player One), jeune homme qui fait ses premiers pas dans le milieu, est pris sous l’aile de Gene (Sean Penn), mentor expérimenté mais épuisé par des années de nuits infernales.
À bord de leur ambulance bruyante mais aux sirènes salvatrices, ils vont tenter de sauver des vies en traversant le quartier de Brooklyn souvent hostile et agressif, où la détresse humaine fait froid dans le dos.
© Metropolitan Filmexport
Pourquoi c’est bien ?
Attention, on préfère poser un warning dès le début : Black Flies est un film très dur à regarder, ponctué d’images violentes et qui vont clairement vous retourner l’estomac encore quelques semaines après son visionnage. Jean-Stéphane Sauvaire a opté pour une mise en scène viscérale et ultra-dynamique qui traduit à merveille l’urgence et la panique des situations vécues par Ollie et Gene. Le long-métrage est épuisant, dans le bon sens du terme, à travers la gravité de ses thématiques et sa construction narrative découpée en courtes scènes tragiques qui se succèdent jusqu’à vous donner la nausée.
En résumé, Jean-Stéphane Sauvaire a poussé le réalisme et l’immersion à son paroxysme. Black Flies est lancinant et hypnotique à bien des égards, des lumières aveuglantes des sirènes d’ambulance au montage sonore volontairement très fort, si bien qu’on n’en ressort pas indemne. La ville de New York, glorifiée et stylisée dans la plupart des œuvres cinématographiques contemporaines, est ici filmée comme un cauchemar à yeux ouverts.
Le réalisateur nous présente une sorte de Gotham City glauque, sombre et parfois à la limite du surréalisme dans une scène insoutenable où le film devient une expérience horrifique, quasi macabre. Sauvaire nous offre même un potentiel Joker avec la présence oppressante et inquiétante du personnage incarné par Michael Pitt (Boardwalk Empire, Hannibal), terrifiant de malice, qui pousse Ollie dans ses pires retranchements. Et, paradoxalement, on a trouvé cette vision lugubre de la Grosse Pomme tout simplement sublime, réaliste et profondément bouleversante.
Voilà qui nous amène forcément à parler du duo principal de Black Flies, porté par Tye Sheridan et Sean Penn. Le retour en grâce de l’acteur américain doublement oscarisé ? Clairement oui, mais bien aidé par la prestation transcendée de son jeune rookie, qui a une partition complexe à retranscrire. Tye Sheridan propose un jeu conflictuel, tout en retenue, jusqu’à une explosion de rage qui nous a laissé bouche bée alors qu’elle aurait pu tomber dans le grotesque. Il nous rappelle la dualité introspective vécue par le personnage de Miles Teller dans Whiplash, et c’est un sacré compliment. On tire notre chapeau aux deux stars de Black Flies qui portent un film dur et éprouvant sur leurs épaules pour donner vie à deux héros (ou antihéros, on vous laissera choisir à la fin) de l’ombre.
Pour tout vous dire, je suis sorti de la projection avec un besoin urgent de prendre l’air, voir la lumière et allumer une cigarette comme si j’avais été subitement enseveli par une montagne de stress et d’anxiété étouffante. Mais en inhalant la fumée, j’ai ressenti un goût de cendre et de sang dans la bouche, alors que les images fortes et traumatisantes du film repassaient en boucle dans mon esprit. Black Flies est une œuvre percutante, puissante et nécessaire, qui déconstruit à échelle humaine le mythe du surhomme à travers un sujet particulièrement contemporain : celui de l’hôpital et du secteur médical, représenté ici par les premiers secours déterminants dans la survie des victimes.
C’est brillant, et ça vous collera à la peau comme une mouche agressive les soirs d’été humides à la chaleur plombante.
© Metropolitan Filmexport
On retient quoi ?
L’acteur qui tire son épingle du jeu : Le duo Tye Sheridan/Sean Penn, intense
La principale qualité : Son réalisme vertigineux
Le principal défaut : Le petit trauma post-visionnage
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : À tombeau ouvert de Martin Scorsese, Whiplash de Damien Chazelle, Night Call de Dan Gilroy, la série 9-1-1 de Ryan Murphy et Brad Falchuk
Ça aurait pu s’appeler : “911, what’s your emergency ?”
La quote pour résumer le film : “Black Flies est un film très dur à regarder, ponctué d’images violentes et qui vont clairement vous retourner l’estomac encore quelques semaines après son visionnage.”