Avec son dernier album KOD, J. Cole a décidé, seul contre tous, de renverser les codes contemporains d’une culture bien établie : celle du hip-hop.
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À l’instar de son homologue de la côte ouest Kendrick Lamar, J. Cole fait partie de ces quelques rappeurs “populaires” qui mettent le texte et le poids des paroles à l’honneur. Toujours cantonné à un statut de rappeur “intello” bon à n’écouter qu’au casque, Jermaine Cole a pourtant réussi au fil des projets à rassembler autour de lui un public toujours plus large.
Avec son dernier album KOD, le succès commercial est tel qu’il est parvenu à faire entrer l’opus dans l’histoire de Spotify et d’Apple Music. La prouesse est double puisque l’artiste y est parvenu encore une fois sans l’appui de quelque collaborateur que ce soit. En catimini et en seulement deux semaines, s’il vous plaît.
La pochette psychédélique laisse penser que la drogue servira de fil conducteur aux douze titres du projet. On y voit le rappeur, tel un roi, en train de faire un bad trip sous l’effet de substances illégales. Près de lui, des enfants expérimentent malgré leur jeune âge toutes sortes de drogues, même les plus violentes. Weed, lean, LSD, cocaïne… J. Cole a-t-il choisi de se conformer à la tendance actuelle du hip-hop ?
Envers et contre les drogues
Ce serait mal connaître l’artiste de Caroline du Nord. Il précise, dans une phrase aux allures de message d’avertissement : “En aucun cas cet album a pour but de glorifier l’addiction.” À l’inverse, le rappeur surprend tout le monde et se place ici en allégorie de cette jeune génération de rappeurs, dont le principal carburant est de faire l’apologie des drogues dures. (Le regretté Lil Peep est d’ailleurs récemment décédé d’une overdose).
J. Cole applique ainsi la méthode habile de se mettre à la place de son ennemi pour mieux le combattre. Grâce à la sagesse de ses mots, le rappeur a fait de son album KOD un guide de lutte contre les addictions au sens large, qu’il s’agisse des stupéfiants, du sexe ou des réseaux sociaux, sujet principal du morceau “Photograph”.
C’est la force de cet album : il arrive à un moment crucial de l’histoire du hip-hop. Cette musique n’a jamais été aussi lucrative mais, en même temps, l’usage de la drogue n’a jamais été autant banalisé chez les jeunes. Au risque de passer pour le vieux con du rap game, l’artiste new-yorkais souhaite louer un mode de vie plus sain, avec une musicalité sobre (faite maison) au service du message. La symbolique est d’autant plus forte qu’il a choisi de sortir son album le 20 avril, jour dédié à la weed aux États-Unis. Un génie.
La parole d’un ancien addict
La route de la rédemption, J. Cole l’a donc canonisée en trois lettres : KOD (pour “Kids on Drugs”, “King Overdosed” et “Kill Our Demons”). Autrement dit, trois significations différentes pour illustrer les trois étapes de la rémission. Et qui de mieux placé pour faire la leçon qu’un ancien addict ? Ce sujet est d’ailleurs au cœur du morceau éponyme de l’album.
Satisfait d’expliquer enfin pourquoi il ne fait pas de featuring, le fondateur de Dreamville Records dresse un tableau du milieu dans lequel il a grandi. Depuis qu’il est petit, il vit entouré par la drogue, ce qui explique facilement pourquoi il est rapidement tombé dedans. (Kill Edward étant son alter ego, cette facette de lui-même manipulée par les drogues).
Si les problèmes d’addiction sont nuisibles quand ils nous touchent directement, ils le sont tout autant lorsqu’ils touchent notre entourage. Dans l’interlude “Once an Addict”, J. Cole raconte justement le regard qu’il portait étant jeune sur sa mère alcoolique. Il se livre ici à une véritable introspection, lui qui aurait souhaité l’aider plus qu’il ne l’a fait.
Toujours dans une volonté de dénoncer les ravages de la drogue, il raconte dans “Kevin Hart” comment les stupéfiants peuvent mener un individu à tromper son ou sa partenaire, en référence à l’acteur du même nom qui avait admis avoir trompé sa femme. Histoire d’enterrer définitivement cette histoire, ce dernier s’est même offert un chouette caméo dans le clip éponyme.
Dans des titres comme “Motiv8”, “ATM” et “Window Pain”, il rappelle cependant comment la fierté d’un travail bien fait, l’argent et la démesure peuvent être des échappatoires à la noirceur, mais aussi de véritables démons justement. Sa priorité reste néanmoins de subvenir aux besoins de sa famille et de ses proches tout en n’oubliant jamais de faire le bien autour de lui en distribuant de l’amour. Après tout, n’est-ce pas l’amour la drogue la plus puissante au monde ?
J. Cole, le vilain petit canard du rap
Son plaidoyer anti-addiction, J. Cole le conclut brillamment avec le titre qui aura fait tant parler, “1985” (son année de naissance). Un morceau dans lequel il s’emploie à attaquer sans langue de bois, mais en toute objectivité, tous ces jeunes rappeurs issus de l’ère SoundCloud. Des artistes qui se sont justement spécialisés dans tout ce que combat J. Cole.
Avec KOD, Jermaine se place définitivement comme l’homme à abattre, l’ennemi public numéro 1 de cette nouvelle génération. Des gars comme Smokepurpp et Lil Pump ne se sont d’ailleurs pas gênés pour lui répondre. Encore.
Finalement, le seul point commun entre J. Cole et tous ces rookies, c’est de réussir à toucher le sommet des charts en mettant la drogue au cœur de leurs propos. À une différence près : l’approche. Quel camp choisirez-vous ? Pilule bleue ou pilule rouge ? Addiction ou réflexion ? Le choix est vôtre, mais comme J. Cole aime à le répéter : choisissez sagement.