Tu as “oublié” de lire Sido et Les Vrilles de la vigne et le bac de français, c’est demain ? Pas de panique, on te résume les livres, et au passage, on te donne quelques pistes de lecture qui feront, à n’en point douter, leur petit effet auprès des interrogateurs.
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Alors…
Colette, c’est une des grandes bad bitches de la littérature française et du début du XXe siècle. D’abord, elle est une des premier·ère·s auteur·rice·s à faire de l’autofiction. “Autofiction”, ça veut dire qu’elle mêle autobiographie et fiction, elle brouille les pistes entre ce qui relève de l’imagination et ce qui est vraiment arrivé. Elle mythonne, mais avec classe.
Elle rencontre à l’époque un grand succès, en particulier grâce à sa série Claudine, à partir de 1900. Ce qui est “rigolo”, c’est que pendant longtemps, ça n’a pas été son nom sur la couverture de ses romans mais celui de son mari, Willy. Le mec signait les livres qu’écrivait sa femme dans le plus grand des calmes, et il a même fini par en revendre les droits sans la prévenir… Quel culot, Willy, quel culot.
Mais avant tout ça, Colette passe une enfance douce et heureuse avec Sido, sa mère. Ensemble, elles jouent dans le jardin de leur maison bourguignonne, et c’est cette nature, cette douceur, cette joie que l’on retrouve dans Les Vrilles de la vigne et dans Sido, respectivement écrits en 1908 et 1930.
Ça parle de…
souvenirs, d’amour et de nature. Dans Sido, Colette raconte une partie de son enfance à travers les portraits qu’elle fait des membres de sa famille.
D’abord de sa mère, Sido, une femme pleine de vie, de joie et d’amour pour la nature. Dans son jardin, où elle passe le plus clair de son temps avec Colette, elle cultive un monde luxuriant où papillonnent les plus jolies couleurs et les plus douces odeurs. La mère et la fille entretiennent une relation fusionnelle. Et quand je dis “fusionnelle”, je veux dire que ça verse parfois dans la jalousie toxique, mais bon… ça a aussi son charme, je suppose.
Ensuite, il y a son père, Jules-Joseph, aka le “capitaine”, ce qui est un surnom plutôt stylé, vous en conviendrez. C’est mieux que “Dédé la fripouille”. En plus, il a perdu une jambe pendant la guerre, ce qui rajoute à son charisme de pirate. Sous ses dehors brutasses, il a une âme douce d’artiste, qui aime Sido et la musique. Colette lui ressemble, à ce “capitaine” qui aurait aimé écrire.
Enfin, il y a ses frères : Achille, un demi-frère dont elle ne parle que très peu, mort dix ans avant l’écriture de Sido, et Léo, avec lequel Colette forme un duo très complice qu’elle appelle “les sauvages”. Sauvages, parce qu’ils refusent de s’adapter au monde et préfèrent leur compagnie propre à celle des autres. Des BFF introverts, quoi. Si vous ne comprenez pas ça, vous sortez, en fait. C’est une extrovert-free zone, ici, merci.
Et puis il y a Juliette, sa demi-sœur, la plus grande de la fratrie : c’est un peu le double sombre de Colette, plus solitaire, plus triste. Dans Sido, elle se marie de justesse, mais sans conviction : un peu plus et elle aurait dû porter la coiffe des Catherinettes. Vous savez ce que c’est, la coiffe des Catherinettes ? À l’époque, si vous étiez une femme, que vous aviez plus de 25 ans et que vous n’étiez pas mariée, il y avait une fête où vous deviez porter un chapeau un peu ridicule et défiler devant tout le monde… Allez me dire après ça que vous avez toujours l’impression d’être née à la mauvaise époque.
Maintenant, passons aux Vrilles de la vigne. Contrairement à Sido, qui a la forme d’un roman, Les Vrilles de la vigne sont un recueil de textes divers, tous autobiographiques, tous traversés d’une puissante nostalgie, parfois douce, parfois plus âpre. Au fil des pages, on reconnaît toutes les petites obsessions, tous les traits de caractère, toutes les fantaisies de Colette.
Comme dans “Rêverie de nouvel an”, par exemple, où elle se rappelle ses fins d’années passées dans sa maison d’enfance, dans l’Yonne, avec toute sa famille, toutes les sensations liées à la neige, au froid du dehors et au chaud du dedans. Pour les Parisiens qui lisent ça, la neige, c’est comme la pluie, mais en plus solide, plus froid et plus joli.
Elle se souvient aussi avec tendresse de ses animaux de compagnie, Nonoche, Toby-Chien, Kiki-La-Doucette, qu’elle personnifie et fait discuter. Ils deviennent les personnages de ses spectacles d’enfant, les plus fidèles amis de ses premières années.
Elle pense à l’amour, qu’il soit malheureux, comme dans “La Guérison”, ou heureux, comme dans “Nuit blanche”. Dans “La Guérison”, une amie de Colette vient d’être larguée comme une malpropre et passe par toutes les étapes de la rupture : la chouinerie, l’impression d’être la seule à souffrir, la souffrance totale, le reniflage salutaire, et enfin, la lumière au bout du tunnel, Britney Spears toute la nuit en buvant des mojitos.
Dans “Nuit blanche”, elle raconte une nuit passée avec Mathilde de Morny, son amante. Parce que oui, Colette est à voile et à vapeur : elle revendique haut et fort sa bisexualité. Et au fond, cette affirmation de soi va de pair avec sa sensualité, sa confiance en la nature : si elle le ressent, ce ne peut pas être mauvais, comme le soleil sur sa peau dans “Bain de soleil” ou la paix profonde qu’elle ressent dans “Forêt de Crécy”.
Et c’est intéressant parce que…
Claudine célèbre la nature.
Pap Ndiaye ne nous a pas menti : c’est, comme convenu, une véritable célébration du monde. La nature de Colette, telle qu’elle s’en souvient du moins, est si vivante qu’elle en deviendrait presque magique : les sens sont en constant éveil dans ce monde merveilleux où les animaux, les astres, les plantes, les mers, les cieux ont une âme heureuse.
Claudine célèbre la langue.
Cette vie, Colette nous la rend présente par une sensualité poétique ténue : la recherche du mot juste, les tendres descriptions, les personnifications participent à la recréation d’une nature abondante et joyeuse. L’amour de la nature va de pair avec l’amour de la langue, comme il va de pair avec l’amour des siens.
Claudine célèbre la littérature.
Depuis Paris, par le souvenir et les mots, Colette retourne dans son village de Bourgogne. Elle joue dans le jardin de son enfance, embrasse la mélancolie, ressuscite ses parents, sa sœur, ses frères, ses animaux dans un éden perdu. Et cet éden que Colette célèbre, c’est certes le jardin où sourit sa mère, mais c’est au fond, surtout, la littérature même.