La véritable fashionista de la série n’est peut-être pas celle que l’on croit. Révélation en saison 2 d’Emily in Paris, devenue une icône du chic à la parisienne outre-atlantique, Sylvie, la boss de l’héroïne, incarnée par Philippine Leroy-Beaulieu vient contrebalancer la chaleureuse (et parfois incontrôlable) exubérance vestimentaire d’Emily. Il suffit qu’elle entre dans le cadre pour que nos pupilles soient apaisées et notre peau instantanément réhydratée. En anglais, on appellerait ça un “palate cleanser”. Mais puisqu’on adooooore s’offenser du mauvais goût de la jeune américaine et qu’on est, il faut bien l’admettre, un poil chauvin·e·s, on ne résiste pas à la tentation de comparer leurs deux styles, diamétralement opposés.
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Ces looks aux antipodes, et qui marquent ainsi le gap culturel et générationnel entre les deux femmes, on les doit à Marylin Fitoussi, une designeuse et costumière française (qui a notamment travaillé sur le film Kaamelott : premier volet), ainsi qu’à la consultante Patricia Field, une véritable légende, derrière les tenues de Sex and the City, Ugly Betty ou encore Le Diable s’habille en Prada. L’extra VS le minimalisme, le donut contre le croissant, l’ingénue face à la femme fatale, on a décortiqué le dressing de ces deux icônes de mode. Il faut dire qu’on a beaucoup critiqué les choix vestimentaires d’Emily Cooper, qui jurent avec l’idée que l’on se fait du chic à la parisienne. Jugés de mauvais goût, accusés de provoquer des décollements de rétine et des nausées, ces looks aux imprimés qui clashent, Marylin Fitoussi les assume !
“Vous pouvez les trouver kitsch, différents ou tout ce que vous voulez, je m’en fous ! C’est une leçon sur comment être vous-même. Qui impose les règles ? Qui décide ce qui est tendance ou ringard ? À la mode ou dépassé ? De toute évidence, je n’y prête aucune attention”, confiait-elle au magazine Elle américain.
On stan une designeuse qui pète les codes ! Des plus grands créateur·rice·s aux futurs grands noms de la haute couture, en passant par des talents émergents, chaque tenue portée par Emily vaut, au minimum, 2 000 $. Clairement, le réalisme est aussi le cadet de ses soucis. Après tout, si la série peut faire passer un 45 mètres carrés sous les toits du 5e arrondissement pour une chambre de bonne, elle peut aussi saper sa responsable marketing junior avec une mini-robe Valentino à 12 000 $. La rêverie fantasmée d’Emily in Paris ne s’arrête pas à sa vision de la capitale. Sa jeunesse, son côté ingénu et sa façon de toujours paraître comme un poisson hors de l’eau s’expriment directement dans ses looks. La native de Chicago, étrangère aux conventions sociales et culturelles en vigueur dans notre pays, doit être le point focal de chaque plan dans lequel elle est. La costumière a donc mis le paquet sur les motifs, les imprimés et surtout, les couleurs. Emily aime montrer un peu de peau, les épaules, les jambes ou le ventre, et mélange allègrement les pièces de collections récentes avec du vintage… Mais toujours couture !
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Mais ce n’est pas parce qu’on porte des vêtements de créateur·rice·s qu’on est forcément dans le vrai. Le meilleur exemple est sans doute cette superposition de motifs, dans la saison 2, lorsqu’Emily se balade à St-Tropez. Elle arbore une petite robe Dolce & Gabbana déjà un poil chargée, un chapeau noir et blanc et un sac Louboutin façon patchwork. Le résultat est plus Desigual que high fashion : c’est une véritable indigestion d’imprimés dont le budget est tout de même estimé à plus de 5 000 $ ! Dans le même esprit, elle flirte, dans l’épisode 5, avec l’accident industriel. Un t-shirt Zara à damiers avec une bordure fluo et un sac Dolce & Gabbana viennent crucifier un look aux accents jaune et mauve qui, sans ces deux éléments perturbateurs, aurait été du plus bel effet.
Il y a heureusement des mariages plus heureux, comme cet assortiment dans les tons de vert et de rose. Dans le premier épisode de cette saison 2, Emily porte un pull rayé à manches courtes Versace, une jupe Thierry Mugler, ainsi qu’une ceinture et des chaussures en accord avec ces couleurs. Notre héroïne joue les équilibristes et la frontière entre l’audace et le mauvais goût n’a jamais été aussi fine. Et, parfois, quand elle opte pour davantage de sobriété en s’en tenant à un motif, voire aucun, ou une couleur, la magie opère, comme avec son look très 50’s lors de la soirée organisée sur le bateau-mouche. La robe blanche avec des cœurs rouges et aux manches en éventail, créée par la jeune designeuse Anouki, est du plus bel effet. On pense aussi à celle de l’épisode final à Versailles : la robe rouge en tulle, qui montre ses jambes sur le devant et dégouline en traîne légère à l’arrière, est une collab entre H&M et Giambattista Valli (au prix, plus accessible, de 399 $). La perfection !
Si le credo d’Emily côté fringues est “bigger than life”, celui de Sylvie, sa boss et personnification du chic à la française, opte pour le “less is more”. Silhouette minimaliste, peu d’accessoires, absence d’imprimés, des lignes nettes, en jouant parfois sur l’asymétrie et des coupes toujours “on point”, la lady de Paris assume son pouvoir jusque dans ses vêtements. Aux antipodes de sa volubile employée, elle est l’incarnation de la sophistication. Mais pas question de cantonner cette fabuleuse quinqua à des tenues sages ou pudiques. Sylvie, interprétée par la magnifique Philippine Leroy-Beaulieu, est sexy et vénéneuse sans en faire des caisses.
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L’une de ses signatures, ce sont ses blouses, toujours taillées dans des matières soyeuses qui dansent en même temps que la patronne chaloupe : verte, blanche ou dorée, toutes les couleurs lui vont. Sylvie fait toujours des entrées remarquées, comme si elle aspirait l’air de chaque pièce dans laquelle elle se trouve. Une confiance en elle qui se traduit, évidemment, dans ses vêtements. L’une des marques de pouvoir dans la mode, ce sont les épaules structurées et saillantes. Le dressing de Sylvie déborde de vestes, de robes ou de tops qui lui donnent cette attitude altière, comme autant de déclinaisons du power suit des années 1980. Et pour des occasions plus raffinées, ses épaules n’hésitent pas à se dénuder pour un effet très… Waouh !
Mais, en bonne française qu’elle est, Sylvie est aussi une femme amoureuse et désirable. Lorsqu’elle tombe un peu l’armure, on la découvre bohème. À St-Tropez, elle sort de l’eau telle une naïade dans un bikini noir, avant de s’envelopper dans un paréo. Mais l’une de ses pièces maîtresse dans cette saison, c’est cette robe noire en dentelle Dolce & Gabbana, qu’elle agrémente d’un long manteau violet de la Maison Rabih Kayrouz, ainsi que d’un sac clouté de chez Valentino. Et pour la soirée sur le bateau-mouche, elle est divine dans son ensemble veste et robe assortis, au motif chevron qui contraste avec cette tenue immaculée. Une création sur mesure du Renaissance Project Paris. Enfin, le clou du spectacle : à Versailles, Queen Sylvie est au sommet de son élégance dans une combinaison bustier noire, agrémentée d’une longue écharpe blanche flottant dans le vent tandis qu’elle déclare : “Consider it a French revolution”. Iconique.
Les deux premières saisons d’Emily in Paris sont disponibles sur Netflix.