Dès le début, l’entreprise sentait le sapin. Pour faire la promotion de leur premier long-métrage en tant qu’acteurs sorti en 2017, le tandem comique Éric et Quentin mettait en ligne une vidéo parodique intitulée “La presse en parle” dans laquelle ils moquaient — un peu dans la veine de leur pastille sur Quotidien — les critiques de cinéma. Cette stratégie de défense par l’offensive avant même d’avoir reçu le moindre uppercut était un premier aveu de faiblesse.
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Mais quand la vraie critique a été interdite de projections presse, l’odeur de brûlé s’est répandue dans les médias puis auprès du public. S’ils sont moins de 50 000 à avoir vu le film réalisé par Stéphane Kazandjian, pourtant sorti en pleine Fête du cinéma, ils seront des centaines de milliers à le descendre sur les réseaux sociaux.
Résultat, le film écopera de la note spectateur de 0,9 sur 5 sur Allociné, catastrophique et pourtant soupçonnée d’avoir été revue à la hausse par le distributeur du film qui aurait créé de faux profils. Sur SensCritique, il arbore péniblement un 2/10 et sur Letterboxd, bien qu’assez peu noté (200 notes), il récolte un 1,4 sur 5.
Chargement du twitt...
On a profité de la mise en ligne de Bad Buzz sur MyTF1 pour constater de nos propres yeux l’ampleur des dégâts. Et il faut le voir pour le croire, car rien de ce qu’on a vu ne justifie ces quelques poussières d’étoiles accordées sur Allociné.
Flan raplapla et paroxysme du mauvais goût
Pourtant, le postulat du film a presque failli être intéressant car si Bad Buzz n’avait pas volontairement choisi d’être une ineffable plantade à tout point de vue, il aurait pu s’attaquer à une problématique contemporaine pertinente, celle du caractère parfois totalement infondé d’un bad buzz et de la vitesse à laquelle il devient hors de contrôle sur les réseaux sociaux. Éric et Quentin, duo d’humoristes pas des plus populaires qui officiaient dans une émission grand public très regardée, auraient ainsi pu être les protagonistes, non pas idéaux, mais appropriés de ce questionnement méta.
Mais puisqu’il ne fallait surtout pas risquer d’aborder la question avec un semblant d’intelligence, les scénaristes — Éric, Quentin et Flora Desprats Colonna — saboteront rapidement l’occasion en bricolant un quiproquo à base de salut nazi, de zoophilie et de photo de fesses à l’air. Le film est lancé depuis dix minutes et on en a déjà trop vu. Heureusement, il ne nous reste qu’une heure de torture visuelle puisque la seule élégance dont Bad Buzz fera preuve est sa durée : 1 h 13 (soit 1 h 13 de trop).
La suite du scénario sera réduite à une expédition en car au Havre en compagnie des deux personnages les plus détestables que le cinéma ait inventés afin de tenter de chasser le bad buzz grâce à un bon buzz. Pour cela, les deux héros choisiront, pêle-mêle, d’instrumentaliser une grand-mère décédée, le désespoir de migrants ou un toucher rectal sans consentement, mais tenteront surtout de faire rentrer aux forceps un maximum de sketchs douteux dans un scénario qui tiendrait en un mauvais tweet, le tout ficelé par des dialogues aussi plats qu’en flan loupé.
Exemple :
Éric : “Super, bien joué ton idée du car.”
Quentin : “Ben moi, au moins, j’ai eu une idée.”
Éric : “Évite d’en avoir une deuxième alors.”
Quentin :“D’abord j’en n’ai pas que deux, j’en ai plus de mille dans mon sac.”
Éric : “Mille mauvaises idées, c’est cool ça, c’est bien.”
Quentin :“Je te déteste donc je ne te parle plus.”
Éric : “Moi non plus, je ne te parle plus, je te signale.”
Le paroxysme du mauvais goût sera rapidement atteint, lorsque les deux compagnons de fortune feront escale dans les toilettes d’une station-service et seront surpris à s’affairer autour de la braguette d’un adolescent trisomique — incapable de maîtriser son engin de taille visiblement impressionnante — pour l’aider à uriner. Un ressort comique dont ils furent visiblement particulièrement fiers puisqu’il sera rejoué à la fin du film, lorsque ce même adolescent contentera une tante bourgeoise et frustrée sexuellement dans les toilettes d’un cimetière.
Mais le film finira par retomber sur ses pattes (comme Gribouille, le chat enragé de la défunte grand-mère) car s’il ne confirme ni infirme la théorie selon laquelle un bon buzz ferait oublier un bad buzz, le véritable bad buzz, celui qui a entouré la sortie du métrage, répondra presque malgré lui à une question plus vaste : un bad buzz vaut-il mieux que pas de buzz du tout ? Vous avez quatre heures.
Et si vous voulez en savoir plus sur le pourquoi du comment, BFM a rédigé un papier sur la production très compliquée du film, dans le cadre de leur série d’été sur l’envers du décor des comédies françaises. Un article qui éclaire à bien des égards sur le résultat final.