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Konbini | Comment était ta jeunesse ?
Bernard Fevre | J’étais adorable. Un garçon charmant, très beau, souriant, plein de talent… (rires) J’ai passé ma jeunesse en banlieue parisienne, c’était très différent à l’époque, l’ambiance était bien plus douce. J’étais un mauvais élève. Je souriais tout le temps, ce que les instituteurs détestaient. Quand j’étais en seconde, j’avais même un professeur qui me virait systématiquement quand il me voyait arriver. Je n’aimais que la musique. Je n’avais de bonnes notes que dans cette matière, ce qui ne faisait pas une bonne moyenne lorsque l’on additionnait le reste. J’étais bon en français, cela dit. Avec du recul, je pense que j’aurais aimé être comédien. Je m’aperçois aujourd’hui que j’adorais jouer.
Mais j’ai toujours voulu faire de la musique. Je jouais du piano dans la cour de la maternelle. Avec deux mains. Mes parents n’ont rien de musiciens. J’ai pris des cours dans le quartier. À l’âge de dix ans, j’ai découvert le rock’n’roll, qui passait à certains endroits. Je me suis tout de suite dit que c’était mieux que ce qu’on m’apprenait à jouer. Enfin… J’aimais bien Chopin mais l’attirance pour le rythme du rock outrepassait tout le reste. C’est très important le rythme. Pour les écrivains, pour les sportifs, les garagistes… Tous en ont besoin. Je faisais de la batterie avec mes doigts sur un clavier de piano.
À quoi ressemblait le Paris du tout début de ta carrière ?
Le Paris d’aujourd’hui n’a rien à voir. Il y avait autant de prolos que de bourgeois et tout ça se mélangeait dans un décor pas fameux. Il y avait une espèce de communication entre les classes sociales et ça, j’ai l’impression que c’est en train de mourir sérieusement. Je ne vois que des gens qui se font la gueule de nos jours. Les jeunes, ça va. À l’époque si quelqu’un me paraissait intéressant ou qu’une tronche me plaisait, il suffisait de m’arrêter, que ce soit dans la rue ou n’importe où ailleurs, pour entamer une conversation. C’était aussi simple que ça. Aujourd’hui c’est devenu une agression de parler à quelqu’un à qui on n’a pas été présenté. Paris est toujours une ville intéressante mais uniquement lorsque l’on est jeune. Jusqu’à 30 ans, Paris c’est pas mal : on rencontre des gens. Après ça devient très difficile. Aussitôt que tu as fondé une famille et que tu travailles, tu te mets à aller dans des boîtes chères (le lounge d’un grand hôtel avec les bières à 9 euros). Mais vu que cet argent devrait être réservé aux choses importantes (nourrir sa famille, payer les crédits…), tu ne peux plus souvent sortir et dépenser. C’est devenu très cher de vivre à Paris.
Apparemment tu sors souvent. Qu’est-ce qui te plaît autant dans les clubs ?
J’adore être avec des gens qui ont entre 18 et 30 ans. Tous mes amis que j’ai rencontrés grâce à la musique ont cet âge-là. Ce que j’aime chez les gens c’est leurs rêves et il y a un moment où les gens s’arrêtent de rêver. J’avais un pote avec qui on allait au Bus Palladium quand on était plus jeunes. Quand on a eu 25 ans, on s’est dit que les gens qu’on fréquentait avant avaient perdu de leur peps. Du coup on a commencé à fréquenter des gens plus jeunes que nous. Je m’ennuie avec les gens qui n’ont plus de rêves. Dès que l’on me parle de bureau, de retraite, de métro, ça ne m’apporte rien. Quand t’es artiste (même si je suis pas un grand artiste), tu as besoin de parler de choses qui ne sont pas réelles. Tu ne peux pas faire travailler ton imagination sinon. J’ai besoin de m’imaginer des choses lors des conversations, c’est ce qui m’inspire.