Tu as “oublié” de lire Les Contemplations, et le bac de français, c’est demain ? Pas de panique, on te résume le livre, et au passage, on te donne quelques pistes de lecture qui feront, à n’en point douter, leur petit effet auprès des interrogateurs.
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Alors…
Peu de gens le savent mais en réalité, Victor Hugo, avant d’être le nom de la rue où habite votre grand-tante fortunée, a été l’un des plus grands poètes que la France ait jamais connu. Il est à la littérature française ce que Lénaïc Maréchal est au polo-vélo : personne ne lui arrive à la cheville, c’est un fait.
C’est un fait parce que tous les reproches que l’on peut faire à Victor Hugo, bien que recevables, sont toujours balayés par la puissance de son écriture. C’est pour ça qu’André Gide, quand on lui demandait le nom du plus grand poète français, répondait notoirement : “Hugo, hélas !”
Parce que Victor Hugo, c’est comme la vie, tout en contradictions : c’est le sublime et le grotesque, le bonheur et le malheur, la lumière et l’ombre. Et s’il y a bien une œuvre qui illustre ça, c’est Les Contemplations.
Ça parle de…
Souvenirs, de sensations passées, de regrets, de passions anciennes, d’idées en tout genre qui ont peuplé la vie de l’auteur. Ce sont les “mémoires d’une âme”, comme convenu.
Fort heureusement, c’est d’une vie et d’un esprit bien remplis qu’on parle, parce que si je faisais la même chose, ça donnerait probablement : livre 1, enfance en tant qu’HPI autodiagnostiqué ; livre 2, TikTok pour échapper au vide infernal de l’existence ; livre 3, régime sans gluten et escalade ; livre 4, jardinage, jardinage, jardinage, mort.
Les Contemplations ont été publiées en 1856 et contiennent des poèmes, répartis sur six livres, et dont l’écriture s’étale sur 20 ans, mais vous, vous n’avez à lire que les quatre premiers, c’est-à-dire…
Le livre 1, “Aurore”, qui se souvient, avec une certaine nostalgie, de la jeunesse de Victor Hugo, de ses souvenirs et de ses frustrations de collégien, dans “À propos d’Horace”, de ses premiers émois amoureux et sa découverte de la sensualité, dans “Lise”, de ses engagements littéraires et de son désir de libération du langage, dans “Réponse à un acte d’accusation”, de la beauté de la nature et du printemps dans “Vere novo”.
Le livre 2, “L’âme en fleur”, qui parle d’amour, mais surtout de Juliette Drouet, la zouz à Victor, sa gadji, sa go, sa blonde, des premiers temps d’une relation, des premiers snaps, des premiers baisers, des premières promenades, et de tous les plaisirs liés à ces instants éphémères et éternels à la fois, comme dans “Billet du matin”, qui raconte un rêve d’amoureux… C’était une blague, les snaps, par pitié.
Le livre 3, “Les luttes et les rêves”, où se réveille le Victor Hugo révolté, qui n’est absolument pas d’accord avec quoi que ce soit, et qui n’a pas peur de le crier haut et fort, et en alexandrins. Il parle de tous les grands sujets de société, comme l’exploitation des enfants pour le travail, dans “Melancholia”, de la guerre dans “La Source”, ou de la peine de mort, dans “La Nature”.
Le livre 4, “Pauca meæ”. Fini la rigolade. En réalité, Les Contemplations tournent autour de la mort de Léopoldine, la fille de Victor Hugo, et en particulier d’un poème : “4 septembre 1843”. C’est une page vide, comme un lieu de recueillement. C’est toute la douleur que Victor Hugo n’arrivera jamais à exprimer. C’est la mort même.
“Pauca meæ”, c’est un long deuil, qui oscille entre la rage de l’auteur contre un destin injuste, dans “Trois ans après”, sa mélancolie quand il se rappelle sa fille adorée, dans “Elle avait pris ce pli”, et une forme de fatalité triste mais teintée d’espoir, dans “À Villequier”.
Et c’est intéressant parce que…
Ce sont en effet des mémoires en bonne et due forme.
“Je veux être Chateaubriand ou rien” : c’était ce qu’affirmait Victor Hugo, plus jeune. Et forcément, quand on pense à Chateaubriand, on pense aussi à ses Mémoires d’outre-tombe, qui parlent de la fin du XVIIIe siècle, de la Révolution française, de Napoléon… Ce qui nous rappelle le principe même des mémoires : mettre en rapport la grande Histoire, celle du monde, et la petite, personnelle.
Et ce sont aussi les “mémoires d’une âme”.
Certains livres des Contemplations, comme “Les luttes et les rêves”, s’attardent plus que d’autres sur la grande Histoire : la pauvreté, la faim, la prostitution, l’injustice, le travail des enfants. Pour autant, la dimension autobiographique est fondamentale, puisque le monde passe par le prisme du poète, de ses sensations, de ses sentiments, etc.
Tout le monde peut s’y retrouver.
“Quand je vous parle de moi, je parle de vous” : le lyrisme romantique, ou l’exaltation des sentiments du poète, se mêle à l’universalité. Quand Victor Hugo écrit ses nostalgies, ses colères, ses bonheurs, ses deuils, c’est aussi pour les partager, pour s’ouvrir au lecteur. Dans Les Contemplations, il discute doucement avec nous : la vie est une chienne, semble-t-il nous rappeler, injuste et dure, mais qu’est-ce qu’elle est belle.