Pionnière du modernisme au Brésil et figure de proue du mouvement Pau-Brasil comme de l’anthropophagie, Tarsila do Amaral (1886-1973) est au cœur d’une grande rétrospective au musée du Luxembourg, à Paris. Du 9 octobre au 2 février 2025, “Peindre le Brésil moderne” expose les toiles aux motifs brésiliens, aux couleurs et au langage singuliers de la peintre, dont l’œuvre mêle ses influences avant-gardistes internationales à la culture de son pays natal. Retour sur l’œuvre et le parcours de l’artiste et star brésilienne à travers cinq faits marquants.
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Elle a réalisé son premier tableau à 18 ans
Née en 1886 à Capivari dans la région de São Paulo au Brésil, Tarsila do Amaral grandit dans une famille bourgeoise, puisque ses parents possèdent une grande plantation de café. Elle coule une enfance confortable, en campagne, pendant laquelle elle est sensibilisée aux arts et à la musique, s’initie à la poterie et apprend le français. Elle découvre tôt l’Europe, lors de voyages, et débute ses années collège dans un établissement religieux de São Paulo avant de terminer son parcours à Barcelone, en Espagne. C’est là qu’elle réalise sa première toile, intitulée Sagrado Coração de Jesus (Sacré Cœur de Jésus), alors qu’elle a 18 ans.
Tarsila do Amaral, Self-portrait (Red Coat), Museu Nacional de Belas Artes, Rio de Janeiro. (© Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A./Museu Nacional de Belas Artes/Ibram, Rio de Janeiro/Jaime Acioli)
Elle a divorcé pour aller au bout de sa vocation artistique
Après une union avec son cousin maternel André Teixeira Pinto, elle a une fille prénommée Dulce, qui sera son unique enfant. Son époux ne la soutient pas dans son désir de peindre ni dans ses appétences artistiques. Désireuse de conserver son indépendance et de s’exprimer artistiquement, Tarsila do Amaral renonce à cette vie de famille et divorce de son mari.
En 1916, elle se forme à la sculpture avec le Suédois William Zadig, au dessin et à la peinture avec Pedro Alexandrino en 1918 et à la peinture classique avec l’Allemand George Fischer Elpons. En 1920, Tarsila do Amaral rejoint Paris où elle apprend auprès d’Émile Renard et au sein de l’Académie Julian. C’est au milieu d’une avant-garde artistique en ébullition qu’elle découvre le futurisme, le dadaïsme et le cubisme. “Je me sens de plus en plus brésilienne : je veux être la peintre de mon pays. Je suis si reconnaissante d’avoir passé toute mon enfance à la campagne, dans l’exploitation familiale. Les souvenirs de ces moments sont devenus précieux pour moi”, écrit-elle à Paris, en 1923, dans une lettre à ses parents.
Elle est ensuite revenue à l’émulation artistique de son pays natal
Pendant son séjour en Europe, le milieu artistique brésilien se modernise. En 1922, une amie de la peintre lui raconte, dans une lettre, le déroulement de la Semana de Arte Moderna où les artistes s’émancipent des codes traditionnels artistiques et laissent apercevoir la naissance d’un modernisme brésilien. Tarsila do Amaral veut en être et quelques mois plus tard, elle rentre au Brésil où elle rejoint son amie Anita Malfatti et rencontre Menotti Del Picchia, Mário de Andrade et Oswald de Andrade. Ils fondent ensemble le Grupo dos Cinco, posent les bases du mouvement moderniste brésilien et parcourent le pays.
Tarsila do Amaral, A Cuca [La Cuca], 1924, Centre national des arts plastiques, Paris, en dépôt au musée de Grenoble. (© Ville de Grenoble – Musée de Grenoble/J.L. Lacroix/Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A)
Sa toile A Negra a marqué un tournant dans sa carrière
En 1923, Tarsila do Amaral est de retour à Paris avec Oswald de Andrade du Grupo dos Cinco, devenu son compagnon. Alors qu’elle côtoie l’avant-garde artistique européenne, elle crée son tableau iconique A Negra (La Femme noire), qui représente une femme noire, nue. Inspirée d’une photo d’une domestique noire américaine de son enfance, l’œuvre montre un corps déformé, aliéné et utilisé pour sa fonction nourricière. Ce tableau, qui marque un tournant dans la carrière de l’artiste, montre son intérêt pour les questions raciales, historiques et politiques de son pays, où l’esclavage ne fut aboli qu’à la fin des années 1880. En 1926, elle réalise sa première exposition personnelle à Paris.
Elle a été la figure de proue d’un art cannibale
L’artiste rentre au Brésil en 1924 et s’intéresse dans ses toiles à l’identité de son pays natal et à ses souvenirs d’enfance. Elle redécouvre les couleurs qu’elle aimait enfant, renverse les codes traditionnels et explore des thèmes brésiliens comme les transformations de son pays. C’est ainsi qu’elle fonde le mouvement Pau-Brasil avec Oswald de Andrade : en 1924, Oswald publie Manifesto da Poesia Pau-Brasil (Manifeste de la poésie Pau-Brasil).
En 1928, Tarsila do Amaral entre dans sa période anthropophagique (ou cannibale), marquée par sa toile emblématique Abaporu. Ce tableau sera suivi d’un manifeste anthropophage (Manifesto antropófago) publié par Oswald : le mouvement milite pour un art totalement brésilien ayant absorbé et digéré des pratiques et des influences venues d’ailleurs, notamment de l’Europe. Sa peinture devient ensuite plus sociale et réaliste : Tarsila do Amaral se rapproche du parti communiste et gagne l’URSS en 1931. Un an plus tard, elle fait un mois de prison à São Paulo à cause de ses engagements en URSS. Elle reviendra plus tard à sa période Pau-Brasil.
Tarsila do Amaral, Academia n°4 [Académie n°4], 1922, collection particulière. (© Romulo Fialdini/Tarsila do Amaral Licenciamento e Empreendimentos S.A)
Konbini, partenaire du musée du Luxembourg.