bref.2, ou le retour triomphant de Kyan Khojandi et de sa clique d’éternels adulescents

bref.2, ou le retour triomphant de Kyan Khojandi et de sa clique d’éternels adulescents

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Par Delphine Rivet

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Et en plus, c'est marrant.

C’est avec une certaine appréhension qu’on a lancé la saison 2 de bref, disponible sur Disney+. Canal+ n’était plus de la partie, mais ça, ce n’était pas forcément rédhibitoire vu que “l’esprit Canal” a pris du plomb dans l’aile ces dernières années. Non, ce qui nous inquiétait, c’était le changement de format d’une série qui s’est fait, littéralement, un nom sur son côté “snacking”.

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Car bref, c’était des pastilles de vie d’un trentenaire un peu loser qui se tapait des filles beaucoup trop bien pour lui : 82 petits bouts de quotidien à croquer, qui laissaient toujours un goût de reviens-y, sans risque d’indigestion à l’horizon. La faire rentrer dans un moule plus classique de comédie en 40 minutes, c’était une hérésie, le signe que Kyan Khojandi et Bruno Muschio, et leur producteur Harry Tordjman, avaient cédé aux sirènes du conformisme. Ça a rarement été aussi chouette d’avoir tort.

Le plus étonnant, c’est de constater à quel point bref s’acclimate aisément à ce nouveau format. Le montage, toujours aussi vif, sert autant d’accélérateur que de frein au récit. Ça va vite, ça percute, mais ça sait aussi prendre son temps pour se mettre au service de la charge émotionnelle du scénario. Parce que oui, on ressent beaucoup de choses durant ces 6 épisodes. Khojandi et Muschio ont percé à jour la psyché d’un quarantenaire ordinaire, une dissection à vif dans laquelle tout le monde se reconnaît un peu.

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Notre héros a la quarantaine, il n’est plus tout à fait le même que celui qu’on a connu en saison 1. Il est, comme chacun·e d’entre nous, le résultat d’un empilement méthodique des erreurs, des vexations, des angoisses, des histoires de cul, d’amour, d’amitié, de famille de cette décennie passée loin de notre regard. 

Si elle regarde dans le rétro pour faire repartir son héros sur de nouvelles bases, plus solides, la série ne tombe pas dans le piège d’une autosatisfaction nostalgique. Le fan service en mode “vous vous souvenez comme c’était trop bien avant ? Venez on essaye de refaire pareil” a fait couler tant de franchises autrefois vénérées… On prend les mêmes (le fidèle entourage du héros) et on bouleverse sensiblement les dynamiques amicales, familiales et amoureuses.

On ne va pas se mentir, le meilleur glow-up, c’est celui du personnage de Baptiste (Lecaplain), passé de sombre connard un peu flippant et carrément fainéant, à mari transi d’amour et super papa ! Mais naturellement, la trajectoire qui nous touche le plus, c’est celle de notre héros anonyme, qui ferme des portes avant d’en ouvrir d’autres.

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Autour de lui, gravitent toujours les potes et la famille, et de nouveaux visages viennent s’ajouter à cette joyeuse galerie. Billie, campée par Laura Felpin, est une belle trouvaille. On nous la présente comme une fille chiante, aux changements d’humeur imprévisibles. On la voit à travers les yeux de ce mec qui n’a pas encore travaillé sur lui, sur l’image qu’il a des femmes, ou sur l’influence que son pote Ben a sur lui. À mesure que le déclic se fait dans le cerveau du narrateur, quitte à, justement, passer à Billie les rênes du récit le temps d’une séquence, elle se révèle à nous (et à lui) sous sa véritable forme : une nana géniale, et parfaite pour lui.

L’énorme capital sympathie de Kyan Khojandi, qui perdure depuis une décennie, est certes pour beaucoup dans l’adhésion du public pour la série. Le bonhomme semble ne jamais faire de faux pas et met tout le monde d’accord. À une époque où tout est clivant et prétexte à s’écharper sur les réseaux sociaux, la série accomplit aussi le tour de force de n’offenser personne, et même de réconcilier les générations et les sexes.

bref met le doigt sur des problématiques universelles — en n’oubliant pas ses personnages secondaires — et ausculte avec une infinie précision les dilemmes, les désirs, les paradoxes et les traumas d’un (plus si jeune) adulte. De mémoire de sériephile, rarement une série française n’avait aussi finement examiné la condition des trentenaires, et maintenant quadragénaires, ordinaires. 

Et en plus, c’est marrant.