L’étau judiciaire se resserre dans une enquête phare du #MeToo français : le cinéaste Benoît Jacquot a été mis en examen mercredi pour viols sur les actrices Julia Roy en 2013 et Isild Le Besco entre 1998 et 2000, et placé sous contrôle judiciaire.
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Le septuagénaire est soupçonné de viol conjugal sur Julia Roy en 2013 et de viol sur mineure par personne ayant autorité sur Isild Le Besco, entre le 1er novembre 1998 et le 21 novembre 2000, a indiqué le parquet de Paris, sollicité par l’AFP. La juge d’instruction l’a toutefois placé sous le statut plus favorable de témoin assisté pour viols conjugaux sur Isild Le Besco en 2007 et sur Julia Roy entre 2014 et 2018.
Benoît Jacquot a aussi été placé sous un contrôle judiciaire lourd, qui lui fait notamment obligation de ne “pas exercer la profession de réalisateur y compris les apparitions publiques en lien avec les activités ayant permis la commission des infractions pour lesquelles il est mis en examen”.
“Cancellisation”
“Plus qu’une interdiction professionnelle, il s’agit d’une véritable mesure de cancellisation judiciaire, sur le fondement d’une enquête embryonnaire et avant tout jugement. Nous allons évidemment faire appel”, a réagi auprès de l’AFP son avocate, Julia Minkowski.
Benoît Jacquot a aussi pour obligation de “ne pas entrer en contact avec les témoins et victimes”, de “ne pas exercer d’activité en lien avec les mineurs” ou encore de “fournir un cautionnement de 25 000 euros”, a détaillé le parquet. Interrogé depuis lundi à la Brigade de protection des mineurs de la police judiciaire parisienne, Benoît Jacquot, 77 ans, a répondu aux questions des enquêteurs, selon une source proche du dossier, et nie les accusations qui le visent.
Sa mise en examen constitue “une étape très importante de la procédure judiciaire pour Julia Roy”, âgée de 42 ans de moins que Benoît Jacquot et qui a joué dans quatre de ses films de 2016 à 2021, “dont l’état de stress post-traumatique est profond et persistant”, a commenté son avocate, Margot Pugliese. “Il faut se féliciter que la justice ait pris l’exacte mesure des faits criminels dénoncés”, a abondé le conseil d’Isild Le Besco, Benjamin Chouai.
Mme Le Besco, 41 ans, a tourné six films avec Benoît Jacquot qu’elle a rencontré quand elle avait 16 ans et accuse de violences sexuelles, psychologiques et physiques. “Je crois que Benoît n’est pas un homme qui souhaite faire du mal sciemment. […] Benoît, c’est autre chose : il a cette volonté de pouvoir absolu, de contrôle”, a-t-elle estimé dans un entretien publié mercredi par le magazine Elle.
Nouvelles plaintes visant Doillon
Benoît Jacquot a été placé en garde à vue lundi comme un autre réalisateur de renom, Jacques Doillon, 80 ans, visé par des accusations de viols. La garde à vue de Jacques Doillon a été levée mardi soir “pour des raisons médicales”, selon le parquet de Paris, qui réfléchit encore aux “modalités des suites à donner” le concernant.
Devant les policiers, M. Doillon a notamment été confronté à Joe Rohanne, personne trans non binaire, qui a déposé plainte pour trois viols, coups et blessures et violences psychologiques, a confirmé à l’AFP son avocate, Me Laure Heinich. Le Monde a révélé sa plainte mercredi soir, ainsi que celles de deux femmes accusant Jacques Doillon de viol pour l’une, de tentative de viol pour l’autre. L’avocate du cinéaste, Me Marie Dosé, n’a pas souhaité réagir.
L’enquête préliminaire a été déclenchée après la plainte déposée par une autre actrice, Judith Godrèche, contre les deux cinéastes mais elle ne figure pas dans le périmètre des investigations lancées dans le cadre de l’information judiciaire ouverte. “Ces plaintes [d’Isild Le Besco et de Julia Roy, ndlr] sont non prescrites. La période que j’ai dénoncée est prescrite. Mais je me sens entendue à travers cette décision”, a réagi Judith Godrèche sur Instagram après l’annonce des réquisitions de mise en examen du parquet.
Âgée de 52 ans, l’actrice a accusé publiquement, début février, Benoît Jacquot de viols puis Jacques Doillon d’agression sexuelle, déclenchant une nouvelle tempête dans le cinéma français, jusqu’à ébranler la cérémonie des César ou le Festival de Cannes. “Le parquet n’a pas encore pris de décision concernant Jacques Doillon”, a relevé mercredi Mme Godrèche, “toutes ses victimes et moi-même retenons notre souffle. Notre espoir persiste”.