Avec Rescha, Charlotte Chowdhury crée une mode qui lui ressemble : sobre et étincelante, entre l’Inde et la France

Talents of Tomorrow by Konbini

Avec Rescha, Charlotte Chowdhury crée une mode qui lui ressemble : sobre et étincelante, entre l’Inde et la France

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© Adrien “hazembsm” Antoine

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Par Cheynnes Tlili

Publié le

"En m’intéressant à la mode, je ne voyais pas de personnes comme moi : issues d’une double culture."

Depuis plus de quinze ans, Konbini reçoit des artistes et personnalités mondialement connu·e·s de la pop culture, mais a aussi à cœur de spotter des talents émergents.

En 2025, après deux éditions des Talents of Tomorrow, on repart en quête de la relève. La rédaction de Konbini vous propose une série de portraits sur les étoiles de demain sur qui on a envie de miser cette année. Des personnalités jeunes, francophones et talentueuses qu’on vous invite à suivre et soutenir dès maintenant.

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Portrait. Notre première rencontre avec Rescha se fait fin 2023, lors de la soirée de lancement de sa collaboration avec Puma et dans une atmosphère digne des plus beaux décors de Devdas. Le coup de foudre est immédiat. Déjà conquis, on découvre ses pièces avec passion. On a vraiment envie de porter ses jupes transparentes, brodées de pièces argentées, par-dessus ses pantalons à la coupe droite. Et on veut s’envelopper dans ses mailles colorées qui, pour sûr, nous apporteront tout le réconfort dont on a besoin. Son premier défilé en septembre 2024 nous a confortés dans notre idée : on adore Rescha !

“Être issue d’une double culture, ça m’a apporté une ouverture sur le monde, sur les autres et surtout, de ne pas avoir peur des différences”

On a craqué devant une robe faite d’un voilage gris et transparent sur lequel plein de petites perles et de sequins ont été brodés. Et on a mis dans notre prochaine shopping list ce top en viscose bleu aux gros piments rouges posé sur un mini rikiki soutien-gorge en maille qu’on se voit déjà porter par-dessus des chemises ou des tops en mesh. Et que dire de la paire de Puma Speedcat qu’elle a customisée à l’aide de bijoux indiens ?

<em>© Adrien “hazembsm” Antoine</em>

“[À l’école], tu passes ton temps à faire avec tes mains. Et tu sors de là, et ce n’est pas du tout ce que tu fais. Tu es plus derrière un ordinateur”

C’est dans ce mariage entre ses origines françaises et indiennes que la créatrice Charlotte Chowdhury a bâti toute l’identité de sa marque, Rescha, qui veut dire “fil” en hindi. Elle la pilote depuis chez elle, un appartement qui affiche un parfait équilibre entre tradition et modernité dans lequel un somptueux mur de pierre se marie à la perfection avec des meubles de designers : “J’ai commencé au début à travailler de mon côté, seule chez moi, à fabriquer moi-même les matières, à reprendre celles que j’avais développées quand j’étais à la Central Saint-Martin school (la célèbre école londonienne qui a formé, notamment, John Galliano et Alexander McQueen)“, explique-t-elle. Passer son temps sur des métiers à tisser et partir d’un fil pour créer tout un tissu, c’est son truc. “[À l’école], tu passes ton temps à faire avec tes mains. Et tu sors de là, et ce n’est pas du tout ce que tu fais. Tu es plus derrière un ordinateur”, regrette-t-elle.

© Adrien “hazembsm” Antoine

“Mon nom et mon prénom, c’est déjà l’Inde et la France”

En créant sa marque, Charlotte Chowdhury explique qu’elle a voulu créer un monde imaginaire, entre ses deux origines, où naissent et vivent des personnages hybrides : “C’est par exemple une femme qui se réveille dans son appartement où il y a un canapé blanc, mais une nappe en soie par-dessus. Elle va avoir de la vaisselle en métal compartimentée, comme on peut avoir en Asie du Sud. Et pour le petit déjeuner, elle va se faire un naan. Mais dessus, elle va mettre de la confiture à la fraise. Elle va s’habiller et mettre une jupe en soie blanche de forme assez simple avec un chemisier en soie brodée de perles et un bindi. C’est un bijou de tête qu’elle aurait porté d’une manière traditionnelle pour un dîner à Bombay. Mais à Paris, elle va le mettre en collier”, décrit-elle.

Ne pas choisir un camp, une origine et flirter avec les deux, c’est l’âme de Rescha. Tout comme celle de sa créatrice. Un idéal à la Hannah Montana façon “best of both world” qui est parfois terni par la curiosité mal placée de certains : “Il y a beaucoup de gens qui me demandent ‘qu’est-ce que tu préfères l’Inde ou la France ?’ Je me suis beaucoup posé cette question et en fait, avant toi, c’est tes parents qui se la posent pour toi. Ça commence avec le choix du prénom, pour éviter les moqueries par exemple, on opte pour un prénom français…

© Adrien “hazembsm” Antoine

En France, son premier souvenir mode, c’est le défilé de la collection des Métiers d’Art de Chanel “Paris – Bombay” en 2011. En Inde, c’est quand elle aperçoit pour la première fois une femme avec un sari qu’elle tombe sous le charme. C’est en reliant ces deux souvenirs qu’elle réussit à challenger sa créativité entre tradition et modernité : “Je vais créer une jupe dans une coupe qui va être très droite, très structurée ce qui va être son côté français. Je vais ensuite lui ajouter un artisanat indien, la broderie par exemple.”

© Adrien “hazembsm” Antoine

“Ça devenait vraiment très important pour moi d’aller en Inde”

Son besoin de renouer avec ses racines indiennes s’est fait ressentir très tôt. Alors, à 15 ans, elle part seule à Calcutta pour rejoindre sa famille. Depuis, elle continue de s’y rendre régulièrement pour y puiser l’inspiration de ses prochaines collections, ou encore rencontrer ses fournisseurs.

Et c’est justement ce qui donne à Rescha toute sa singularité : son sens du détail, à l’image de sa créatrice qui ne portera jamais rien d’extravagant et misera toujours sur des coupes sobres et efficaces. Avant de commencer l’interview, elle nous a confié faire partie de ces créateurs discrets, qui ne sont pas ultra-lookés et qui n’attirent jamais l’attention. Ses indispensables modes ? Une maille et un pantalon de tailleur large d’homme ou femme, qu’importe. Le genre n’existe pas pour elle.

© Adrien “hazembsm” Antoine

“En Inde, les hommes portent des jupes et aussi des robes”

Si le genre n’est pas un sujet chez Rescha, c’est sans doute là encore le fruit d’un héritage culturel de sa créatrice : “Mes parents partageaient un même placard et donc moi je composais avec les deux”, explique l’adepte de la mode non genrée. “En Inde, les hommes portent des jupes et aussi des robes. Il n’y a pas du tout ce même rapport au genre et c’est ce que j’adore. Et même dans la rue, les hommes se tiennent beaucoup par la main par exemple.”

© Adrien “hazembsm” Antoine

Chaque saison, Charlotte a  une vision d’ensemble de sa collection, sans se cantonner à un genre, à une technique, à une inspiration. Elle fuit les tendances comme un Parisien fuit les Champs-Élysées le week-end. Son univers tient sur des basics, des accessoires souvent indiens, des matières recherchées parfois même créées de toutes pièces, des techniques innovantes, un sens particulier du détail et un champ des possibles ouvert jusqu’à son paroxysme. C’est l’image de la mode qu’on aime : celle qui n’a pas peur de sourire, celle qui raconte de nouvelles histoires et celle qui souhaite parler à tout le monde.

© Adrien “hazembsm” Antoine

Alors, si c’est la première fois que vous entendez parler de Rescha ou de Charlotte Chowdhury, soyez en honorés ! Vous pourrez, plus tard, raconter que vous étiez là quand tout a commencé.